C'est bien dans sa première trilogie qu'est née la puissance de la révolution algérienne. Les révoltes des années cinquante contre la présence française n'ont pas manqué d'exploser dans ses romans avant d'enflammer la réalité coloniale. Il a dénoncé avec truculence et subtilité le joug oppresseur des Français, et la misère de son peuple. Mohamed Dib, le père fondateur de la littérature algérienne d'expression française, n'a pas été oublié. Cinq années après sa mort, le 2 mai 2003, Mohammed Dib continue de susciter intérêt et admiration. Un hommage lui a été rendu, mercredi dernier au Centre culturel algérien de Paris, en présence de spécialistes et de fins connaisseurs de son œuvre. Noureddine Saadi, Nadjet Khedda et Habib Tengour, ainsi que Jeanne Leveau, qui a connu Dib à la Sorbonne, Hervé Sanson, auteur d'une thèse sur l'auteur de la Grande Maison et, enfin, Jean-Baptiste Parra, poète et rédacteur en chef de la revue Europe qui a consacré, il y a quelques années, un numéro spécial à Dib, se sont réunis pour discourir sur son œuvre et, surtout, pour lui rendre hommage. Les sensibilités étant différentes, chacun d'eux a mis en relief les spécificités de l'écriture de Dib qui l'ont le plus marqué. Jeanne Leveau a connu celui qu'elle nommait «l'homme au pull-over rouge», cet «homme discret et généreux» qui a animé un séminaire sur la littérature maghrébine au moment où elle préparait sa thèse sur Jean Amrouche. Elle en parlera, donc, en s'attardant sur la dimension humaine. Il «aimait, dira-t-elle, John Steinbeck, Virgnia Wolf, l'Emir Abdelkader, Mozart et la musique andalouse.» L'écrivain Habib Tengour s'est plutôt intéressé à la poésie de Dib, thème auquel il vient de consacrer un ouvrage récemment publié. Parlant de lui comme d'un poète, il mettra en relief le fait que «même dans ses romans, des séquences poétiques sont intégrées dans la “narration”». Ce qu'il appréciera d'autant plus, c'est que l'auteur de la trilogie «a travaillé dans le lyrisme d'une façon moderne». Habib Tengour s'est, quant à lui, penché sur la place de l'écrivain dans la société algérienne. Il relèvera que Mohamed Dib est «l'un des rares auteurs algériens qui a construit une œuvre sans pour autant disposer d'une base à partir de laquelle il a entamé son travail». L'universitaire Nadjet Khedda, considérée comme la spécialiste de l'œuvre «dibienne» par excellence, a surtout parlé de «l'aventure de la découverte de l'œuvre de Mohamed Dib» et de «la construction d'une identité». Selon elle, «Dib est la conscience la plus claire de l'histoire de la culture algérienne moderne» et «son apport et son œuvre sont immensément universels». Nadjat Khedda déplorera «la méconnaissance de l'œuvre multiforme de Dib par un large public» car «seule sa trilogie (l'Incendie, la Grande maison et le Métier à tisser) est connue. La conférencière a estimé que l'œuvre et l'auteur «partagent une même caractéristique : l'universalité», car «Dib a toujours rejeté une assignation normative à identité [et] considéré que la construction d'une identité se fait avec les autres identités, avec des héritages et des apports constamment nouveaux». Une œuvre qui resserre des enjeux historiques, identitaires et poétiques ne peut qu'inspirer les critiques et les lectures. Cinq années après la disparition du père fondateur de la littérature algérienne d'expression française, son œuvre continue d'être lue et relue… Une preuve de plus de son immortalité. F. B.