Photo : M. Hacène Par Samira Imadalou Les transactions sans facturation ont atteint 155,7 milliards de dinars ces trois dernières années. C'est ce qu'a indiqué, hier, le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, à l'ouverture du Colloque international sur l'informel. Ce chiffre montre clairement que le poids de ce secteur parallèle pèse de plus en plus lourd sur l'économie nationale où les échanges se font loin de la légalité d'un document. Car comme l'a dit l'expert péruvien, principal animateur du colloque : «L'informel, c'est l'illégalité. L'économie informelle, c'est l'économie sans document. Elle ne peut pas servir le marché.» Or, c'est ce qui se produit chez nous, notamment depuis les émeutes de janvier qui ont poussé le gouvernement à annuler la décision faisant obligation de paiement par chèque des transactions commerciales dépassant les 500 000 dinars. Justement, sur ce point crucial, le ministre a indiqué, hier en marge du colloque, que le gouvernement n'a pas abandonné cette option. «On n'a pas abandonné le payement par chèque. On doit d'abord préparer le système financier à appliquer une décision structurelle. En d'autres termes, le gouvernement envisage de relancer la procédure du payement par chèque. De même qu'il prévoit une étude exhaustive sur l'informel. Et ce, d'autant qu'actuellement, aucune donnée fiable n'existe à ce sujet.»Le ministre n'a pas manqué de le souligner, en présence de nombreux opérateurs économiques, représentants d'institutions privées et publiques, venus nombreux, hier, assister à l'intervention de l'économiste péruvien Hernando De Soto sur le sujet. «Il est indispensable, non seulement de dresser un état des lieux de l'informel dans notre pays, mais il est également intéressant de passer en revue les expériences des autres pays.»La première expérience présentée dans ce cadre est celle du Pérou. D'emblée, l'expert en la matière, en l'occurrence De Soto, dira qu'avant de chercher à formaliser le circuit parallèle, faudrait-il d'abord le définir et le quantifier. Ce qui n'est pas encore le cas en Algérie. «Nous n'avons pas une estimation de ce secteur», notera Benbada non sans reconnaître que l'informel «fait mal à l'économie». «La monnaie fiduciaire qui circule dans l'informel met dans l'informel la majorité des agents formels», déplore le ministre. Une manière de reconnaître qu'au lieu que le parallèle devienne légal, c'est le contraire qui se produit dans une économie en mal de production mais aussi en légalité. Le plus important donc pour l'heure serait de lancer une étude claire sur ce sujet, faire le diagnostic avant d'aller vers les solutions en suivant pour cela les expériences étrangères.Après la première phase, le basculement vers le formel nécessite selon De Soto une volonté politique pour avoir «un système de droit au cœur d'un processus démocratique».«Il ne faut pas compter sur les Occidentaux et les Américains pour régler ce problème. Ils l'ont fait il y a deux siècles et ils l'ont oublié», a fait remarquer De Soto avant de s'interroger : «Pourquoi les immigrés du tiers-monde s'adaptent à la légalité une fois qu'ils quittent leurs pays ? En Europe et en Amérique, les tiers-mondistes obéissent aux lois et acceptent d'aller vers la formalité et ne le font pas chez eux.» «C'est une question de lois», résumera-t-il avant de souligner clairement : «Ce sont les politiques qui font les lois. C'est le standard.»Donc, pour l'expert, c'est aux décideurs politiques de prendre sérieusement en main le dossier pour faire basculer l'informel vers le formel à travers une série de mesures. Il s'agit à titre d'exemple, selon De Soto, de faire baisser le coût de la formalité pas uniquement en termes de financement mais en levant surtout les entraves et autres blocages administratifs. «Il y a autre chose que la répression. Il faut aussi que le système du crédit fonctionne. Il y a lieu de créer un système légal qui permette de faire les mêmes transactions dans le formel avec moins d'argent.» En somme, miser sur les mesures incitatives et la communication. Un point de vue que partage Jacques Charme, directeur de recherche. «Pour réussir, les politiques de formalisation doivent être plus incitatives que répressives», a-t-il préconisé lors des débats auxquels ont également participé des universitaires algériens qui ont présenté des enquêtes sectorielles sur l'informel. A noter par ailleurs qu'une table ronde a regroupé en fin de journée les responsables d'organisations patronales avant la clôture du colloque par le lancement d'un livre blanc sur l'économie nationale et la constitution d'une task force autour de ce dossier. Le gouvernement prendra-t-il en considération les pistes développées lors de cette rencontre ? Une rencontre initiée pour rappel par le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise en partenariat avec le ministère du Commerce. S. I.
Le décret portant organisation des marchés sera publié prochainement Interrogé hier, en marge du Colloque international sur l'informel, sur les raisons de la flambée des prix, le ministre du Commerce dira qu'il s'agit des conséquences des dernières intempéries. «Les marchés sont en folie», reconnaîtra-t-il rappelant que la solution réside dans l'abondance de la production. «Or, ce n'est pas le cas aujourd'hui. Pour la pomme de terre par exemple, nous sommes en période de soudure. Les quantités déstockées n'ont pas permis d'absorber la demande.» Et pour cause, les fortes intempéries du mois de février dernier ont retardé la récolte de ce produit dans les champs. D'où la flambée des prix pour ce tubercule. Mais la spéculation est également à l'origine d'une telle situation. «Ce phénomène sera réduit après la publication au Journal officiel d'un décret (déjà signé) qui fixe les modalités d'implantation et d'organisation des espaces commerciaux. On a essayé de définir les acteurs (mandataires, agriculteurs, collecteurs et livreurs …) qui interviennent dans la sphère commerciale», expliquera le ministre avant de préciser : «On a codifié la relation entre les opérateurs à l'intérieur de ces structures.» Et de promettre en conclusion que les prix vont se stabiliser sur le marché d'ici fin mars.