Photo : S. Zoheir Par Salah Benreguia En Algérie, la révision à la hausse de la marge rémunératrice relative à la vente des carburants en vertu des articles 22 et 29 du décret n°08/289 de septembre 2008 vaut-elle mieux que la fermeture certaine des stations-service, avec comme dommages collatéraux, la perte d'emplois et la pénalisation des usagers de la route ? A en croire les propriétaires privés et exploitants de stations-service, la réponse est positive ! En effet, le décret exécutif cité ci-dessus, qui exige une révision annuelle de la rémunération de l'activité de commercialisation de détail des carburants n'est pas appliqué par le gouvernement qui l'a élaboré... Ce fait, au demeurant étrange, qui rappelle, à coup sûr, d'autres, est actuellement vérifié et aisément identifiable chez nous en Algérie.Comment alors expliquer le fait que le gouvernement ne veut pas appliquer ses propres lois, mettant en danger la survie des stations-service ? Préfère-t-il laisser ces stations disparaître, alors que leur mission de service public est plus qu'importante ? L'exécutif actuel est-il conscient des graves retombées que pourrait produire la fermeture pure et simple des stations- service ? Les responsables concernés par cette affaire se rappellent les graves conséquences, d'ordre social, engendrées par la grève des stations-service en France il y a plus d'une année ?Autant de questions qui reviennent au sujet du refus du gouvernement d'appliquer sa propre loi, autrement dit augmenter la marge rémunératrice relative à la vente des carburants, décidée et parue, rappelons-le, dans le Journal officiel numéro 54 du 21 septembre 2008. Dans un pays comme le nôtre, où le parc automobile s'agrandit de plus en plus - même avec la suppression du crédit automobile - imaginez un instant le dysfonctionnement et le trouble que pourrait engendrer la fermeture forcée des stations-service : ce sera la paralysie totale !Ce qu'on peut qualifier de «l'affaire des stations-services» remonte à 2005. L'année de la dernière révision des marges rémunératrices (entre 5 et 6%). Trois ans après, rien n'a été fait. Et pourtant, la réglementation (décret exécutif 08-289 de septembre 2008) exige une révision annuelle de la rémunération de l'activité de commercialisation de détail des carburants. Ce texte de loi définit la méthodologie d'ajustement du prix du pétrole brut «entrée-raffinerie» utilisé dans la détermination du prix de vente des produits pétroliers sur le marché national. L'article 24 dudit texte réglementaire stipule que «les modalités de détermination de la rémunération de l'activité de commercialisation de détail sont réexaminées tous les cinq ans par la vérification de la validité des paramètres de base ayant servi à leur détermination et leur ajustement éventuel, en consultation avec les distributeurs concernés». Le même texte énonce, selon l'article 26, que «la rémunération de l'activité de commercialisation de détail peut être révisée par l'autorité de régulation des hydrocarbures, à la demande des distributeurs, durant cette période de 4 ans, en cas de variation importante des paramètres économiques ayant servi à sa détermination». Avec toute cette armada de lois, les choses n'ont pas changé d'un iota. Pis, le silence des pouvoirs publics semble avoir exaspéré davantage les propriétaires de stations, regroupés au sein de l'Union nationale des investisseurs, propriétaires et exploitants de relais et stations-service (Uniprest), par ce qu'il les maintient dans «une expectative angoissante», pour reprendre l'expression de l'un de ses membres. Fermeture générale des stations-service d'ici janvier prochain… En raison du maintien de ces marges à leur niveau actuel, l'activité de distribution de carburant est menacée d'asphyxie, nous a déclaré Samir Laribi, membre du bureau national. Ce dernier a ajouté que si le gouvernement ne veut pas toucher aux prix des carburants, il lui reste, à ses yeux, l'option de réduction des marges. Si toutefois l'Exécutif persiste à ne pas appliquer «ses propres» lois, l'Uniprest, qui emploie des milliers de personnes (environ 40 000 emplois directs et près de 80 000 indirects), menace de recourir à une action de protestation. Et c'est pour cela, ajoute notre interlocuteur, qu'ils comptent d'abord «médiatiser» cette affaire, pour que chaque partie assume sa responsabilité…«Depuis janvier 2005, date de la dernière révision des marges, toutes les charges entrant dans l'exploitation d'une station-service ont augmenté et plus particulièrement la masse salariale. De 2005 à 2011, l'augmentation du SNMG bien que légitime a connu divers accroissements. Il était de 8 000 DA et maintenant il sera, dès janvier prochain, à 18 000DA», nous a expliqué un membre fondateur de cette union et d'ajouter plus loin que «la stagnation de cette marge rémunératrice engendre des difficultés de payement des stations et contribue à l'affaiblissement rapide des actifs». Bouchenafaa Mamar, également membre du bureau de cette union, parle d'ores et déjà de la fermeture certaine à partir de janvier prochain, date de l'application de l'augmentation du SNMG. «La baisse de la rentabilité a atteint en 2011 des proportions alarmantes ayant pour conséquence l'arrêt de l'activité puisqu'aucune ressource ne peut être dégagée pour le remplacement des équipements et encore moins pour l'entretien, l'embellissement et la rénovation des airs de circulation», regrette-t-il plus loin. Deux études de rentabilité élaborées et adressées à l'ARH Afin de faire valoir leur droit, les propriétaires de ces stations-service ont élaboré deux études de rentabilité, entre 2009 et 2010, adressées à l'Autorité de régulation des hydrocarbures (ARH). «Nos études corroborent les résultats des études faites par l'ARH. D'ailleurs, cette autorité a jugé notre revendication légitime», nous a affirmé ce membre du bureau. Indiquant que contrairement à d'autres secteurs d'activité, les exploitants des stations-service ne peuvent pas augmenter les prix des carburants, la même source l'explique par le fait que les prix et les marges bénéficiaires sont administrés par l'Etat. Mieux, des contacts ont été établis avec les services des ministères des Finances et de l'Energie et des Mines. Toutefois, les résultats demeurent toujours les mêmes : leurs doléances sont restées lettres mortes. Au niveau du gouvernement, les déclarations allant dans le sens de l'augmentation des marges rémunératrices, tel que défini par le décret exécutif de 1996, remonte à plus de deux ans. Mais toujours sans application. En effet, on se souvient de l'intervention de Chakib Khelil alors ministre en charge du secteur de l'Energie et des Mines. L'ex-ministre avait souligné que la révision annuelle des marges bénéficiaires de 4 à 5% était au programme du gouvernement. En effet, répondant à l'APN, à une question sur les marges bénéficiaires des stations-service, l'ancien premier responsable du secteur de l'énergie a indiqué que les prix des produits stratégiques sont définis par un décret exécutif de 1996 portant définition des prix et marges maximales concernant certaines marchandises et services stratégiques. Il a également rappelé que son département cherche à améliorer ces marges pour tous les opérateurs y compris les distributeurs. A l'heure actuelle, son successeur à la tête du ministère semble, lui aussi, vouloir suivre la même logique : pousser au pourrissement de la situation, autrement dit laisser ces stations s'asphyxier. S. B. Erratum Nous nous excusons auprès de nos lecteurs et de notre correspondant d'Oran pour l'attribution par inadvertance de l'article paru dans notre édition d'hier sur les PME à Samir Ould Ali, alors qu'il est de Mohamed Ouanezar.