Avec une production totale de 600 000 tonnes de miel cette année contre 42 000 en 2010, un nombre de 200 000 apiculteurs et un cheptel de 1 200 000 ruches sur l'ensemble du territoire national, le secteur de l'apiculture est en plein essor. Les mesures prises par les autorités à charge ont permis de booster cette filière qui a encore de belles années devant elle puisque de plus en plus de jeunes et même des moins jeunes s'y intéressent. Le secret réside dans le soutien accordé à cette activité, que ce soit dans le cadre de l'ANSEJ (Agence nationale de soutien à l'emploi de jeunes) ou à travers d'autres mécanismes mis en place pour accompagner les personnes attirées par ce secteur en pleine modernisation. La production du miel se fait actuellement à partir de ruches modernes utilisant les standards requis et remplaçant petit à petit les ruches traditionnelles. Cette façon de faire permet d'augmenter les quantités récoltées passant ainsi de 12 à 25 kilogrammes de miel au lieu de 8 à 10 kg auparavant. Aujourd'hui, par ailleurs, et depuis quelques années, les apiculteurs ont compris que pour faire plusieurs récoltes à l'année au lieu d'une seule ou deux seulement, il faut recourir à la transhumance ; une opération qui consiste à transporter les ruches dans des endroits différents, à savoir les hauts- plateaux et même le Sahara. En plus, ces déplacements, même s'ils demandent beaucoup de temps et beaucoup de moyens, surtout matériels, ne sont jamais vains puisqu'ils permettent de récolter d'autres variétés de miel qui n'existent pas au nord du pays. En effet, en plus du miel multi fleurs, d'oranger, d'eucalyptus, de carotte sauvage…Les professionnels du secteur récoltent chaque année le miel du «Jujubier» très réputé et auquel sont conférées plusieurs vertus thérapeutiques, en plus du miel de thym, d'euphorbe… Aller à la conquête des marchés extérieurs Cette année, et selon les apiculteurs présents à la foire nationale du miel qui s'est tenue du 27 novembre au 4 décembre et de l'avis même du Président de la coopérative apicole de Gué de Constantine, initiateur de l'évènement, la récolte en miel d'oranger et d'eucalyptus a connu une baisse due aux conditions climatiques défavorables, des vents et pluies ayant fait tomber les fleurs et empêché les abeilles de butiner. Qu'à cela ne tienne, la volonté des apiculteurs, du moins les professionnels, est de porter ce secteur très haut et d'aller même vers l'exportation. D'ores et déjà, des initiatives individuelles et des prospections du marché sont en cours ; à l'exemple de M. Ahfir Hakim, Secrétaire Général de l'Association apicole de la wilaya de Tipaza et 2e vice-président de la Fédération des apiculteurs et chercheurs qui a participé avec trois de ses collègues au 42e Congrès international de l'Apiculture (APIMONDIA) qui s'est déroulé en Argentine du 21 au 25 septembre dernier. L'objectif, à travers cette participation, n'était guère commercial mais de faire connaître le miel algérien au monde entier et d'établir des contacts de partenariat. Et ces efforts ne sont pas vains puisque notre interlocuteur nous apprend que depuis son retour, des messages ont été adressés par des Argentins, des Turcs, des Chinois et des Français. Ces derniers, toujours selon M. Ahfir, l'ont invité à des stages en France et sont intéressés par le marché algérien de l'apiculture, notamment pour l'exportation de matériaux et de traitements pour les abeilles. Des partenariats sont envisageables entre les deux parties à l'avenir ; et pourquoi ne pas exporter le miel algérien vers l'Europe ? Seulement, notre interlocuteur attire l'attention sur le fait que les marchés du Moyen- Orient sont plus intéressants pour cette opération en ce sens qu'on y consomme plus de miel qu'en Europe, ce qui générera plus de recettes vu les prix qui y sont pratiqués. Et cet avis est partagé avec de nombreux autres apiculteurs