Jamat Tawhid Wal Jihad Fi Gharbi Afriqqiya est une aile dissidente d'Aqmi. Ce groupe transfuge a revendiqué l'enlèvement de deux Espagnols et d'un Italien le 23 octobre dernier, dans les camps de réfugiés sahraouis, à Tindouf. Ce rapt vise à faire la propagande de ce groupe jusque-là méconnu. Une année plutôt, Droudkel, chef terroriste d'Aqmi, se serait rendu au Sahel pour mâter des éléments récalcitrants refusant de verser la part du butin à la direction d'Aqmi établie en Kabylie. Quelque temps après la descente punitive de Droudkel en compagnie de sa garde prétorienne, des informations ont fait état d'un accrochage entre groupes armés au nord du Mali qui se serait soldé par la mort d'éléments de part et d'autre. Au moment des faits, certains observateurs pensaient qu'il s'agissait d'un différend entre Aqmi et des trafiquants de drogue qui ont toujours été de connivence, puisque les terroristes assuraient le convoyage et la protection des passeurs de drogue entre l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique de l'Est contre le paiement du droit de passage. Manifestement, l'accrochage en question était entre les éléments fidèles à Droudkel et le groupe dissident qui se fait appeler, aujourd'hui, Groupe de l'unicité et le combat en Afrique de l'Ouest (Gucao). Les raisons de cette scission ne sont pas doctrinales. Aqmi et le Gucao ne divergent pas sur le principe du Jihad, mais sur sa pratique et le terrain. Si Aqmi fait du Sahel une base de repli, un terrain de chasse pour s'armer et s'autofinancer, le Jihad doit être mené dans les pays du Maghreb ; pour l'aile dissidente, il s'agit plutôt de retourner sur les pas des Mourabitine (Almoravides) ne menant le combat dans l'Afrique noire que parce que le contexte y est propice et parce que les conditions sécuritaires le permettent. Cette option est d'autant plus possible qu'Aqmi a intégré dans ses rangs des autochtones d'Afrique de l'Ouest, qui préfèrent agir dans l'espace qu'ils maîtrisent dans l'espoir aussi de se faire un nom et une réputation dans leurs pays d'origine respectifs, en l'occurrence le Mali, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Ghana et le Nigeria. Quant à la nationalité de tous ceux qui composent la nébuleuse terroriste, elle n'a aucune incidence politique dans la mesure où la nature transnationale du terrorisme explique le caractère multinational des groupes activistes. Le fait d'insister sur l'origine sahraouie d'un des ravisseurs des trois Européens ne fait pas de tous les Sahraouis des terroristes, ni du Polisario une organisation terroriste. Si le Maroc veut sincèrement participer à la lutte antiterroriste, il doit faire la part des choses et ne pas confondre entre mouvement indépendantiste avec qui il négocie officiellement et publiquement, et un mouvement terroriste. Ces manœuvres inutiles servent plus Israël, qui qualifie la résistance palestinienne de terroriste, qu'elles n'aident au règlement du conflit entre les Sahraouis et le Maroc. On peut, certes, reprocher aux Sahraouis un manque de vigilance, quant au risque d'infiltration d'éléments terroristes dans les camps de Tindouf. Mais de là à les rendre responsables de l'enlèvement des trois Européens… A. G.