Si des débats sporadiques, entre initiés, sont menés dans quelques îlots qui survivent sur la dépendance alimentaire, l'épuisement tôt ou tard du pétrole, la formation et la recherche scientifique, une malédiction semble toujours peser sur la culture. Ses industries, son économie, les interventions privées et publiques, la réforme des lois et règlements bien désuets, les formations de pointe ne font pas débat. Comme s'il s'agissait d'un fondement idéologique indépassable, un non-dit actif, le champ culturel doit se satisfaire du peu. Des «activités», des «commémorations», des conjonctures à forte teneur politique, des «patronages» à l'emporte-pièce font semblant de combler les vides dans l'Algérie, celle des petites villes et villages et remplir «un cahier des charges» comme si on parlait d'un appel d'offres pour fabrique de caramel ou d'une canalisation bouchée à la première plaie. L'Etat est-il engagé ou désengagé dans les productions culture ? La réponse est compliquée ou possible car se mélangent des administrations (ministères, wilaya, mairie) qui ne sont pas réputées commerçantes. L'inégalité financière entre une wilaya et une autre, une mairie et une autre, un ministère et un autre, les disparités très profondes en matière d'infrastructures, de moyens de transport entre les régions relativisent fortement les concepts d'engagement et de désengagement. Comme il n'y a aucune politique, aucun projet, aucune législation susceptibles d'intéresser après des discussions et des négociations avec le privé, des mécènes éventuels, l'on se contente de slogans «socialistes» du type «le privé ne s'intéresse qu'à la bouffe ou à l'import-import de pièces détachées», «le privé n'est pas cultivé et n'aime pas la culture»… Or, n'importe où dans les grands pays développés, c'est le secteur privé qui fait la culture nationale. Salles de cinéma, théâtres privés, l'industrie du disque et du film, l'édition, le cirque, même de grands et nombreux musées et galeries, les festivals relèvent d'entreprises privées, d'associations autonomes. Bien entendu, l'Etat a des responsabilités (aide à la création, conservation, restauration de tous les patrimoines, diffusion dans des enceintes scolaires, pénitentiaires, universitaires, grandes administrations, parcs publics…), mais il ne peut pas et ne doit pas s'essayer à tout faire. Ce qui est impossible, sachant les limites objectives intérieures et les obligations lors d'une adhésion à des institutions internationales. Celles-ci exigent des ouvertures sur la société civile, un contrôle sur certaines subventions s'agissant de l'OMC, etc. Alors engagement jusqu'où et désengagement dans quoi ? A. B.