Que l'on n'y croie ou non, l'organisation Al Qaïda a été largement défaite en Irak et en Arabie saoudite. Ce vocable n'est pas l'œuvre d'un spécialiste mondial du djihadisme international mais bien celui d'experts de la CIA. Presque vaincus, les lieutenants de Ben Laden n'auraient eu d'autre choix que de se retrancher à la frontière pakistano-afghane. Le temps d'un camping autour d'Ayman Thawahiri qui conseillait à ses hommes de ne plus «rôtir» des bébés irakiens ? A en croire le récent rapport du renseignement américain, les djihadistes seraient sur la défensive sans pour autant renoncer à attaquer les Etats-Unis. Si réellement les fidèles d'Oussama se trouvent en rase campagne, devra-t-on s'attendre à une massive attaque de la Force One, retransmise sur grand écran à Washington ? Faudrait-il d'abord dénicher la grotte où le chef d'Al Qaïda serait en convalescence depuis de longues années avant d'envisager d'abattre les hirondelles de Kaboul et celles venues d'ailleurs ? Que le jugement de Bruce Riedel soit fondé ou pas, -l'annonce faite par le renseignement US ne servirait que des intérêts électoraux en faveur du candidat McCain-, l'actuel patron de la CIA n'a pas à rougir ni à se disculper, l'ère post-Tenet serait plus glorieuse. Il ne peut être que formel, les revers subis par l'organisation djihadiste sont à quantifier à l'échelle mondiale. Et il ne s'agit pas que d'une défaite militaire puisqu'elle est également idéologique. Sinon, comment expliquer qu'un peu partout à travers le monde islamique, les méthodes barbares d'Al Qaïda soient mises en accusation et dénoncées par des «fetwas» émanant des défenseurs de l'islam modéré ? Si cet heureux événement est annonciateur d'une accalmie entre «piliers» dans le choc des civilisations, pourquoi la commission de renseignement du Sénat n'a t-elle pas été informée dans l'immédiat ? répond par une autre question son président démocrate, John Rockefeller. Parce que tous les rapports de la CIA, même ceux classés secrets, ne contiendraient pas une telle évolution décrite par Michael Hayden. A moins qu'à quelques mois de la présidentielle américaine, l'administration militaire ne cherche qu'à amplifier un spectaculaire effet d'annonce destiné à l'opinion publique US. Car, W. Bush aurait beau récolter des fonds pour financer les meetings de son poulain, Barack Obama demeure un redoutable adversaire. Et ce n'est pas avec le lourd héritage des ratages en Irak et en Afghanistan -à quand une incontestable démocratisation ?- que le camp républicain peut espérer une victoire à la prochaine échéance électorale. Il faudrait beaucoup plus qu'une quasi-défaite d'Al Qaïda, claironnée sur le dôme de la White House, pour réussir une réhabilitation partielle des faucons de Washington tout au long de la fin de mandat de W. Bush. Les faiseurs de présidents, côté républicain, devront faire preuve d'une grande imagination pour réinscrire la sécurité nationale au menu de la bataille présidentielle. Ils s'y appliquent déjà, le patron de la CIA a tiré à boulets rouges sur la République islamique d'Iran, son ingérence croissante chez le voisin irakien serait pratiquée au plus haut niveau de l'Etat. Pour creuser l'écart au profit de John McCain et comme au temps de Saddam, le renseignement américain s'efforcerait-il d'établir un lien entre les mollahs et les djihadistes d'Al Qaïda au repos tout le long de la frontière pakistano-afghane ? La menace des seconds n'étant plus un atout électoral majeur, la carte du nucléaire iranien serait la seule carte gagnante d'ici à novembre prochain. Dans leur camp de retranchement, les membres de l'internationale djihadiste peuvent se reposer en toute quiétude tant ils ne servent plus, par effet inverse, l'impériale propagande. A. D.