Aujourd'hui, les quelque 417 807 électeurs inscrits dans la wilaya de Annaba sont appelés aux urnes pour choisir leurs représentants à l'hémicycle ; l'heure de vérité pour 44 listes de candidats qui se sont démenés, durant trois semaines de campagne, mais aussi le grand test pour jauger de l'adhésion populaire à ce scrutin. Durant les deux premières semaines de campagne, la morosité et la désaffection des citoyens avaient donné lieu à des spéculations allant dans le sens d'une forte abstention, voire d'un boycott, ce qui s'est plus ou moins vérifié lors de nos sondages dans les milieux populaires, surtout dans les quartiers qualifiés de chauds. «Je n'irai pas voter pour ces gens-là, nous avait-on alors répondu, ce sont des vauriens et ils veulent juste profiter des avantages accordés à la fonction de député.» «Ma situation n'a guère évolué depuis que je vote et, donc, je ne vois vraiment pas ce qui pourrait changer si je vais encore voter.» Des propos d'une vérité cinglante, du moins pour certains des candidats, mais aussi pour tout ce qui se rapporte au quotidien du citoyen. Cependant, cette dernière semaine, la tendance s'est renversée et une prise de conscience de la situation du pays et des conséquences d'une forte abstention ont amené les citoyens à réviser leur position, pour décider que, finalement, il vaut mieux aller voter : «Il ne faut pas leur laisser le terrain libre, il faut aller voter quitte à glisser un bulletin blanc», nous a déclaré hier, un père de famille, rencontré dans une superette à El Hadjar. Un autre nous dira que «si on va voter, c'est sûr qu'on fera un choix, ce sera le moins mauvais», ironise-t-il. Les jeunes des quartiers populaires, à La Colonne, Sidi Brahim, la cité Auzas ou la Place d'Armes ont des avis mitigés : certains sont enthousiastes. Ils soutiennent tel candidat ou tel autre et mobilisent leurs copains pour voter pour leur favori. D'autres sont encore hésitants et disent attendre jeudi pour décider. «Wallah, je ne sais pas si je vais y aller ou pas, parce que, quand je me rappelle que je suis sans emploi et sans avenir, je me dis que cela ne sert à rien d'aller voter que, de toutes les façons, rien ne changera pour moi. D'un autre côté, il faut dire que c'est dangereux pour le pays. Une forte abstention, c'est la porte ouverte à tout. Demain j'irai dans le centre de vote et je verrai», nous a déclaré le jeune Lotfi, 22 ans à peine. Pour les étudiants de l'université Badji-Mokhtar, la question ne se pose pas, ils sont politisés à fond et chacun a déjà choisi son camp, chacun sait pour quelle liste, il ira voter. Cela ne se limite pour eux qu'au cercle de l'université, ils sensibilisent leurs familles et leurs amis. «C'est vital pour le pays, il ne faut pas faire le jeu des abstentionnistes parce que cela amènera le désordre et le chaos chez nous. Admettons qu'il y ait une forte abstention et qu'on adhère à la thèse de ceux qui appellent au boycott, quelle sera la suite ? Quel est le programme qu'ils nous ont concocté? Tout simplement qu'est-ce qu'on va faire ?», s'interroge Nabil jeune étudiant de langue française. Aujourd'hui jeudi, après la clôture des bureaux, on saura si les citoyens ont adhéré en masse à ce scrutin et si le peuple balayera les partisans du boycott. Ce sera un démenti cinglant à tous les naufrageurs et à tous ceux qui veulent du mal à ce pays qui a enfanté les Amirouche, Larbi Ben M'hidi, Hassiba Ben Bouali et bien d'autres.