Photo : S. Zoheir Par Ziad Abdelhadi Il est incontestable que la filière phoenicole connaît ces trois dernières années un boom à son amont car sa production n'a eu de cesse d'afficher de bons résultats. Mais à l'aval, c'est le disfonctionnement qui persiste. C'est à croire que plus la production augmente plus le disfonctionnement du marché interne s'accentue. En fait, «le commerce de la datte rapporte gros et du coup on assiste à une multiplication de gros acheteurs dont la stratégie réside à acheter un nombre important de vergers phoenicicoles sur pied pour vendre sa production en temps opportun», nous a indiqué un producteur de plusieurs variétés de dattes de la vallée du M'zab rencontré lors d'un séminaire international sur la datte organisé au mois de novembre dernier à Alger. Des représentants de la Chambre de l'agriculture de Biskra rencontrés à Alger nous confirmeront cette tendance en indiquant que «les spéculateurs avides de gains rapides, achètent et stockent d'énormes quantités de dattes notamment les plus prisés dans le commerce du détail, pour les ressortir et les écouler lors d'évènements tels que le ramadhan à des prix exorbitants».A la question de savoir à combien s'est vendue la variété Deglet Nour sur pied en début de campagne (fin octobre 2011, période de récolte) chez eux, ces agriculteurs nous indiqueront qu'elle a été cédée «entre 140 et 160 DA le kilo. Elle est ensuite passée ces dernières semaines entre 180 et 200 DA». Une surenchère qui s'explique selon nos interlocuteurs par le fait que la wilaya de Biskra, où l'on recense 60% du verger phoenicicole national, soit le centre de convergence de tous les grossistes et spéculateurs. Des marchands de Sétif, Alger, Oran et Tlemcen, qui sont pratiquement tous propriétaires de chambres froides qu'ils vont remplir, affluent dans la ville. «Tous ces facteurs provoquent un accroissement des prix sur pied, et il devient difficile de l'annihiler», nous a-t-on affirmé.Il faut dire également que cette flambée des prix de la datte là où elle est produite se poursuit jusque sur les étals des détaillants. La reine des dattes est proposée à partir de 350 DA/kg. Les spéculateurs et les intermédiaires encaissent donc les plus gros profits, au détriment des consommateurs qui se trouvent ainsi privés pour la plupart de ce fruit aux vertus diététiques. Nos interlocuteurs nous ont aussi informé que «la prédominance de la spéculation sur le marché interne contribue grandement à fragiliser et à pervertir la filière». Quant à l'impact de cette spéculation sur les exportations, de nombreux acteurs de la filière, dont le président de l'association des conditionneurs et exportateurs de dattes, Ghemri Youcef, et un important producteur et exportateur de dattes, Saddoudi Salim, que nous avons pu joindre par téléphone diront que la bourse des valeurs des produits phoenicicole, notamment celle relative à la variété «Deglet Nour» doit être surveillée de près par les opérateurs concernés,car elle change quasi quotidiennement. Ce chantier est pris en charge par les producteurs de dattes regroupés au sein d'un conseil inter professionnel depuis avril 2009. Mais ce conseil n'a jusqu'ici pas enregistré de résultats probants à cause des divergences des intérêts des uns et des autres.Par contre, sur le terrain, les acheteurs de la Deglet Nour n'ont cessé d'augmenter. La demande interne est de plus en plus importante, laissant ainsi sur leur faim les professionnels de l'exportation qui, ne pouvant s'approvisionner en quantité suffisante, ont limité de fait leurs activités d'exportation. Et quand bien même cette variété de datte serait disponible, ses prix sont tellement élevés qu'il serait difficile pour les exportateurs d'en tirer des bénéfices une fois le fruit exporté. En clair, avec un prix de revient à l'exportation aussi élevé, comparativement à celui de la Deglet Nour tunisienne de qualité nettement inférieure, nos exportateurs ne peuvent placer leur produit sur les marchés extérieurs. Pour y parvenir il suffirait de revoir à la baisse le coût de revient à l'exportation chose qui est à la portée de nos opérateurs pour peu que le marché soit régulé, en d'autres termes qu'il soit libéré de la surenchère des spéculateurs de tout poil. C'est à cette condition, et une fois que la chaîne logistique soit devenue performante, que l'objectif d'exporter 600 000 q de dattes d'ici 2013 peut être atteint.