De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Le livre va mal. C'est une réalité que tout le monde connaît et admet. Mais au lieu du mieux qu'on espère, on a vu la situation se compliquer avec les mesures contenues dans la loi de finances complémentaire (LFC) 2009 qui ont imposé le Credoc pour toute opération d'importation. Certes, ces mesures garantissent une meilleure traçabilité des produits importés et des flux financiers, mais, revers de la médaille, elles sanctionnent aussi certaines activités, dont le domaine livresque. A ce sujet, le débat chez les professionnels du livre demeure ouvert et ils ne désespèrent pas d'arriver à convaincre les pouvoirs publics, si ce n'est de revoir la LFC 2009, du moins de reconsidérer de moins l'article pénalisant et d'accorder, même au cas par cas, des facilitations. Mais cette LFC n'est en fait qu'un écueil de plus. Elle ne doit en aucun cas devenir l'arbre qui cache la forêt. En évoquant l'industrie du livre, on ne peut manquer de mettre en relief l'absence de lois régissant le développement économique de l'industrie de cette «matière vitale». Il en a découlé un désordre qui ne dit pas son nom. Une concurrence déloyale a vu le jour, se traduisant –comme à l'accoutumée – par une prédominance sur le marché des importateurs qui étouffent les initiatives locales. Pis, ces mêmes importateurs se transforment en organisateurs d'exposition et font de l'ombre au métier de libraire, qui se perd. A vrai dire, la scène livresque a connu une prolifération vertigineuse ces dernières années. On compterait plus de 500 éditeurs à travers le territoire national. Ce chiffre n'implique pas les maisons d'édition qui ont été créées durant la décennie passé et qui ont vite disparu. «L'année de l'Algérie en France» a donné un aperçu de la longévité de certaines boîtes qui ont été une véritable génération instantanée nées pour une manifestation et disparues au lendemain de sa clôture, bien évidemment, après avoir tiré profit des aides accordées pour la publication de livres dans le cadre de cette manifestation. «C'est le registre du commerce» qui a sacrifié le livre au grand dam du lecteur et à «l'insu» des pourvoyeurs de fonds. «Alger, capitale de la culture arabe» aura, elle aussi, montré l'industrie du livre «conjoncturelle».Et dans cette débâcle, les quelques rares éditeurs de province se battent afin de garder la tête hors de l'eau et nagent à contre-courant pour pérenniser leur métier afin de lequel ils ont opté avec une ferme conviction. «Pratiquement, ce sont les mêmes boîtes d'édition qui tiennent le haut du pavé à Alger. On a l'impression que l'industrie du livre s'arrête à la circonscription de la capitale», commente un lecteur de Constantine. Si l'Etat consacre un budget conséquent à la culture, il importe de réguler la part consentie au monde du livre et par ricochet à celui de l'édition en accord avec les professionnels, et ce, en encourageant les initiatives qui vont dans la socialisation du livre. Autrement dit celles qui ne restent pas en attente d'une manifestation rentable pour faire montre d'une activité éditoriale alors que d'autres s'échinent pour alimenter les étals des librairies, fût-ce à un rythme saccadé. La raison en est que «trop excentrées de la capitale», ces maisons d'édition ne sont pas touchées par les éventuelles aides. Ainsi, il faut avouer que le métier d'éditeur demeure entaché d'irrégularités, ce qui le fragilise et le pénalise. Combien d'éditeurs investissent inégalement le volet du manuel parascolaire ? Au-delà du besoin réel pour ce type de manuels, peut-on réellement parler d'industrie du livre quand un éditeur ne dépasse pas les 1 000 exemplaires en tirage. De surcroît, le rapport vente et invendu demeure flou tant que le concept «best-seller» ou «meilleures ventes» l'est aussi. Il y a donc du travail à accomplir du côté des libraires. Au même chapitre, signalons qu'il est des auteurs algériens qui rament pour trouver un éditeur. Les plus déterminés ou plus ou moins aisés optent pour la publication à compte d'auteur. Pour le reste, quelques éditeurs prennent le risque de les publier «mais évidemment c'est les textes qui font la différence».Dans cette jungle, à Constantine, le Salon international du livre d'Alger est perçu différemment par les acteurs locaux, dans la mesure où la rencontre se tiendra loin des cercles régionaux. Toutefois, ils s'accordent à dire qu'il est important de préserver ce salon qui, bon an mal an, et malgré toutes les imperfections et manques, reste un acquis. «C'est la seule manifestation annuelle où les feux sont braqués sur la production du livre nationale dans une ambiance internationale d'osmose», dira un éditeur constantinois. Quant à ces polémiques liées à l'organisation et la délocalisation du SILA qui ont fait couler beaucoup d'encre, elles sont perçues comme une guéguerre stérile qui ne sert ni le livre ni la profession.