Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili
«Je suis très heureux comme toujours de retrouver Constantine, la ville qui m'a vu naître. Je le suis d'autant plus que moi, Constantinois de cœur, j'ai à côté de moi un authentique enfant de cette ville» et Smaïn de désigner George Morin, édile de la ville de Grenoble, lequel est, effectivement, né et à longtemps vécu à Constantine avant de partir en France.«Ma présence dans ma ville est d'autant plus mémorable que ce soir je vais vivre des moments magiques avec l'événement qui va se dérouler au théâtre». Il s'agit de la lecture de Tel qu'il est l'est son dernier ouvrage, une lecture qui devait avoir lieu, hier, au cours de la soirée, dans le cadre des «Journées du conte» organisées par l'association «Kan ya makane».Bien entendu, il paraissait pour le moins difficile, voire malhonnête, d'engager l'humoriste franco-algérien dans le terrain vaseux de la politique politicienne autour de «l'affaire Merah», mais celui-ci a toutefois tenu à répondre à la question quand elle a fusé de la salle de conférences de l'hôtel Panoramic. «En fait, je n'ai pas d'informations suffisantes, mais je tiens à souligner que j'ai toutefois une conscience politique et un regard sur l'actualité. Cette affaire est mal venue, et, à mes yeux, elle est dramatique sur tous les plans. D'abord, pour une famille quelle soit musulmane, juive, chrétienne et pour l'ensemble des proches. Il y a un «avant Merah», il y aura un « après Merah ». Personnellement, je ne me permettrai pas d'apporter mes réponses et nul n'est sans avoir remarqué que tout le monde suppute, le drame est certainement mal tombé pour certains et doit évidemment arranger d'autres. En conclusion, je ne peux pas m'autoriser à donner de quelconques informations sur un sujet qui me dépasse. Je ne peux également conclure sans souligner l'attitude de l'Etat algérien qui a refusé l'entrée de la dépouille mortelle. Le défunt est né en France où il avait son histoire, une histoire que l'Algérie n'avait ni à porter et encore moins à supporter. Donc, très franchement, il devait être enterré dans sa ville natale», dira-t-il. «Ecoutez, je suis comédien et non pas président de la République», ajoutera-t-il en riant, et en tant que bête de scène, «j'ai appris par expérience que l'on peut très bien parler et dire des mensonges. A mon sens, la seule vérité vient du cœur, elle est puisée au fond de soi, et, ici et maintenant, je vous dis la vérité, je vous parle avec mon cœur», enchaînera l'humoriste.Smaïn évacuera du revers de la main une allusion qui consistait à lui imputer une présence en Algérie dans le cadre de la commémoration du cinquantième anniversaire de l'Indépendance. Une question biaisée formulée par une consœur pour lui faire dire volontairement ou non qu'il fasse l'objet d'une récupération politique. «Je n'y ai pas pensé. Mais alors pas du tout. Je suis là pour la lecture d'un de mes livres et sur invitation d'une association dont vous voyez le président assis à mes côtés. Je suis né ici, Constantine est ma terre de naissance, je reviens ici pour chercher… me ressourcer. Du fait de la guerre, je suis ce que l'on qualifie de rapatrié. Cette guerre ne nous appartient pas, c'est la guerre de nos pères et d'ailleurs à chaque fois que je voyais un moudjahid dans les documentaires, je me disais que c'était peut-être mon père. L'histoire de l'Algérie j'en suis féru et j'ai toujours cherché à savoir les raisons de cette guerre, du «Je vous ai compris», le départ des pieds-noirs, pourquoi Enrico Macias, pourquoi Constantine, etc. En somme, j'ai toujours voulu comprendre parce que j'ai besoin d'expliquer un jour à mes enfants tout cela. Quoiqu'il en soit, il faut laisser aux politiques et surtout aux historiens de le faire», répondra l'artiste. L'humoriste considère qu'Algériens et Français sont condamnés à s'entendre et il appuie cette appréciation par : «Vous savez, quand je suis en Algérie, et plus particulièrement à Alger, je sens dans le regard des gens qu'ils aiment la France. En fait, c'est un peu comme des frères qui ne s'entendent pas mais qui malgré tout s'aiment et qu'à un moment ils pourraient manger dans le même plat… et avec la même cuillère.» Lors de son premier retour à Constantine, Smaïn avait rencontré un humoriste local (Sabouri Ramdane, dit Sabo, initiateur des Journées du rire de Constantine et qui s'est donné la mort le 9 août 2003 (cf. La Tribune du 10) avec lequel il a été pris en photo, celle-ci lui a été présentée par le journaliste de la Tribune qui lui a alors demandé s'il «est possible de choisir comme métier de faire rire les gens, leur procurer des moments de bonheur, et de se donner la mort ?» Grand étonnement suivi d'une vive émotion chez le comédien qui passe le doigt sur la photo comme un médium et répond : «Un clown, c'est un artiste, c'est avant tout un homme qui a de la confiance en ce qu'il fait, il a une très grande conscience de ce qui se passe autour de lui. En ce qui me concerne, malgré la blessure de mon enfance, mon objectif a toujours été d'unir et réunir tout le monde. Mais je me suis fait un point d'honneur pour que tout ce que j'ai vécu soit imprimé sur mon visage, ma vie d'enfant abandonné, mon enfance heureuse auprès de mes parents adoptifs. S'agissant maintenant de ce clown que j'ai eu le plaisir de rencontrer ici, je veux d'abord lui rendre hommage. Dans son acte pour des raisons très certainement et strictement personnelles, il y a sans nul doute une espèce de délivrance. Mais sachez que le clown rend hommage au clown.»