Une semaine après la tenue de la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), les résultats définitifs ne sont pas encore annoncés. Mais selon les chiffres partiels, le président sortant Joseph Kabila et son farouche opposant Etienne Tshisekedi viennent en tête, devant dix autres candidats en lice. Selon les résultats partiels, portant sur 52,91% des bureaux de vote, donnés dimanche soir par la Commission électorale (Céni), présidée par le pasteur Daniel Mulunda, Kabila a obtenu 49% des suffrages (4 942 050 voix), devançant Tshisekedi qui a eu 34% des voix (3 402 650 de votants). Ces résultats provisoires sont donnés province par province par le président de la Céni. Le président Kabila est en tête dans 6 provinces (Bandundu, Katanga, Maniema, Province orientale, Nord et Sud Kivu) et Tshisekedi dans 4 autres (Bas Congo, Kasaï Occidental et Oriental, et Kinshasa), ont rapporté les médias. Le président du Sénat et opposant, Léon Kengo, est en tête dans l'Equateur, et recueille au total 4% des voix sur les 11 provinces, juste derrière l'ex-président de l'Assemblée nationale Vital Kamerhe, 3e avec 7% des voix. A Kinshasa (27,44% des bureaux de vote), Tshisekedi obtient 393 617 voix, contre 174 032 à Kabila. Ce dernier recueille 1 862 315 voix dans le Katanga (sud-est) (72,42% des bureaux) et Tshisekedi 189 054 voix, selon les chiffres provisoires de la Céni. La Cour suprême doit annoncer le 17 décembre les résultats définitifs de cette présidentielle à tour unique. Mais le 17 décembre semble être encore si loin en raison des violences et des graves incidents qui ont marqué cette présidentielle durant la campagne électorale et le jour même du scrutin, sans oublier les affrontements qui ont eu lieu avec l'annonce des résultats partiels et qui font peser des craintes sur le pays pour les jours et semaine à venir. La preuve en est ces milliers de personnes qui ont fui durant le week-end la capitale Kinshasa pour se réfugier de l'autre côté du fleuve Congo en raison des violences qui ont éclaté entre les partisans des deux principaux candidats Kabila et Tshisekedi. Ce dernier rejette en fait ces résultats partiels, estimant que le scrutin a été marqué par de nombreuses fraudes. A la veille du vote, des bureaux de vote ont été attaqués par des individus armés dans certaines régions du pays où les urnes incendiées avaient été trouvées déjà bourrées de bulletins de vote. Des policiers, des électeurs et des agents des bureaux de vote ont été tués avant et durant le jour du vote par des individus armés dont on ignore l'identité. Au moins une trentaine de personnes ont péri dans les violences qui ont marqué ce scrutin qui devait pourtant marquer une nouvelle étape dans la démocratisation et la stabilisation de ce jeune pays, le quatrième en Afrique en nombre d'habitants (71,72 millions d'âmes). Mais la réalité du terrain en dit long sur le chemin qui reste à faire pour cette jeune république, issue de l'ancien Zaïre, après des années de guerre ethnique qui a fait plus de 3 millions de morts, des millions de réfugiés. Agé de 78 ans, Etienne Tshisekedi wa Mulumba qui a boycotté le scrutin de 2006, face à Joseph Kabila, ne veut pas se déclarer vaincu et il se montre prêt à aller jusqu'au bout de son désir de diriger le Congo-Kinshasa. Son entêtement risque, en effet, d'avoir des conséquences désastreuses sur le pays même si le scrutin n'est pas propre comme l'indiquent les rapports établis par de nombreux observateurs internationaux présents sur place. Et pour cause, contrairement à Joseph Kabila qui se montre discret, Etienne Tshisekedi wa Mulumba semble être plus enclin à aller à l'affrontement armé, à en croire ses insinuations à ses «combattants» qu'il a appelé à se tenir prêts à répondre oui à un probable «mot d'ordre». Ce vieux militant qu'on appelle aussi le «Sphinx de Limete» avait vainement tenté d'organiser un meeting au lendemain de la fin de la campane électorale, ce qui constitue une violation de la loi mais aussi des règles saines du jeu électoral. Son désir de devenir président de la République va-t-il donc l'amener à déclarer une guerre armée contre Joseph Kabila qui bénéficie d'une bonne aura à l'échelle continentale et internationale en dix ans de règne ? Nul ne le sait mais on le saura le 17 décembre, le jour où les résultats officiels et définitifs de la présidentielle du 28 novembre seront proclamés par la Céni. L. M.
