Aucun chiffre sérieux n'a été recensé quant au nombre de derbys ayant opposé les deux clubs de Constantine. Les statistiques oscillent entre 40 et 45. Mais quelle que soit leur authenticité, la somme des victoires revient à chaque fois, très largement, au Mouloudia. Il est vrai que, jusqu'à la fin des années 1970, les supporteurs du CSC étaient persuadés que, même si l'adversaire de leur équipe en alignait une constituée de culs-de-jatte, la victoire ne pouvait que lui revenir. La question se posait surtout sur l'ampleur de la débâcle. Les clubistes priant Dieu, à chaque confrontation, d'encaisser le minimum de buts. C'est à la suite d'une défaite enregistrée le 8 mars 1970 sur le score de 2-3 que les Mocistes ont définitivement acquis le statut de «tendres». Est-il besoin de souligner que ce fut la première victoire des Verts et Noir sur leurs voisins et que le 8 mars est la fête de la… femme ? Réponse du berger à la bergère : le meilleur moyen de laver l'affront était pour les Mocistes de reconquérir la suprématie historique qui était la leur. En 1973, les dirigeants parachevaient dix années de formation et lançaient dans le bain onze joueurs presque tous formés au sein du club, dont Fendi, Khaine, Krokro, Zoghmar, Mamar, Feliachi, Megri, qui constitueront un onze spectaculaire. Trois autres surdoués, acquis auprès de modestes formations de la région d'Annaba, allaient faire du MOC l'équipe qui, à l'époque, avait été qualifiée de Dream Team. Il s'agissait de Gamouh, de Adlani et de Amrane. Un autre Adlani et Derradji viendront grossir, par la suite, les rangs des Blancs. Le premier derby de l'année allait être remporté de fort belle manière par le MOC et la première «Madjer» (la fameuse talonnade, ndlr) de l'histoire du football national était l'œuvre de Gamouh. Cette talonnade allait faire autorité par la suite, dans la mesure où, lors du derby de l'année suivante, c'est encore sur une talonnade que Krokro bouclait une rencontre dramatique parce qu'elle envoyait en division inférieure le CSC qu'un simple nul pouvait sauver (4-2). C'est en fait le Galia de Mascara qui profitera du «rejet épidermique» qu'avaient les deux clubs constantinois l'un pour l'autre. Le derby constantinois a de tout temps eu pour effet la recherche de l'humiliation de l'autre. A ce jeu, le MOC était mieux doté. Au-delà du fait de gagner ses rencontres, les joueurs du Mouloudia excellaient dans l'art de réduire à néant psychologiquement leurs adversaires. Il arrivait souvent que Fendi ou Krokro, après avoir passé en revue la défense adverse, s'en allaient déposer la balle dans le petit triangle du point de corner alors qu'ils avaient largement le moyen de marquer un but. Il leur arrivait de laisser le ballon sur la ligne des 18 mètres adverses et de retourner dans leur carré. Ce sont tous ces détails qui faisaient la beauté de ce derby, mais qui en décuplait toutefois la rancœur. Pour celui de jeudi dernier, c'est certainement Mazar, le boss du CSC, qui aura pratiqué la meilleure stratégie d'avant-match. Tout d'abord, il a préféré faire imprimer les billets d'entrée au stade à l'étranger. Ensuite il en a vendu une grosse partie au Mouloudia pour ses supporters. Et il n'a pas arrêté de faire dans l'intox sur les ondes de la radio locale et les journaux spécialisés, qui lui accordent largement leurs colonnes, pour rappeler que son équipe «n'allait pas évoluer avec le vrai MOC mais un ersatz d'équipe né de la réforme sportive du début des années 1980». L'avantage d'un tel raisonnement était qu'il pouvait atténuer une défaite du CSC qui n'aurait finalement pas perdu contre le Mouloudia mais Maahad ouloum Qacentina ou la défunte AJC et festoyer d'une victoire si tel est le cas parce que le Maahad Ouloum Qacentina reprenait, comble de l'illusion, son titre de Mouloudia olympique de Constantine.