La Tribune : «Vous avez, ces derniers temps, donné, avec la troupe des Mille et une nuits, plusieurs représentations, en Egypte, en Ecosse et au Canada. Pourriez-vous nous raconter la genèse de cette aventure»? HALIM ZREIBY : «Le projet de cette pièce ambitieuse a, en fait, débuté il y a plusieurs années, Tim Semple avait contacté la grande écrivaine libanaise Hanan el-Cheikh, dont les romans ont été maintes fois sélectionnés comme des œuvres contemporaines majeures. Elle a également, plusieurs fois, écrit pour le théâtre, dont cette dernière adaptation théâtrale des Mille et une nuits. Puis, le metteur en scène a sillonné plusieurs pays, Egypte, Tunisie, Maroc, Algérie et des capitales européennes pendant deux années, pour faire des castings. En 2010, il a sélectionné 70 comédiens, pour participer à un ultime workshop en Alexandrie, où une vingtaine de comédiens ont été sélectionnés, pour participer au montage de la pièce, qui a duré trois mois, à Fès, au Maroc. Personnellement, j'ai eu un coup de chance incroyable. Lors du casting en Algérie, qui s'est déroulé durant trois jours au niveau de l'Association «Lumière», je ne m'étais pas présenté car à cette époque j'interprétais le personnage de Chahrayar dans la pièce Sherazad, lallat en'sa. Par chance, Tim Semple est venu au TNA voir la représentation et il m'a demandé si je pouvais venir en Alexandrie. J'ai sauté sur l'occasion et depuis je vis un rêve éveillé. Une fois le casting final sélectionné, on est parti pour une résidence de travail pendant trois mois à Fès pour le montage. Au départ, on a travaillé sur la base de vingt-heures de spectacle. Puis la version finale sera d'une durée de six heures durant lesquelles sont présentées une vingtaine d'histoires des Mille et une nuits. La représentation se déroule en plusieurs phases. La première partie dure trois heures avec vingt minutes d'entracte. Puis il y a deux heures de repos avant que la deuxième partie ne reprenne sur le même rythme. Malgré la longueur de la pièce et la cherté des billets d'entrée, le public a toujours répondu présent.Dans la pièce, j'interprète une série de personnages dont celui du souverain Chahrayar, le génie, le pêcheur, le juge et le vendeur d'esclaves, Merouane Ibn Hicham, soit globalement une dizaine de personnages. On a fait plusieurs représentations à l'opéra d'Alexandrie, puis à Toronto. Mais le plus impressionnant c'était le Festival d'Hindenburg en Ecosse où la pièce a affiché complet pendant près d'un mois. La tournée doit reprendre dès le mois d'août prochain, normalement en Australie, et certainement en Amérique du Nord. On était auparavant programmés à Chicago et à Los Angeles mais ça été reporté à cause d'un problème de visas pour certains comédiens.
Quelle est la différence avec votre expérience précédente en Algérie ? Sincèrement, j'ai découvert un autre univers tant sur le plan humain que sur le plan artistique et par rapport au public. En travaillant avec le disciple de Peter Brook, j'ai remarqué qu'une grande importance est accordée aux conditions matérielles, artistiques et humaines pour que les comédiens donnent le meilleur d'eux-mêmes sur scène. C'est aussi une autre conception du théâtre, il y a une véritable gestion du produit théâtral. Tout est étudié pour la réussite de l'œuvre, même si cela doit prendre du temps et coûter de nombreux efforts humains et financiers, car, au final, les frais sont amortis par le succès auprès du grand public. La troupe compte près d'une quinzaine de nationalités.Ce qui est aussi intéressant, c'est le fait d'être monté sur scène dans différents pays. J'ai même interprété le texte dans plusieurs langues, en arabe, mais aussi en français et en anglais. Il y a eu beaucoup d'échanges tant sur le plan artistique que sur le plan humain. Cela m'a permis d'avoir une vision plus élargie du 4e art et des relations humaines. Cela m'a aussi permis de découvrir l'école anglaise du théâtre et plus spécifiquement celle de Peter Brook. Tim Semple nous préparait physiquement et