[image] De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
Des mélodies ensorcelantes se sont dégagées, vendredi soir dernier, du saxophone du jazzman italien Stefano Di Battista lors de la seconde soirée du DimaJazz. Le théâtre n'était pas archicomble (probablement à cause de la rencontre de football Algérie-Gambie), mais une grande partie du public fidèle au festival n'a pas raté cette production entièrement vouée à la gent féminine. «Un woman's land», c'est le concept sur lequel s'est basé le romain pour souffler des noms de femmes via les phrasés de son saxophone. L'actrice italienne Anna Magnani, Valentina Tereskova l'astronaute russe, Molly Bloom (la Pénélope dans le célèbre Ulysse de James Joyce) ou encore Coco Chanel étaient des sources féminines d'inspiration pour l'artiste. «Le journaliste Jino Castaldo qui écrit dans un journal italien, et moi avons voulu rompre une certaine monotonie sur les intitulés. En fait, titrer des œuvres musicales au nom des femmes- personnages parfois imaginaires- ouvre la voie à des courants inépuisables puisqu'on s'est basé sur une fantasia dans la mise au point de ce projet», indiquera Stefano après le show «Crazy» qu'il a livré au public. «Et comme je suis devenu papa d'une fille il y a trois ans et demi, je crois que cela a influé sur moi inconsciemment pour connaître davantage le monde des femmes», a-t-il ajouté. Fan, ou plutôt héritier, de Charlie Parker auquel il a rendu un hommage en 2004 à travers l'opus «Parker's mood», Battista a carrément donné une autre conception à ce genre de musique. Fraîche, rythmée, ne dérogeant pas aux us du jazz, sa note «sol» qu'il fera résonner de son instrument placé à même le plancher de la scène, en s'agenouillant, conclue majestueusement chaque improvisation de son pianiste au feeling perceptible et de son contrebassiste veillant au tempo. Sa parfaite maîtrise et connaissance du patrimoine jazz lui permettent de naviguer aisément en y ajoutant sa propre touche «bop e» reconnaissable à travers piano et saxophone. Ce qui a subjugué les mélomanes. Le morceau «Anna» ou «Coco» était tout simplement du pure délice à l'italienne notamment avec ces battements de cymbales. L'ambassadeur d'Italie à Alger est venu avec une délégation, suivre le spectacle de son compatriote qu'il a félicité lui et son groupe dans leur loge après le spectacle. «Voir tous ces jeunes s'intéresser au jazz est une chose formidable. J'aimerais bien y revenir pour d'autres productions», dira le diplomate.
Et du manouche français pour remercier Django La deuxième partie de la soirée sera vouée aux adeptes du jazz manouche. Le cool trio d'Adrien Moignard s'est livré à des hommages au maître Django Reinhardt avec de sympathiques arrangements. «Ce soir, on n'a pas joué nos compositions. C'était ‘‘tribute'' au maître», nous dira le guitariste soliste Adrien. «Love me tender», «Sunny», «Isn't she lovely», «Hit the road jerk», sont des chansons qui ont été peintes manouche par ce trio (avec M. Ghali à la guitare rythmique et William Brunard à la contrebasse). Cela a énormément emballé les jeunes présents. S'inspirant de toutes les tendances jazz, mais aussi de la pop, le groupe «simplissime» a accroché l'assistance. Entre exercice de style parfois et des improvisations, à l'image de cette intro «orientale» sur «Caravane», les français manouches excelleront dans «Nuage», titre légendaire de Django, ou encore de «Brazil». «On est accro de cette figure pour la simple raison qu'il a inventé la poudre ! Il a ainsi réinventé la guitare en influençant tous les guitaristes de tous les styles à cette époque là», diront-ils. Pour le contemporain, poursuit le soliste Adrien, les chanteurs s'articulent sur la rythmique manouche, ce qui a popularisé ce style en France.In fine, la 2e soirée du DimaJazz a laissé diverses interprétations notamment concernant l'absence massive du public. De fait, si musicalement la scène est agrémentée, des murmures se propagent dans le hall. «Que se passe-t-il, il y a beaucoup de places vides ?», demande-t-on. Toutefois, cette interrogation ne concerne pas le DimaJazz exclusivement, mais toutes les activités culturelles ou artistiques à Constantine qui peinent souvent à drainer la grande foule. Par goût ou par affinité ? «Moi je m'amuse et je découvre chaque jour un genre. Il faut soutenir le festival qui est une bonne chose pour la wilaya», dira un adepte de la manifestation.