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La dégradation de la note de la France aura des conséquences graves sur la zone euro Les marchés financiers ont anticipé la décision de Standard and Poor's depuis deux mois
La perte officielle par la France de sa note de triple A intervient dans un contexte politique défavorable aussi bien pour Sarkozy, qui espère succéder à lui-même, que pour François Hollande, qui n'aura pas d'autre choix que d'appliquer un traitement de cheval à l'économie française en cas de son élection. Certes, les socialistes vont profiter à fond de cette dégradation pour charger Sarkozy qui risque de faire les frais de sa propre politique économique d'autant plus que les Français le rendent responsable du travestissement de l'économie et de la diplomatie françaises. Au-delà des conséquences politiques internes de la décision de l'agence Standards and Poor's, la dégradation de la note de la France risque d'entraîner dans son sillage les économies de plusieurs pays européens vulnérables, notamment l'Italie, l'Espagne et le Portugal. Cependant, ces dégâts collatéraux ne se limiteront pas à ces pays et pourraient toucher aussi le Luxembourg, la Belgique et, à terme, l'Allemagne, en raison de la forte intégration de ces économies et de leurs systèmes financiers. Hier, la presse allemande considérait la perte du «triple A» infligée à la France par l'agence Standard and Poor's (S&P) comme une conséquence inéluctable de réformes négligées qui place le pays sous pression et augure d'un rapprochement encore plus fort avec Berlin. Selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), «Standard & Poor's met la France sous pression». Le quotidien conservateur rappelle que les marchés ont anticipé depuis longtemps la dégradation. «La France est traitée depuis l'automne avec la note AA-», explique le journal. Dans son éditorial intitulé «Le pays dégradé», le FAZ souligne que «les dégâts économiques devraient rester limités (...), les investisseurs considérant la France déjà depuis un certain temps comme un pays solide de deuxième choix». A l'approche de l'élection présidentielle en France, «l'opposition socialiste peut désormais qualifier Sarkozy de président d'un pays dégradé». Selon le quotidien de Francfort, la France paie notamment le prix de «réformes structurelles laissées de côté», et rappelle qu'«entre 2008 et 2009, elle ne pouvait pas dépenser assez d'argent pour contrer la récession». «Bonjour tristesse», titre le Süddeutsche Zeitung de Munich. «Les Français ont le blues. A cent jours de l'élection présidentielle, ce couronnement impérial de la République, l'enthousiasme est à peine perceptible (...) Les journaux affirment aux Français que les Allemands travaillent plus, exportent plus et gagnent plus (...) La baguette de pain n'est plus la même qu'autrefois (...) et comme si cela ne suffisait pas (...) Standard and Poor's menaçait vendredi soir la France de dégrader sa note de confiance», explique le journal. «Tout cela est lié à une tradition bien française. Depuis la disparition du roi Soleil, il est toujours question de déclin», estime-t-il en français dans le texte. Selon le quotidien bavarois, «la pression sur les marchés va souder encore plus ensemble la France et l'Allemagne. Pour Bild, il s'agit d'«une information choc». Mais le quotidien le plus lu d'Allemagne se rassure avec «une bonne nouvelle : l'Allemagne conserve malgré tout la meilleure note AAA». «La crise de l'euro s'aggrave. Le sauvetage de la monnaie va devenir plus cher également pour la République fédérale», prévient-il. Sur le terrain de l'économie réelle, la zone euro, qui espérait traverser une accalmie, replonge dans la crise après la dégradation en rafale par Standard and Poor's de plus de la moitié de ses membres, dont la France privée de sa note «triple A» et qui a décroché de la locomotive allemande. Ces nouvelles turbulences sont aggravées par l'impasse des négociations sur la dette de la Grèce, pourtant vitales pour éviter à Athènes une faillite toujours menaçante. Après le succès des premières émissions obligataires de l'année en Italie et en Espagne, qui semblait éloigner le spectre d'une propagation de la crise à ces deux poids lourds de la zone euro, Standard and Poor's (S&P) a enfoncé, vendredi dernier, le clou en mettant à exécution une grande partie de ses menaces. L'agence d'évaluation financière, qui envisageait d'abaisser la note de seize des dix-sept Etats de l'Union monétaire, en a finalement dégradé neuf. Le principal coup de tonnerre concerne la France, deuxième économie européenne. La sanction est d'autant plus nette que les quatre autres pays «triple A» de la zone euro, Pays-Bas, Luxembourg, Finlande mais surtout l'Allemagne, conservent cette prestigieuse distinction qui permet de s'endetter à moindre coût. Les pays déjà dans le viseur des marchés sont aussi durement frappés : l'Italie et l'Espagne sont dégradées de deux crans, tout comme le Portugal et Chypre dont la dette est désormais considérée par S&P comme un investissement «spéculatif». Les notes de Malte, de la Slovaquie et de la Slovénie sont abaissées d'un cran. Enfin, l'agence laisse planer la menace d'une nouvelle dégradation d'ici fin 2013 pour l'ensemble des pays de la zone euro à l'exception notable de l'Allemagne, plus que jamais dans la peau du bon élève, et de la Finlande. Les institutions et les dirigeants européens sont les premiers visés par les critiques de S&P, particulièrement sévères à l'égard des solutions «insuffisantes» apportées à la crise de la dette au fil des multiples sommets «de la dernière chance». «Alors que tous les gouvernements et toutes les institutions européennes sont mobilisés» pour renforcer la maîtrise des comptes publics et la gouvernance de l'Union monétaire, «je reste étonné du moment choisi par l'agence Standard and Poor's et sur le fond de son évaluation qui ne prend pas en compte les progrès actuels», a déclaré hier le commissaire européen aux Services financiers Michel Barnier. Bruxelles a qualifié cette décision d'«aberrante». «L'efficacité, la stabilité et la prévisibilité de la politique et des institutions politiques européennes ne sont pas aussi solides qu'il le faudrait», prévient l'agence de notation, déplorant «une réforme reposant sur le seul pilier de l'austérité budgétaire». C'est donc en partie le nouveau traité voulu par l'Allemagne avec le soutien de la France, qui impose un pacte de stricte discipline budgétaire, qui est dans le collimateur de S&P. Mais aussi l'insuffisance des «ressources» et de la «flexibilité» octroyées aux fonds de secours de la zone euro, au moment où Berlin refuse toujours de remettre au pot pour renforcer ces pare-feu censés endiguer la propagation de la crise. Mais c'est la France, avec son «niveau relativement élevé de la dette publique» et les «rigidités de son marché du travail», qui fait les frais de ce réquisitoire. La dégradation de la note française risque d'avoir de graves répercussions dans la zone euro. Le Fonds européen de stabilité financière (Fesf), ce mécanisme de secours pour les Etats en difficulté, pourrait perdre dans les prochains jours à son tour sa note AAA, garantie conjointement par Paris et Berlin, ce qui rendrait encore plus difficile sa tâche déjà ardue. La décision de S&P a presque occulté un autre coup de tonnerre, venu de Grèce, épicentre de la crise de la dette depuis 2010 : les banques, engagées dans un bras de fer avec les dirigeants européens pour aboutir à l'effacement de la moitié de la dette grecque qu'elles détiennent, ont suspendu vendredi dernier les négociations. Pire, elles ont laissé entendre qu'elles pourraient revenir sur leur engagement, pris le 27 octobre, de restructurer volontairement la dette d'Athènes, condition nécessaire pour éviter une faillite incontrôlée. Coup de bluff ou véritable menace ? Les discussions reprendront mercredi prochain. A. G.