Dimanche dernier, les Syriens votaient pour la nouvelle Constitution alors que Homs était sous les bombardements. Les violences ont fait au moins 59 victimes entre civils et soldats syriens. Un bombardement militaire contre les quartiers tenus par les insurgés à Homs a tué douze civils, et trois personnes ont été tuées à Damas lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu sur une manifestation, a déclaré l'Observatoire syrien des droits de l'homme. Selon cette organisation d'opposition en exil, 21 autres civils et 23 membres des forces de sécurité ont été tués, dimanche dernier, dans des violences dans le reste de la Syrie. Les opérations de vote étaient en cours pour le référendum sur une Constitution qui, d'après Assad, permettra la tenue d'élections législatives pluralistes dans trois mois. L'opposition syrienne divisée a appelé au boycott des urnes et qualifie cette consultation électorale de «farce de mauvais goût». «Pourquoi devrions-nous voter, pour choisir entre la mort sous les bombardements ou la mort par balle ? Voilà le seul choix qui se présente à nous», a déclaré un insurgé retranché dans le quartier de Khalidiah, à Homs. «Nous sommes pris au piège dans nos maisons depuis 23 jours. Nous ne pouvons pas sortir, excepté dans certaines rues. Les marchés, les écoles et les administrations sont fermés, et rares sont ceux qui s'aventurent dans les rues à cause des tireurs embusqués», a-t-il témoigné. Khalidiah et Bab Amro, autre quartier assiégé, sont privés d'eau courante et de vivres depuis trois jours. «Homs, de manière générale, est privée d'électricité 18 heures par jour.» Le ministère de l'Intérieur a reconnu indirectement que les violences perturbaient le déroulement du référendum. «Le référendum sur une nouvelle Constitution se déroule normalement dans la majeure partie des provinces jusqu'à présent, avec une forte participation, excepté dans certaines régions», a-t-il assuré.Le Premier ministre syrien, Adel Safar, commentant l'appel de l'opposition à boycotter le référendum, a estimé que cette attitude traduisait un refus du dialogue. «Certaines organisations servent les intérêts de l'Occident et de l'étranger et ne veulent pas des réformes en Syrie. Elles cherchent à détourner l'attention de la détermination de la Syrie», a-t-il dit aux journalistes à Damas. «Cela ne nous préoccupe pas beaucoup. Ce qui nous intéresse, c'est la démocratisation et la liberté dans le pays», a ajouté Safar. Le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, a taxé le référendum de «rien de plus qu'une farce». «Assad doit mettre un terme aux violences et favoriser une transition politique», a-t-il dit. Dans sa tentative de mettre un terme à la contestation, le régime syrien a proposé une nouvelle Constitution à référendum. L'article 8 met un terme au monopole du parti Baâth et ouvre la voie au pluralisme politique. L'article 8 stipule : «Le système politique sera basé sur le principe du pluralisme politique et le pouvoir sera exercé démocratiquement à travers des élections.»Le changement de l'article 8 de la Constitution - qui proclame la suprématie du parti Baas – était l'une des revendications essentielles des opposants au début du mouvement de contestation. Selon Moscou, il s'agit d'«un pas en avant». «Une plaisanterie» pour Washington. «De notre point de vue, il semble que Assad brandisse une feuille de papier pour organiser un vote qu'il contrôle afin de se maintenir au pouvoir», a expliqué Victoria Nulland, porte-parole du département d'Etat américain. Nullan ajoute : «Assad sait ce qu'il doit faire s'il veut aider le peuple syrien. La violence doit cesser, et il doit se retirer pour laisser place à une transition.» Pour Ayman Abdel Nour, qui dirige le site d'information anti régime All4Syria basé aux Etats-Unis, et qui revendique quelque 50 000 visite/jour, ce projet de Constitution laisse à nouveau tous les pouvoirs entre les mains du président Bachar El-Assad. En effet, la nouvelle Constitution maintient de très larges prérogatives au chef de l'Etat : c'est toujours lui qui choisit le Premier ministre, et le gouvernement, indépendamment de la majorité parlementaire ; c'est lui qui peut, s'il le souhaite, rejeter des lois. L'article 88 prévoit que le président ne peut être élu que pour deux septennats, mais l'article 155 précise que ces dispositions ne s'appliqueront qu'à partir de la prochaine élection présidentielle prévue en 2014, ce qui permet en théorie à Bachar al-Assad de rester au pouvoir encore 16 ans. Pour sa part, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a mis en garde, dimanche dernier, contre les limites d'une intervention étrangère. «Je pense qu'il y a un risque de guerre civile. Une intervention étrangère ne l'empêcherait pas. Au contraire, elle l'attiserait sans doute», a-t-elle dit dans une interview à la BBC-télévision. «Il y a dans cette région un certain nombre de groupes très dangereux : El-Qaïda, le Hamas et ceux qui figurent sur notre liste de terroristes et prétendent soutenir l'opposition. Beaucoup de Syriens s'inquiètent fortement de ce qui viendrait après», a-t-elle expliqué. Un peu plus tard, à Rabat, elle a appelé «ceux qui soutiennent le régime syrien» à user de leur influence auprès du régime de Damas pour qu'il autorise une aide humanitaire aux secteurs touchés par les combats. Manifestement, le référendum sur la nouvelle Constitution n'est qu'un test pour le régime et devra servir de réponse à l'Occident qui remet en cause la légitimité de Bachar El Assad et son régime. Dans les faits, les affrontements armés entre opposition et forces loyales dominent la scène syrienne et confirment que le pays s'est installé durablement dans une guerre civile. L'opposition armée n'a pas d'autre choix que de poursuivre la mise en œuvre de sa stratégie et ne peut déposer les armes face à un régime qui refuse tout compromis autre que celui qu'il propose à travers une nouvelle mouture d'une Constitution qui maintienne la mainmise du Baâth sur le système même si des élections législatives sont prévues dans trois mois. Dans les faits toujours, la crise syrienne qui s'enlise de jour en jour, s'apparente à une manifestation de guerre froide entre les Occidentaux et leurs alliés arabes comme l'Arabie Saoudite, le Qatar et la Tunisie – cette dernière ne cache plus ses velléités de jouer un rôle de premier plan sur la scène international - et un nouveau bloque que constitue la Russie et la Chine. A. G.