De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Constantine demeure la capitale par excellence du malouf, mais elle est aussi la citadelle incontournable et inépuisable du monde livresque. Eh oui… même à la province excentrée des plateaux de promotion somme toute faite et de la facilité de proximité en matière d'édition et de promotion, la ville chère à Malek Haddad se démène un tant soit peu pour figurer, voire donner vie au livre et à la création. Si celle-ci répond, du moins, aux aspirations et attentes des lecteurs en général. Une lutte en «pavé» consistant à faire sortir la cité de sa léthargie de l'édition, faute d'une écriture locale peu évocatrice répondant à la demande. Est-il permis d'évoquer une quelconque rentrée littéraire sans la rattacher au giron qui la propulse au devant des salons ? «Le passeur d'idées et découvreur de talents» est l'éditeur, comme l'explicite de fort belle manière un confrère aux lettres majuscules. Qu'en est-il exactement de cette fonction à Constantine, souvent confondue parfois avec les travaux d'imprimerie ? Il nous est difficile de répertorier les maisons d'édition activant à travers la wilaya. Cela dit, il faut dissocier celles qui font ce noble art de celles qui en soutirent ses lettres de noblesse. Le nombre en baisse des librairies à Constantine illustre on ne peut plus clairement l'Etat critique de la promotion du livre. La culture de ladite rentrée n'est malheureusement pas perçue à sa juste valeur dans la capitale de l'Est. Elle se confond généralement avec la rentrée scolaire… Tant la majorité des libraires -s'ils conservent leur nom- ne se soucient nullement du devenir du livre face aux souillures qui le stigmatisent à longueur d'année. Des expositions sans thématiques, de la braderie à l'image d'un souk… Ce ne sont pas ces acteurs du massacre qui veilleront assurément à la survie du contenu. Une rentrée littéraire, faudra-t-il la préparer à la racine pour la voir resurgir en automne au moment où les feuilles fanées jonchent le sol. En dépit de cette déficience dans une cité s'attitrant de mémoire la notoriété du roman, il existe heureusement quelques bonnes volontés, à compter sur les doigts, qui maintiennent le cap de la survie… Si certaines d'entre-elles versent dans l'édition «conjoncturelle» par-dessus tout, il est des maisons dont il est «impardonnable» de dissimuler non pas pour leur appartenance à la province, mais parce qu'elles produisent régulièrement ! L'exemple convaincant est celui de la maison d'édition Média Plus qui s'était lancée un défi depuis plus de 15 ans : maintenir sa cadence des parutions. Tel est son pari ! La décennie noire n'a pas découragé cette boîte à livres d'investir le terrain avec la publication des nouvelles de Leila Aslaoui… dans une étendue de temps où la plume fut interdite. Pour cette rentrée, sa carte littéraire est étoffée de diversités, avec en prime des titres intéressant différentes sphères de lecture. En quelque sorte, sortir du ghetto de la rentrée littéraire classique et opter pour une pléiade d'écritures, un choix qui correspond aux besoins. Cette omniprésence de Média Plus ne vient pas, sans nul doute, «masquer» les carences locales en édition, mais faire tomber les masques des bricoleurs du livre sous toutes leurs formes. Une rentrée multi-livresque Ainsi, «pour la saison éditoriale des éditions Média Plus», 9 nouveaux ouvrages seront au menu. Ils portent sur l'histoire, la fiction… soit une collection qui vient meubler une demande incessante de ces types d'ouvrages. Concernant les romans, les Matins de Jénine, de Susan Abulhawa, traduit de l'américain par Michèle Valencia, étrennera la rentrée littéraire. «Poignante et déchirante, cette histoire est pour tous ceux qui désirent comprendre la catastrophe palestinienne, non seulement par l'esprit, mais avec le cœur aussi», in Palestine Chronique. Un second roman intitulé Haschisch de Yousef Fadel, traduit de l'arabe par l'auteur, sera aussi en vente incessamment. L'auteur casablancais est un homme de théâtre. Venu au roman dans les années 1990, il écrit aussi pour le cinéma. «A l'ère des harraga est un roman qui prend un relief saisissant. Roman des harraga mais aussi poème de la vie.» En matière de publications sur l'histoire, Média Plus «revisite» les événements du 17 octobre 1961 avec Paris 1961, les Algériens, la Mémoire et la Terreur d'Etat, écrit par Jim House et Neil Mac Master. Deux historiens britanniques qui reviennent sur les massacres d'Algériens. En s'appuyant sur les archives inédites, de sources orales, de journaux et tracts, «ils déjouent l'histoire officielle française». Toujours dans le sillage historique, Alain Gresh et Dominique Vidal, des plumes de premier plan du Monde diplomatique «dissèquent avec scrupule et honnêteté intellectuelle le plus grand drame du XXe siècle», l'ouvrage est titré Palestine 1947, un partage avorté. Crimes et réparations, de Bouda Etemad, paru initialement chez André Versailles, interroge «l'Occident face à son passé colonial». Média Plus clôture temporairement son volet histoire avec les 100 Discours qui ont marqué le XXe siècle, écrit par Hervé Broquet, Catherine Lanneau et Simon Petermann. En essais, Tu ne parleras pas ma langue, de Abdelafattah Kilitto, est traduit de l'arabe par Francis Gouin. «Un essai qui voyage dans les contrées des grands auteurs arabes classiques pour enfin retrouver le point de convergence avec l'Occident ». En plus d'un manuel de journalisme d'Yves Agnès riche de plus de 400 pages, qui traite de la profession journalistique, et «mis à jour et complété (avec l'aide de l'Ecole supérieure de journalisme de Lille)». Le Système migratoire euro-méditerranéen, de Stéphane de Tapia, paru aux éditions du Conseil de l'Europe en 2008, est également présent dans cette sélection de Média Plus.