Chronologie des événements en RDC SAMEDI 26 NOVEMBRE l La campagne électorale s'achève dans la violence et la confusion: les autorités interdisent les meetings dans la capitale après des violences qui ont fait deux morts, selon les autorités, une dizaine, selon l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, opposition). l Le leader d'opposition Etienne Tshisekedi, chef de l'UDPS et candidat à la présidentielle, est bloqué huit heures par la police à l'aéroport de Kinshasa à son retour de province. DIMANCHE 27 l M. Tshisekedi ne réussit pas à mobiliser ses partisans à Kinshasa pour un meeting auquel il avait appelé malgré la fin de la campagne. Il demande le rappel du chef de la mission de l'ONU (Minusco), accusé d' «amitiés» avec le pouvoir. LUNDI 28 l Les Congolais se rendent aux urnes pour élire le président et 500 députés. Onze candidats, dont le président sortant Joseph Kabila, briguent la magistrature suprême. l A Lubumbashi (Katanga, sud-est), deux policiers et une électrice sont tués dans l'attaque d'un bureau de vote. Un convoi chargé de matériel électoral est la cible d'une attaque dans laquelle sept à huit assaillants sont tués par la police. l A Kananga (Kasaï occidental, centre), des bureaux de vote sont incendiés après la découverte d'urnes contenant des bulletins avant le début du vote. l Tshisekedi, empêché dans un premier temps de voter par la police, réussit à le faire dans un autre bureau de la capitale. l Les Etats-Unis déplorent «dans les termes les plus forts la violence». MARDI 29 l Trois candidats à la présidentielle, dont l'opposant Léon Kengo, président du Sénat, demandent l'annulation des scrutins en dénonçant des «irrégularités» et des «fraudes». l Le président de la Commission électorale (Céni) estime qu'il n'y a «rien» pour les annuler. l La France condamne «les incidents très graves et très nombreux». MERCREDI 30 l L'UDPS «dénonce les fraudes et les violences qui ont émaillé le processus ces trois derniers jours», mais ne demande pas l'annulation du scrutin. l Le secrétaire général de la Majorité présidentielle (MP) affirme que Tshisekedi et son parti sont dans un «schéma insurrectionnel». l La mission d'observation du Centre Carter relève des incidents dans beaucoup de bureaux de vote. JEUDI 1ER DECEMBRE l La mission d'observation électorale de l'UE relève des irrégularités. l La haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU déplore les violences électorales. VENDREDI 2 l La Céni décide d'annoncer des résultats partiels, quatre jours avant la date prévue. l Kabila et Tshisekedi devancent nettement les neuf autres candidats à la présidentielle selon un décompte portant sur 15% des quelque 64 000 bureaux de vote. l Selon l'ONG Human Rights Watch (HRW), au moins 18 civils ont été tués et une centaine grièvement blessés principalement par les forces de sécurité entre le 26 et le 28 novembre. l L'UE insiste sur la nécessité de mener «dans la transparence» le dépouillement et la publication des résultats du double scrutin. l La Suisse, qui préside la Conférence ministérielle de la francophonie, déplore «les violences» électorales en RDC, qui accueillera les 13 et 14 octobre 2012 le prochain sommet de l'organisation. l Le Conseil de sécurité de l'ONU prend note «avec inquiétude» des «difficultés logistiques et techniques» durant des scrutins et appelle toutes les parties au calme. l Les autorités ordonnent dans la soirée aux opérateurs de téléphonie la suspension de la diffusion de SMS «jusqu'à nouvel ordre» à Kinshasa. SAMEDI 3 l Tshisekedi lance une mise en garde à Kabila et dénonce les premiers résultats partiels de la Céni. Il demande aux Congolais de «rester vigilants» et annonce qu'«en cas de besoin», il lancera un «mot d'ordre». l Le gouvernement saisit la justice militaire pour qu'elle ouvre une enquête et porte plainte contre X à la suite des accusations de HRW. l L'opposant Vital Kamerhe se prononce indirectement en faveur de Tshisekedi. Toute l'opposition rejette les résultats partiels de la Céni. DIMANCHE 4 l La Céni annonce de nouveaux résultats partiels confirmant l'avance de Kabila. Des milliers de gens fuient Kinshasa pour Brazaville.