psychologiquement en nous assurant les meilleures conditions pour que l'on puisse incarner avec sincérité nos personnages. Il n'était pas autoritaire dans ses directives, bien au contraire, il nous laissait d'abord sentir le personnage, donner ce que nous avons au fond de nous-même et ensuite, tel un magicien, il transforme cela en exactement ce qu'il veut qu'on donne sur scène. Je pense que c'est cela son grand talent. Sans nous mettre la pression et en nous laissant prendre des initiatives, il nous amenait exactement là où il voulait que l'on aille. Tout cela avec des qualités humaines indéniables. Il est d'une grande modestie et générosité. Malgré le statut que lui donne sa grande expérience, il reste toujours à l'écoute de ses comédiens et partage avec eux toute son expérience artistique sans aucune avarice intellectuelle. Le public aussi est incroyable. Dans les différents pays où on a donné des représentations, les théâtres affichaient complet malgré la cherté des billets. Ce qui m'avait notamment marqué lors d'une représentation, c'est d'apprendre que la représentante de la reine Elizabeth II qui est venue assister au spectacle a payé son billet. Elle a ensuite offert à ses propres frais une réception en l'honneur de toute la troupe. Il faut aussi noter que les filages ne sont pas faits devant des chaises vides mais devant un public qui paye la moitié du prix du billet pour assister à un filage. Ceci est important pour les comédiens de présenter devant un public. Le metteur en scène nous met dans les véritables conditions d'une représentation devant un public, ce n'est qu'au tomber de rideau, qu'il fait les remarques pour affiner le jeu avant de donner la générale.
Quels seraient vos conseils pour les jeunes comédiens qui parfois baissent les bras devant des écueils de la profession ? Le plus important est d'être persévérant dans son travail, je pense que les clefs du succès sont le travail et la sincérité dans ce qu'on donne sur les planches. J'ai commencé le théâtre dès l'âge de huit ans dans une troupe scolaire, ensuite j'ai poursuivi ma passion dans la troupe d'amateurs «El Noussour». On a monté plusieurs pièces mais jamais je n'aurai cru que j'arriverai à ce niveau. Ce n'est qu'à l'âge de 42 ans que j'ai été sollicité par le TNA dans le cadre de la production Hakawati el akhir. J'ai aussi énormément appris et amélioré mon travail grâce à la pièce Abou hayan el tawhidi avec le regretté dramaturge irakien Kassem Mohamed. Ainsi, après plusieurs années sur les planches du théâtre algérien où ma volonté d'aller de l'avant et la persévérance au travail n'ont pas flanché, le destin a fait qu'au final je fasse partie d'une troupe internationale. Il faut dire que l'Algérie est également représentée par Adila Bendimered qui a été sélectionnée lors d'un casting qui s'est déroulé à Paris.
Est-ce qu'on vous verra bientôt sur les planches du théâtre algérien ? Si on me sollicite, je répondrai présent. Pour la manifestation «Tlemcen, Capitale de la culture islamique 2011», j'ai répondu présent malgré un agenda chargé à cause de la tournée internationale des Mille et une nuits. Mais, sincèrement, pour le moment je pense à la suite de la tournée qui doit reprendre très prochainement. Je m'intéresse également au cinéma qui est aussi l'un de mes grands rêves. S. A.
Hommage à Abderrezak Fakhardji Un hommage sera organisé pour le grand maître de la musique classique algéroise, Abderrezak Fakhardji. Du 8 au 12 juin, plusieurs formations de l'école d'Alger se relayeront sur la scène du Palais de la culture, à 19h, pour perpétuer l'enseignement du maître, en présentant quelques fragments de nos Andalousies perdues. Programme et formations à l'affiche : 8 juin : El Fakhardjia d'Alger et Amraoua de Tizi Ouzou 9 juin : El Djanadia de Boufarik et Al Andaloussia d'Alger 10 juin : El Djazairia et El Inchirah d'Alger 11 juin : Es Soundoussia et Mezgahenna d'Alger 12 juin : Le grand orchestre de l'école d'Alger, composé par les anciens élèves de Abderrezak Fakhardji