qui considèrent que l'exportation vers les pays du Golfe sera plus rentable pour eux et pour le pays. M. Ahfir, comme beaucoup d'autres apiculteurs qui connaissent l'importance du Marketing, ne ménage aucun effort pour réussir et développer cette filière. Il présente ses produits dans des pots en verre en apposant sa marque, la date de récolte…avec en plus un code barre. D'ailleurs, ce savoir- faire lui a valu de vendre ses produits au niveau de nombreuses supérettes du pays, et il vient d'être contacté pour présenter des échantillons pour une très grande surface à proximité de l'hôtel Hilton dont l'ouverture est prévue prochainement. Contrefaçon, labellisation et laboratoire d'analyses Comme cet apiculteur, ils sont nombreux à percer et réussir dans ce domaine d'activité. Mais beaucoup posent le problème de la contrefaçon qui persiste, même s'il est en train de reculer grâce à la confiance des consommateurs en le produit national, acquis au fil des années. M. Kezzar Kamel, apiculteur à Béni Ouertilane dans la wilaya de Sétif, attire l'attention sur l'existence d'un miel écoulé en faisant du porte à porte alors qu'il n'est pas pur. Il dira que la mise en place du laboratoire demandé par les professionnels du secteur résoudra ce problème puisqu'il permettra d'effectuer toutes les analyses nécessaires pour les produits de la ruche sans avoir à se déplacer à l'étranger. Ceci permettra aussi, et selon lui, de réduire la fraude sur ce produit. La mise en place de cette structure sera une occasion à saisir également pour aller vers la labellisation du miel algérien, une question posée depuis des années par les apiculteurs et les autorités à charge. Le développement de la filière ne peut se faire sans une formation adéquate. De nombreux jeunes, y compris parmi les rangs de la gent féminine, sont formés au niveau de la coopérative apicole des Isser dans la wilaya de Boumerdès. Des stages d'une durée de 15 jours sont dispensés au niveau de cet établissement contre la somme de 2 500 DA. Des cours théoriques mais aussi pratiques sont suivis par les stagiaires qui apprennent comment faire l'essaimage, traiter les ruches et les nettoyer. En plus, et vu que cette coopérative vend tous les produits de la ruche, elle peut trouver acquéreur parmi les rangs de ses stagiaires. 3 200 DA est le prix d'une seule ruche en bois et 6 500 DA pour celles remplies d'abeilles. Grâce à tous ces efforts fournis par les apiculteurs et au soutien des autorités concernées, l'Algérie arrive à produire pas moins de 12 variétés de miel. La 13e est arrivée sur le marché tout récemment et provient des montagnes de Tikjda à Bouira : Il s'agit du miel de cèdre noir cultivé par l'exploitation apicole Benlekhal à 1 200 mètres d'altitude ; cette expérience menée pourtant à la hâte, a donné de bons résultats, et les premières analyses parvenues de l'étranger encouragent ces apiculteurs à redoubler d'efforts pour produire davantage cette qualité. Ces apiculteurs comptent augmenter de cinq fois leur production en 2012.Devant ce foisonnement que connaît le secteur, certains professionnels, précisément un cadre de l'agriculture spécialisé en santé animale et en apiculture rencontré à la foire du miel, attire l'attention sur l'intérêt de faire des prélèvements d'échantillons pour analyses avant que les produits ne soient exposés à la vente. Ce formateur en apiculture à l'Institut technique des élevages (ITEV) à Baba Ali nous fait savoir que les analyses faites en Algérie sont partielles. Il appelle à un meilleur contrôle de ces produits car derrière une belle présentation et un bel étiquetage, il est difficile de savoir ce que ceux-ci renferment réellement.L'augmentation de la production nationale en miel est un objectif à atteindre mais il ne faut pas verser dans la quantité au détriment de la qualité qui peut porter atteinte à la santé des consommateurs. B. A.