20 milliards de dinars ! Rien que ça. Le ministre de l'Education, Boubakeur Benbouzid, déclare que son département n'est en rien ou presque concerné par un pactole qui, comme dans une toile allégorique de Botticelli, est attendu mains tendues vers un invisible bienfaiteur par des délégués du personnel et des syndicalistes, parmi lesquels, certains ont une légitimité, d'autres non. Cela importe si peu. «Les fonds des œuvres sociales sont ceux des enseignants et des travailleurs du secteur, et non pas ceux du ministère», estime M. Benbouzid. Etrange raisonnement autour d'un pactole dont l'importance laisse la porte grande ouverte à tous les apprentis agitateurs en raison des nombreuses opportunités qui leur sont offertes pour frayer en eaux troubles. Une situation «qui se pose depuis 20 ans», selon les propos du ministre lui-même. Une longévité qui n'est égalée, à quelques années près, que par sa présence au sein de tous les gouvernements qui se sont succédés au cours de la même période. Mais si les fonds des œuvres sociales appartiennent aux travailleurs, il n'en demeure pas moins que «la gestion des œuvres sociales demeure soumise au contrôle financier de l'Etat», comme le rappelle la trente-troisième disposition de la loi 82-303. Cela importe peu, car qui respecte aujourd'hui les lois ?Ladite loi, dans l'intégralité des 45 articles qui en font la texture, est de la plus grande clarté. Elle (la loi) semble loin d'être la lecture de chevet de ceux qui sont censés en faire leur élément de droit, et peu importe qu'il s'agisse de représentants des travailleurs du secteur économique et/ou également de la Fonction publique. Quoiqu'au niveau de cette dernière, la vénalité y soit nettement moins acharnée, compte tenu des mécanismes de financement traditionnels en vigueur, sans doute très bureaucratiques, mais plutôt efficaces. Et contrairement aux déclarations du ministre qui souhaiterait «la résorption de ce problème qui permettrait aux enseignants et aux travailleurs du secteur de l'Education de bénéficier des fonds des œuvres sociales», dans l'esprit et la lettre, la loi sus-évoquée réglait dans les plus infimes détails la question, comme à titre d'exemple les procédures de désignation des membres de la commission, la durée de leur mandat, allant jusqu'à s'appesantir sur leurs attributions tout en rappelant qu'en aucun cas, ils (les membres) n'avaient à s'impliquer dans la gestion directe. Cette mission étant dévolue à un organe adhoc issu de l'administration et qui relèverait d'elle également sur le plan hiérarchique et fonctionnel. Dans la réalité, et il serait pour le moins malhonnête de le nier, dans tous les secteurs d'activité, le pays dispose d'un arsenal réglementaire extrêmement rodé. Il sera, toutefois, graduellement dévoyé au milieu des années 90 jusqu'à l'oblitération organisée dont l'objectif était de mettre à profit une conjoncture sociale et politique nationale difficile pour installer une déréglementation tous azimuts. Les conséquences sont aujourd'hui quantifiables sans pour autant que dans leur majorité et à tous les niveaux de responsabilité, aussi bien membres du gouvernement qu'élus des deux Chambres, en arrivent à se souvenir qu'il existe des textes fondamentaux. Autrement dit, face à une situation donnée, il ne sert à rien de répondre par des solutions ponctuelles dont l'efficacité serait celle d'un cautère sur une jambe de bois.En conclusion, les milliers de travailleurs qui assistent en spectateurs au crêpage de chignon entre syndicalistes exaltés et représentants des pouvoirs publics, qui s'évertuent, pour un temps calculé, à faire semblant de s'arcbouter à leurs refus de concéder plus que de raison, savent très pertinemment ce qui fait réellement courir ceux qui les représentent et la politique de l'autruche de ceux qui leur font face. Les œuvres sociales ? C'est simple… il y a à boire et à manger… Et comme dirait l'autre… il y a même à boire et à manger. A. L.