Photo : Riad Par Karima Mokrani «Une bibliothèque nationale n'est pas une bibliothèque universitaire. Les étudiants dépendent du ministère de l'Enseignement supérieur et non pas de la Culture. Ce n'est pas à nous de répondre à la demande croissante et vraiment contraignante des étudiants d'avoir un endroit agréable pour leurs révisions en groupe ou autres. Les bibliothèques universitaires ne devraient pas fermer leurs portes même en période de vacances», confie un employé de la bibliothèque, non sans dire sa peine de voir les étudiants «dispersés» et «perdus» de la sorte. «Après tout, ce n'est pas leur faute», dit-il, avec une certaine amertume. En fait, c'est toute la gestion de l'état des établissements universitaires, des bibliothèques nationales, municipales, des centres culturels, des établissements de jeunesse… et autres qui est mise en cause. «Rien n'est fait pour encourager les études dans notre pays. Nous souffrons le martyre», lance Brahim, étudiant en 5e année médecine. Le jeune, 22 ans, affirme qu'il fait chaque jour la navette entre Bouzaréah et Alger-Centre pour se procurer une place tranquille à la bibliothèque Frantz Fanon (Celle-ci 'a rien perdu de sa majesté d'autrefois en tant que bibliothèque nationale, avec sa belle vue sur la baie d'Alger). Brahim choisit une place quelque peu isolée, parfois dans la salle réservée aux chercheurs (celle-ci est souvent vide) pour s'installer avec ses livres et son ordinateur portable. «Non, il n'y a pas d'Internet. Je révise mes cours sur ordinateur, c'est tout. Tout se fait sur ordinateur maintenant, c'est plus pratique», dit-il. C'est ce que fait la majorité des étudiants qui se rend dans les deux bibliothèques. «L'ordinateur est un outil indispensable», affirme un autre étudiant, spécialité vétérinaire. C'est un fait, la plupart des étudiants qui fréquentent actuellement ces deux bibliothèques, s'y rendent essentiellement pour leurs révisions. Parfois, ils consultent des ouvrages dans leur spécialiste mais pas de manière régulière. «Impossible de travailler à la maison», affirme Brahim, souriant. Et malgré les contraintes liées au transport (encombrement, dépenses…), «c'est mieux que de perdre son temps à la maison». Brahim soutient toutefois qu'il n'y a plus que la bibliothèque Frantz Fanon pour travailler à l'aise. «Ce n'est plus intéressant à la bibliothèque du Hamma. Il y a trop de bruit et parfois les ouvrages manquent», confie-t-il. De nombreux étudiants, notamment dans les spécialités médecine, pharmacie et chirurgie dentaire, se plaignent de ces deux problèmes. Un bruit causé par les étudiants eux-mêmes et devant lequel l'administration ne peut pas grand-chose. «Ils sont difficiles les étudiants d'aujourd'hui. On a beau mettre des notes recommandant le calme, la non-utilisation du téléphone portable, en vain. Cela ne sert à rien», confie un autre employé. Et ce dernier de faire lui aussi cette remarque : «Il y a une confusion. Une bibliothèque nationale n'est pas une bibliothèque universitaire. C'est un endroit pour la consultation d'ouvrages, de documents qui datent de plusieurs années… pas une salle de travail».
Les portes fermées ailleurs Concernant justement les ouvrages dont des étudiants se plaignent d'un certain manque, un autre employé de l'établissement confie, allant toujours dans le même sens : «Ce n'est pas une bibliothèque universitaire, c'est une bibliothèque nationale. Les ouvrages que nous ramenons abordent les sujets de manière, dirions-nous, générale». Manière de dire que c'est dans les bibliothèques universitaires que les étudiants ont plus de chance de trouver ce qu'ils cherchent en matière de documentation. Les mêmes réponses, les mêmes arguments évoqués par le personnel et qui paraissent raisonnables, plausibles. C'est là justement le problème. Pendant les vacances, les bibliothèques universitaires sont fermées. Les autres jours, elles fonctionnent au ralenti, répondant peu aux besoins des futurs médecins et autres. Les livres aussi manquent, ce n'est un secret pour personne. Quant aux bibliothèques municipales, la situation est encore pire. Ça fait plus d'une année que la bibliothèque est fermée. Vous voyez bien que c'est devenu un chantier. Je pense qu'ils vont bientôt lancer des travaux, non pas de réfection de l'établissement mais pour sa transformation en un autre. Je ne sais pas c'est quoi exactement… De toutes les façons, les gens fréquentent de moins en moins les bibliothèques. Il y a internet, la télévision… les livres n'intéressent pas grand monde», affirme un ancien habitant du lieudit Les Groupes à la place du 1er Mai, dans la commune de Sidi M'hamed à Alger. L'homme habite à quelques mètres seulement de la bibliothèque qui était un espace assez grand et agréable pour facilement devenir un véritable «lieu de savoir et de culture» mais ce n'est pas le cas. «Savoir et culture ? C'est dépassé ça. C'est la course au trésor aujourd'hui…» Une phrase qui résume bien l'état de déliquescence de la culture et de l'enseignement du savoir-être et du savoir-faire en Algérie.Une autre bibliothèque, moins importante et moins spacieuse, se trouve à la rue Nacera Nounou, dans la commune de Belouizdad. «C'est samedi. Le personnel ne travaille pas. Revenez demain», affirme un habitant du quartier. La bibliothèque fonctionne comme une administration : «c'est comme toute autre administration. Elle ferme après 16 h, les week-ends et les jours ferriés». C'est-à-dire au moment même où les élèves et les étudiants en ont besoin. «Je ne vois pas à quoi sert une bibliothèque si elle ferme ses portes le samedi ? Ce n'est pas sérieux ! Impossible de travailler à la maison», se plaint un autre étudiant en droit. Un autre affirme qu'il lui arrive d'aller à la mosquée de son quartier pour travailler en groupe avec ses camarades. Il confie qu'il n'a pas les moyens de payer les frais de transport et qu'il n'a pas donc d'autre choix que de trouver une place à la mosquée. Pendant cette période des vacances universitaires, les étudiants, toutes spécialités confondues, se débrouillent comme ils peuvent pour réviser leurs cours, préparer leurs exposés, leurs thèses… et autres. Certains font de grands sacrifices… C'est le mot. Tout cela pour cause d'absence de structures répondant à leurs besoins en la matière. En attendant de trouver les bonnes solutions à ce problème persistant, la bibliothèque nationale du Hamma continue de subir la pression. Une grande pression provoquée par le nombre croissant des étudiants qui dépasse largement ses capacités d'accueil. Celles-ci sont de seulement 2400 adhérents par jour.
Une tradition En fait, c'est une tradition qui remonte à près de cinquante ans, c'est-à-dire à 1962. Plus précisément, le 6 juin 1962 lorsque l'OAS a brûlé la bibliothèque de la Faculté centrale d'Alger. «Il fallait trouver un autre endroit pour accueillir les étudiants de la BU. La bibliothèque nationale (Frantz Fanon) s'est alors proposée de leur offrir ses services. Depuis, elle est considérée comme une bibliothèque universitaire…» Ce n'est pas maintenant que les choses vont changer. Il y a plus intéressant à faire. Les législatives par exemple !