Si les pouvoirs publics s'enorgueillissent des réformes juridiques et institutionnelles qui sont lancées depuis quelques années, cela ne s'est pas fait traduire par une meilleure situation des droits des femmes. Pour preuve, la persistance de comportements sexistes et misogynes qui font d'elles des boucs-émissaires tout indiqués contre lesquels s'exercent de multiples formes de violences. C'est ce constat persistant et amer qui a fait réagir des associations féministes et autres militantes de la cause égalitaire en vue de tenter de mettre le holà à cette énième injustice faite aux femmes, en décidant de la création d'un Observatoire des violences faites aux femmes (OVIF), dont une Charte définit les motifs, missions et actions qui lui sont assignés. Une réunion de concertation et de finalisation de cette Charte a eu lieu hier à Alger, réunissant des présidentes et des membres d'associations féminines et autres. Ces dernières se sont entendues pour unir leurs voix et mettre de côté leurs divergences en vue de mener à bon port ce projet qui leur tient à cœur. Pour la porte-parole de l'Observatoire, Chérifa Kheddar, par ailleurs, présidente de l'association des familles de victimes du terrorisme, Djazairouna, il s'agit de «sortir la femme du cadre cultuel, culturel et archaïque», dans lequel elle a été confinée jusque-là. Elle soulèvera notamment la dichotomie bien consacrée en Algérie entre les textes et leur application sur le terrain : «A chaque fois que je dis à des militantes féministes du Maroc, de Tunisie, d'Egypte… que l'égalité entre les sexes est garantie par la Constitution algérienne, elles affichent leur étonnement car ce n'est pas le cas dans leur pays !», dira-t-elle. Et c'est cette contradiction persistante qui a été, à maintes fois, soulignée dans la Charte qui dénonce le silence de l'Etat et la situation de statu quo qui caractérise cette question. Une contradiction que l'on retrouve également dans les engagements internationaux de l'Algérie, laquelle a signé des conventions inhérentes à la protection des droits des femmes, tout en prenant le soin, en revanche, d'en émettre des réserves. Sur ce point, les pouvoirs publics sont également interpellés par les rédactrices de ladite charte qui relèvent que «le fonctionnement des institutions ignore les revendications des acteurs sociaux». L'Observatoire, tel que le stipule la Charte, est un organisme «indépendant et autonome», qui entend activer en liaison avec les associations féminines et autres pour contribuer à limiter l'étendue des violences contre les femmes. C'est une «structure de veille et d'interpellation» sur ce phénomène qui est loin d'être confiné dans des cas isolés mais dont la proportion et les formes qu'il prend sont de nature fort inquiétante. Des exemples récents de violence extrême à l'égard des femmes ont été cités pendant le débat, comme celui rendu public à travers les médias il y a quelque temps et qui concerne Nassima, l'ex-cadre de l'APC de Kouba, qui a vu ses jours interrompus de la façon la plus tragique par son époux au moyen de 17 coups de couteau. Au caractère insoutenable de cette mort, s'ajoute le poids sociétal du tabou qui entoure ce type de fait, la honte et la culpabilité empêchant souvent les familles algériennes de dénoncer l'innommable et de porter devant les tribunaux un acte des plus répréhensibles. Ce pourquoi, le nouveau mécanisme qu'est l'Observatoire vise à interpeller l'opinion publique (aussi bien nationale qu'étrangère) sur les violences exercées contre les femmes en Algérie et à rechercher les voies et moyens de les arrêter. Il entend ainsi se doter de moyens matériels et humains nécessaires à son fonctionnement et à la réalisation des objectifs qu'il s'est assignés, tout en s'attelant, pour une meilleure efficacité, à relever les obstacles, lacunes et écueils qui peuvent empêcher l'aboutissement de ces derniers. D'autres réunions de coordination devront se tenir avant l'annonce officielle de la mise en place de l'Observatoire, dont il reste à savoir si l'agrément sera délivré sans peine par les autorités. M. C.