La marche vers la démocratie en Egypte depuis le renversement d'Hosni Moubarak il y un an a été marquée par des affrontements meurtriers et une criminalité en hausse, accentuant la pression sur le conseil militaire au pouvoir, accusé d'être responsable du vide sécuritaire. Le 25 janvier 2011, des multitudes d'Egyptiens envahissaient les rues dans un élan d'unité et parvenaient, en seulement 18 jours, à renverser le président Moubarak, au pouvoir depuis trente ans. Mais la nouvelle Egypte est en proie à l'instabilité depuis que la police de Moubarak, omniprésente et honnie par la population, a disparu des rues lors de la révolte. Le gouvernement a eu beau assurer que la sécurité était sa première priorité, les protestataires sont furieux que le ministère de l'Intérieur n'ait pas été restructuré, comme ils le réclamaient. Ils accusent des fidèles de l'ancien régime d'avoir orchestré les violences via la police, et le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir depuis la démission de M. Moubarak, d'être incompétent, voire complice. Leur colère n'a fait que redoubler après la mort mercredi de 74 personnes dans des violences à l'issue d'un match de football à Port Saïd (nord-est) opposant le célèbre club cairote Al-Ahly aux locaux d'Al-Masry (3-1). Les supporteurs d'Al-Ahly avaient activement participé à la révolte de janvier-février 2011. Le drame de Port-Saïd «a eu lieu alors que les services de sécurité sont restés debout sans rien faire, comme ils l'avaient fait lors d'autres événements, et peut-être ont-ils contribué au massacre», écrit Ibrahim Mansour, un éditorialiste du journal indépendant Al-Tahrir. Les téléspectateurs ont été choqués lorsque la télévision a montré des images de membres de la police anti-émeute, immobiles, alors que des centaines de supporteurs d'Al-Masry commençaient à envahir le terrain. «Ce n'était pas un match de football entre Masry et Ahly. C'était une bataille politique sanglante contre la révolution», estime de son côté Wael Qandil, éditorialiste au journal al-Shorouq. Les commentateurs, et désormais les manifestants furieux à travers le pays, accusent les chefs militaires d'avoir délibérément semé le chaos pour mieux justifier leur maintien à la tête de l'Etat. Le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir, s'est engagé à maintes reprises à céder ses pouvoirs aux civils après la présidentielle prévue d'ici fin juin, mais nombre d'Egyptiens sont sceptiques. La police, vivement critiquée pour ses interventions musclées, a récemment reçu comme consigne de gérer avec précaution les manifestations qui se sont multipliées après la chute de M. Moubarak. Le ministère de l'Intérieur a limogé des officiers de police, lancé des campagnes de relations publiques et changé son slogan en «la police est au service du peuple » dans le but de regagner la confiance de la population. Malgré ces efforts, les affrontements dans la rue, les violences confessionnelles, les attentats contre les oléoducs vers Israël et les attaques à main armée n'ont fait que renforcer l'exaspération des Egyptiens. «Le régime aurait pu faire revenir la sécurité dans les rues, comme il l'a fait pendant les élections », indique Ibrahim Mansour, en référence aux récentes législatives qui se sont déroulées sur trois mois et ont été saluées à l'étranger comme un scrutin exempt de violences. Cette semaine, des hommes armés ont attaqué un bureau de change au Caire, portant à cinq le nombre d'attaques à main armée en quelques jours. Le 28 janvier, un touriste français a été tué dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh, dans le Sinaï (est), lors d'une tentative de braquage. La sécurité est très mauvaise dans cette péninsule où habite une communauté bédouine, très armée. Vendredi, des bédouins ont enlevé deux touristes américaines et leur guide égyptien près du monastère Sainte-Catherine, dans le sud du Sinaï, avant de les relâcher quelques heures plus tard.