Cent ans après le naufrage du mastodonte Titanic, le gigantisme est toujours de mise dans l'industrie de la croisière, qui continue de concevoir des paquebots-villes flottantes pour une clientèle toujours plus nombreuse, en jurant que la sécurité reste son maître mot.L'accident du Costa Concordia en janvier au large de la Toscane, qui a coûté la vie à 32 personnes, a terni l'image de la profession et entraîné une baisse des réservations, ont reconnu le numéro un mondial Carnival, maison mère de Costa Croisières, et son grand rival Royal Caribbean Cruises Ltd (RCCL). Mais il ne change rien au credo des chantiers navals et de leurs donneurs d'ordre, les compagnies de croisières, qui misent sur ces immenses paquebots-resorts», stations balnéaires sur mer, pour se développer. Treize nouveaux navires ont grossi la flotte mondiale l'an dernier, dont quatre d'au moins 2 500 passagers. Une quinzaine de navires sont attendus en 2012, dont au moins cinq de ces poids lourds.Et la tendance se poursuit: mi-mars, la compagnie MSC a officialisé une commande d'un navire de 333 mètres de long, pouvant accueillir plus de 5 700 personnes à bord. Quelques jours plus tard, Royal Caribbean International annonçait, lui, la commande d'un navire de 4 200 personnes. Après l'accident du Concordia, la profession s'était empressée de rappeler qu'un tel naufrage meurtrier restait rarissime dans le milieu, et que le risque, à défaut d'être nul, était en tout cas statistiquement bien plus faible qu'avec d'autres modes de transport.Dans un souci d'apaisement, les plus hautes instances internationales du secteur n'en ont pas moins ordonné des audits, en vue de réviser les procédures et améliorer encore les standards. «Après l'accident du Concordia, il est nécessaire de rassurer les consommateurs sur les items de sécurité, surtout les primo-croisiéristes», juge le directeur général France de MSC Croisières, Erminio Eschena, désigné après l'affaire du Concordia comme l'un des cinq porte-parole de l'industrie de la croisière en Europe.«Dérive du gigantisme» : des inquiétudes percent pourtant face à la tendance au «gigantisme», notamment chez certains professionnels, comme les garde-côtes qui portent secours en cas de besoin ou les capitaines de paquebots.Le président de l'Association française des capitaines de navires (Afcan), Jacques Loiseau, déplorait récemment une «dérive du gigantisme», estimant que «même dans les meilleures conditions, avec une telle taille (de navires comme le Concordia, ndlr), on ne saura jamais sauver tout le monde».Le Titanic mesurait quelque 270 mètres et pouvait accueillir plus de 3 300 personnes, équipage compris. Il a coulé en avril 1912 au large du Canada avec 2 200 personnes à bord et fait 1 500 morts, un drame d'une ampleur inégalée.Le Concordia, qui était le fleuron du numéro un européen Costa, mesurait 290 mètres de long pour 38 de large, avec treize ponts et une capacité de 4 900 personnes. Augmenter à ce point les volumes permet des économies d'échelle pour les compagnies de croisières qui, toutes, cherchent à profiter au mieux de ce marché en pleine expansion.Les associations professionnelles ont recensé, en 2011, un record de 16 millions de croisiéristes dans le monde, Américains en tête. En Europe, où les Britanniques sont les plus férus, le cap des 6 millions de séjours a été franchi pour la première fois l'an dernier. La France a progressé de 14 %, atteignant 441 000 séjours vendus. Costa Croisières a décuplé son trafic en dix ans, passant de 363 000 passagers en 2000 (filiales allemande et espagnole comprises) à 2,89 millions en 2010. Et MSC rêve de le doubler d'ici quelques années. Pour l'avenir, le groupe réfléchit à des bateaux «qui seraient moins longs»... mais «sensiblement plus larges».