Comme quoi les racines du jazz sont irrévocablement africaines, le guitariste Michel Randria vient de confirmer de ces doigts de malgache cette filiation y compris pour le manouche même si l‘histoire reconnaît la paternité de ce style aux tziganes et au père fondateur Django Reinhardt. D'ailleurs, sa version du mythique « nuages », présentée lors de son récital offert jeudi au théâtre de Constantine n'a rien à envier aux interprétations des descendants biologiques et ethniques de Django, oserons-nous dire y compris la star Bireli Lagrene, qu'il a lui-même croisée. Accompagné de son frère Milan, le métronome complice, Mimil, comme il aime se faire appeler, n'a laissé aucune place au doute devant le jeune public constantinois. Exception faite d'une adaptation du classique Recuerdos de l'Alhambra, jouée en ouverture et une version personnalisée de Spain de Chick Corea jouée en guise de prologue, tout le reste du récital a été consacré au registre manouche. Un style auquel il s'était essayé aux côtés de Romane, Serge Krief et Angelo Debarre en France où il est installé depuis l'âge de 30 ans. Parti de son Madagascar natal où il a étudié la guitare classique, ce musicien époustouflant est passé par tous les styles, y compris le flamenco avec Juan Cannona et le rock chez Patrick Rondat. Depuis 1999, il se consacre au jazz manouche et à la world music multipliant tournées et expériences avec d'autres musiciens tels Frederie Yonnet, Rossy et Jimmy Oihid. « Vous ne pourrez jamais jouer comme nous », lui ont dit un jour des musiciens tziganes rencontrés sur son parcours. Une sentence contraire à son credo de l'universalité de la musique et qui sera un nouveau défi à relever pour lui. Son doigté limpide précis et en même temps vigoureux met à mal, en effet, l'exclusion contenue dans la formule et traverse le registre manouche avec aisance et beaucoup de maîtrise artistique. Minor swing, What is this thing called love ?, I found a new baby et le très connu et très joué surtout Besame mucho sont égrenés par le duo avec un grand bonheur, partagé en tous cas par le public durant les 70 minutes du récital. Un public jeune, nouveau et frais qui ne rate plus aucune de ces soirées jazz ou autres à Constantine et se forme perceptiblement, et forge son oreille pour partager le mieux possible avec les artistes sa passion de la musique. Toujours dans le cadre du Festival international de la musique andalouse et avec le concours du CCF de Constantine, le public du théâtre est convié jeudi prochain à une soirée avec les maîtres des cordes pincées et de la musique européenne des siècles précédents, le quatuor Fabordon de Cordoue.