Photo : Sahel De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali
Depuis bien des années, enseignants, parents d'élèves et spécialistes portent un regard très critique mais très lucide sur l'école algérienne et son évolution en deux décennies. Les premiers considèrent que l'école n'est plus l'espace de savoir et de connaissance qui permet à l'élève de se construire à l'abri des dangers de la rue et que leur travail à eux n'est pas reconnu à sa juste valeur, les deuxièmes déplorent que leurs enfants soient davantage les otages d'un conflit qui ne les sert en rien même si l'amélioration des conditions de travail des enseignants serait de nature à améliorer la qualité de l'enseignement et les spécialistes, enfin,tous affirment que l'école d'aujourd'hui ne favorise pas «l'interaction entre développement et apprentissage qui permettent à l'enfant d'évoluer, de construire des concepts, de développer son langage en lien avec le développement de ses capacités motrices, émotionnelles et sociales», comme nous l'explique Fatima-Zohra Sebaâ-Delladj, psychologue et experte au Comité des droits de l'enfant au sein de l'Union africaine : «Cette interaction, ajoute-t-elle, n'est possible qu'avec un programme scolaire respectant un certain nombre de règles tels l'aménagement du temps scolaire qui ne peut être conçu dans l'ignorance des rythmes biopsychologiques des enfants de tous âges, c'est-à-dire des phénomènes combinant des variables biologiques et psychologiques, la formation continue des enseignants, l'organisation optimum des classes (peu d'élèves/classe, environnement propre, agréable, motivant...) et l'adhésion pleine et entière des parents au projet bien pensé de l'école.» Des critères qui, tout le monde en convient, sont loin d'être réunis dans une école qui est régulièrement secouée par les crises et qui n'arrive pas à se sortir de la précarité qui est la sienne malgré les affirmations contraires des pouvoirs publics : «Selon la Convention internationale des droits de l'enfant, poursuit Sebaâ-Delladj, nous devons garantir aux enfants et adolescents le droit à l'instruction mais aussi à développer une personnalité harmonieuse leur permettant d'exercer une citoyenneté pleine et entière. Ce qui n'est pas le cas chez nous»Loin s'en faut puisqu'aucun signe augurant de prochains changements n'est venu rassurer des parents d'élèves angoissés par les sombres perspectives qui se dessinent : «Cette année comme les précédentes, se plaint la mère, quadragénaire, de deux enfants scolarisés, je suis effarée par la situation de l'école : tout le monde tâtonne et personne n'a l'air de savoir vers quel désastre nous nous acheminons. Je suis sûre d'une chose : ce n'est pas cette école que j'ai connue dans mon enfance.» A l'évidence, il n'y a que le ministre de l'Education, l'inamovible Boubekeur Benbouzid, à se satisfaire de l'école et à s'enorgueillir des vertus de la réforme scolaire et des taux de réussite des examens de fin d'année. Même si de l'avis de la grande majorité des spécialistes et des enseignants, ces chiffres ne traduisent pas la réalité qui, elle, serait plutôt inquiétante.