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L'opacité des fonds privés n'aide pas à l'émergence du football
Sponsoring, transparence et traçabilité de l'argent
Publié dans La Tribune le 12 - 10 - 2008

De notre correspondant à Constantine
A. Lemili
R. Khaine, joueur d'exception du Mouloudia de Constantine au cours des années 1960/1970, nous sidérait, il y a quelque temps, quand il affirmait avec un flegme déconcertant que «le plus grand pactole annuel de ma carrière a été de 5 000 DA».
Il s'empresse de souligner : «Y compris les contributions non officielles d'inconditionnels supporters». Le joueur en question, entre-temps, refusait les offres les plus alléchantes de clubs algérois, dont le grand NAHD de Snella et d'autres émanant d'équipes de pays voisins. Il se sentait bien au MOC où il évoluait parmi «ouled el houma» avec lesquels il a commencé à tripoter la balle à peine âgé de six ans.
Le Mouloudia et le CSC qui recelaient à l'instar des autres clubs du pays une pléiade de joueurs de qualité n'étaient pas riches, vivaient de dons au demeurant modestes de particuliers mais également d'aides conséquentes de commerçants de la cité réputés aisés. Ils n'étaient que deux à Constantine et c'était presque au nom d'une saine émulation que MM. Haroun ou Mouloud El Hammi s'efforçaient de faire en sorte que l'un surpasse l'autre. Ils appliquaient pourtant avec une grande simplicité une règle comptable qui veut qu'une partie des bénéfices soit réinvestie ou aille aux contributions fiscales. Des deux choses : l'un et l'autre optaient pour l'aide à l'activité sportive et jamais les deux clubs ne s'en sont aussi bien portés. L'aide réelle et authentique à l'endroit des joueurs consistait à leur faciliter l'accès au logement social ou la prise en charge de leur mariage, voire un aménagement dans le programme des études supérieures parce que celles-ci se conciliaient à souhait avec l'activité sportive et les exemples sont légion. Ce qui d'une manière ou d'une autre était synonyme de sa stabilité définitive. Or, qu'y a-t-il de changé entre une période où dans une ville comme Constantine les familles aisées se comptaient sur les doigts d'une main et aujourd'hui où les investisseurs locaux, nationaux, étrangers publics et privés remplissent un bottin de la taille du Larousse pour être identifiés ?
«La contribution des pouvoirs publics est dérisoire et rarement attribuée au moment opportun»
Trente après, le plus quelconque des joueurs gagne annuellement un milliard de centimes, tous gains confondus. Et la plus plausible réponse nous est fournie en partie par Hassan Milia, le président de l'AS Khroub dont le club évolue en division une depuis deux ans après avoir accompli un parcours exceptionnel cinq années durant en franchissant les paliers un à un : «C'est trop facile de nous imputer l'étiquette d'assistés, voire d'incapables en laissant croire que nous nous reposons sur l'aide matérielle et financière de l'Etat pour la gestion du club. Tout d'abord, cette contribution des pouvoirs publics est dérisoire et est rarement attribuée au moment opportun. Nous n'avons pas besoin de vous refaire le dessin des problèmes inextricables dus à cette inharmonie, les médias qui se font les porte-voix des gestionnaires de club en parlent quotidiennement. Quant à l'aide privée, il est faux et même inélégant de la part de ceux qui soutiennent et de ceux qui accréditent le raisonnement selon lequel les dirigeants d'association et plus particulièrement les présidents de clubs ne font pas la moindre démarche pour tenter de renflouer les caisses autrement qu'en attendant la manne publique. Nous disposons, en ce sens, d'écrits à l'appui. Nous avons fait du porte-à-porte et parfois à la limite du harcèlement mais en vain. A titre indicatif, la contribution privée au sponsoring au profit de l'ASK ne change pas d'année en année et n'a jamais excédé 3 millions de dinars, tous contributeurs privés confondus. A titre indicatif encore, l'un de ces donateurs qui ne sont pas désintéressés, est-il besoin de le souligner, en ce sens que la publicité le concernant inonde le stade, verse au club 500 000 DA/an, autrement dit moins que le coût global d'un déplacement dans l'ouest du pays».
Pour notre interlocuteur, «les personnes contactées n'admettent pas ou sont très peu convaincues par l'argumentaire selon lequel leur contribution est comptabilisée dans le bilan comme une charge et donc déductible des bénéfices réalisés. S'ils sont riches comme Crésus, le raisonnement de nos vis-à-vis est d'un
simplisme déconcertant, estimant tous que plus leur contribution sera importante, plus l'Etat ou ses institutions de contrôle disposant de plus de moyens d'investigation ou de connaissance du chiffre d'affaires (réel) réalisé et donc de plus de moyens de récupérer ses droits par l'impôt».
Il ne semble pas exister d'équité de traitement entre les clubs de division une
«Or, à ce jeu nul n'ignore que tous les opérateurs privés tiennent une double comptabilité, l'une réelle et l'autre factice. Le tout mis en harmonie par des bureaux comptables experts en brouillage de comptes, avalisés par des commissaires aux comptes et confirmés par l'administration.» Compte tenu de ce raisonnement qui est d'ailleurs partagé par l'ensemble des acteurs concernés à l'image, des dirigeants du MOC et du CSC, il semble très, trop facile même de tirer sur l'ambulance et stigmatiser d'incapacité les seuls présidents de club d'autant plus qu'il ne semble pas exister d'équité de traitement en ce sens.
Sur ce point précis, Milia s'explique : «Les dirigeants d'un club de la capitale font dans les états d'âme en affirmant que 4 milliards de centimes représentant le sponsoring d'un opérateur de la téléphonie mobile ne sont pas suffisants pour la bonne gestion de leur association. Que dire de notre club avec les 3 millions de dinars reçus d'un aréopage de sociétés ? Nous affrontons pourtant les mêmes équipes, nous faisons les mêmes déplacements et en vérité moins parce qu'il y a au sein de la capitale ou dans sa périphérie immédiate huit clubs [MCA, NAHD, CRB, USMA, JSK, USMB et à un degré moindre l'ASO en attendant le RCK. NDLR]». S'agissant du Mouloudia de Constantine, l'actuelle direction est encore dans l'euphorie du financement sur fonds propres, une méthode qui a pourtant ses limites. Celles-ci sont balisées par les résultats qui ne semblent malheureusement pas suivre ou du moins compte tenu de la hauteur des placements effectués et estimés à la fin du mois d'août (déjà) à plus de six milliards de centimes par le porte-parole du MOC et non moins frère du président du club en l'occurrence K. Madani. L'option retenue jusque-là par les Madani, et sans doute la meilleure mais il faudrait qu'elle fonctionne, serait de réunir autour du club des actionnaires dont la contribution ne saurait être au-dessous de 2,5 millions de dinars jusqu'à constituer un conseil d'administration de 13 personnes.
La nouvelle direction du club envisage d'ores et déjà une véritable professionnalisation du club avec tout ce que cela laisse supposer en termes de marketing, merchandising etc.
En ce qui le concerne, le CSC est à la croisée des chemins avec pour une fois un président qui a la gueule de l'emploi et malheureusement rien dans les poches (c'est ce qu'il a affirmé lors de son intronisation). Mazar escompte capitaliser son entrisme au sein des institutions internationales du football, son carnet d'adresses et plus particulièrement son franc-parler pour remettre les choses en place et redonner aux Vert et Noir leur statut. Tout cela est, toutefois, une autre histoire.


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