Trois jours après le massacre du stade de Port-Saïd, la rue égyptienne ne décolère pas. L'Egypte entière reste choquée par le drame, qui a coûté la vie à 74 supporters suite à l'envahissement du terrain par les supporters du club de football local Al Masry, qui accueillait le club cairote, Al Ahly. Un choc qui pousse, à nouveau, les Egyptiens à investir la rue. Les manifestants, qui sont sortis par milliers hier, pour exprimer leur opposition au massacre qui s'est déroulé devant les forces de sécurité, accusés à juste titre de passivité, ont brandi à nouveau les slogans révolutionnaires. Le «vendredi de la colère» comme ils l'ont baptisé, est un jour pour faire entendre «la voix de ceux qui se sont insurgés contre l'esclavagisme et non celle de ceux qui veulent améliorer les conditions d'esclavagisme». Un vendredi où se sont renouvelé les affrontements entre les anti-régimes et les forces de sécurité. Bilan, 4 morts. Hier soir, les supporters d'Al Ahly ont scandé «à bas le pouvoir militaire». Les fans des clubs cairotes de football sont convaincus que le ministère de l'Intérieur se venge d'eux à cause de leur participation active dans la révolte qui a fait tomber le régime de Moubarak. Depuis un an, soutiennent-ils, les supporters sont souvent aux premiers rangs des affrontements avec les forces de sécurité, aux côtés des opposants radicaux au régime militaire. Une prise de position qui leur vaut les représailles des forces de sécurité, attestent-ils. «La police a quitté le stade, votre complot apparaît au grand jour», peut-on lire sur la page Facebook d'un groupe de supporters qui se donne pour nom les Ultras de la place Tahrir (UTS), cité par Maghreb Emergent.Avant-hier, les Frères musulmans avaient estimé que la responsabilité de la tragédie de Port-Saïd incombait aussi bien aux groupes radicaux de supporters qu'au ministère de l'Intérieur. «Certains officiers de police punissent le peuple parce qu'il a fait la révolution et les a privés de leurs privilèges», expliquait un communiqué diffusé par la confrérie. Les soupçons de complot fomenté par des pontes du ministère de l'Intérieur pour semer le désordre dans le pays sont justifiés, selon les observateurs, qui n'ont pas hésité à décrier cette situation même sur les chaînes de télévision publiques, par le spectacle de la passivité de la police lors de l'envahissement du stade de Port-Saïd par les supporters d'Al Masry et les agressions commises contre les joueurs d'Al Ahly et son staff.Le ministère de l'Intérieur a nié ces accusations en bloc, privilégiant la thèse du hooliganisme. Le communiqué du ministère de l'Intérieur égyptien mettra en cause «des groupes de supporters déterminés à créer un état d'anarchie dans l'enceinte du stade». Le Conseil suprême des forces armées, qui dirige le pays depuis février 2011, a tenu, pour sa part, une réunion d'urgence jeudi, «pour examiner la situation». Il a également formé une commission d'enquête sur le drame qui effectuera ses investigations en parallèle avec celles lancées par la justice. Un deuil national de trois jours a été décrété. L'Assemblée égyptienne fraîchement installée a connu avant-hier sa première réunion extraordinaire. Les députés, la majorité islamistes, ont réclamé la tête du ministre de l'Intérieur. Certains autres ont exigé jusqu'à la démission du gouvernement de Kamel Al Ganzouri, désigné par les militaires et non issu des partis vainqueurs des législatives. Cette revendication n'est toutefois pas partagée par le Parti de la justice et de la liberté (PJL, représentant les Frères musulmans) et le parti Al Nour (salafistes) qui dominent l'Assemblée. G. H./Agence