Nerfs à vifs. Esprits chauffés à blanc. Des noms d'oiseaux semblables aux soufflets que les uns et les autres ont distribués aux uns et aux autres. Des éléments du service de la Sécurité présidentielle (DSP), des gendarmes lourdement équipés et de jeunes cerbères, cousins algériens des baltaguiya égyptiens, étaient mobilisés. Ils étaient sur le pont pour assurer la sécurité d'une réunion ordinaire d'un parti majoritaire, mais qui revêtait en la circonstance un caractère extraordinaire. Les gros bras appointés par le parti servaient de force de dissuasion massive contre une partie des membres du comité central d'un vieux parti algérien, qu'on pourrait appeler le rassemblement de «tab Djnanou». Il y avait donc de l'électricité dans l'air et de la châtaigne à Sidi Fredj, d'habitude quiète station balnéaire de la côte ouest d'Alger. Doit-on s'en étonner pour autant ? Réponse évidente, non. Rien, assurément rien, ne doit surprendre de la part de ce FLN-là, dont les remugles politiques, les miasmes organiques, les exhalaisons putrides et les relents asphyxiants des querelles picrocholines ressemblent, de plus en plus, aux émanations toxiques de l'Oued El Harrach. Le FLN, c'est évident, est en profonde crise. Le mal qui le ronge est une maladie endémique, dans le sens où elle est typiquement algérienne et y sévit en permanence depuis… 1996. Elle porte un nom, non encore breveté, le «redressement». Durant le week-end algérien, le FLN a vécu un nouvel épisode, digne des «Feux de l'amour» entre «redresseurs» des deux bords. Des «redresseurs» à la dent longue et au souffle long qui veulent «redresser» l'actuel secrétaire général, lui-même un ancien «redresseur». Et le plus cocasse dans l'affaire, c'est qu'entre les deux camps de «redresseurs», il y a un «comité des sages», sorte de groupe de conciliation et de réconciliation, où figure notamment le doyen des «redresseurs» du FLN. C'est lui, homme multicartes et multiservices, qui a inventé le fameux «complot scientifique» de 1996. Destiné à «redresser» définitivement un certain Abdelhamid Mehri qui, lui, que Dieu lui en rende grâce, voulait «redresser» le FLN pour l'engager sur la voie claire et rectiligne de la démocratie. Mais, au FLN, cadavre politique à la renverse, malgré son dernier succès électoral dopé aux amphétamines politique et à l'EPO électoral, on se demande toujours qui «redresse» qui, au nom de quoi et de qui, à quel propos et au profit de qui ? à chaque fois, on dresse l'oreille pour comprendre les subtilités de cette science du «redressement», mais à chaque coup, on ne comprend plus ce qui nous paraissait évident avant. Sauf que les «redresseurs» de tout bord du FLN sont des politiciens comme les autres. La classe en moins, puisqu'ils règlent leurs différends à coups de poings, de postillons et d'injures de maquignons, quand ce n'est pas à l'aide des crocs de dobermans qu'un des «redresseurs» du moment a un jour lâché sur d'autres «redresseurs» ! Mais quel est en fait le fond du problème ? Il y a un SG dûment désigné, qui n'est certes pas un parangon de vertu démocratique, mais qui a des ambitions politiques légitimes mais assez démesurées au goût de ses nombreux détracteurs. Il se prépare pour être calife présidentiel à la place du calife présidentiel. Normal, non ? Non, ce n'est pas normal disent ses adversaires qui le voient comme l'homme ayant dévoyé le parti en le déviant d'une certaine voie politique vertueuse qu'on a du mal à saisir. Enfin, tout compte politique fait et tout mécompte politicien effectué, que l'un ait des ambitions jugées illégitimes et que les autres les contestent, de manière tout aussi illégitime de son point de vue, quoi de plus banal ? Encore plus illégitime est en revanche le fait que les uns et les autres offrent au pays le spectacle d'un vaudeville dantesque. Une pièce de boulevard jouée à ciel ouvert. Au moment même où les Algériens s'apprêtent à célébrer le cinquantenaire de leur indépendance, acquise sous la bannière d'un autre FLN, ancêtre de l'ectoplasme tragicomique qui s'agite à Sidi Fredj. Ce qui est inacceptable, outrecuidant même, aux yeux de millions d'Algériens, c'est de voir certaines clientèles composées d'aigrefins, de malandrins et de bien d'autres margoulins, s'en accaparer pour en faire une rente viagère. à savoir, un crédirentier leur assurant un revenu politique captif, à vie, comme beaucoup en rêvent ! Tous ces «redresseurs» qui veulent «redresser» les autres «redresseurs», doivent être «redressés» eux-mêmes. Ils doivent être d'autant mieux «redressés» que leur parti est la force majoritaire dans les deux chambres du Parlement, à défaut de l'être dans le pays. Le chef de l'Etat, président d'honneur de ce parti à la dérive politique et à la ramasse éthique, n'y est pas impliqué mais il est, au premier chef, concerné. Quand bien même se tiendrait-il loin des turpitudes d'un FLN malade de ses jeux de massacre, les uns et les autres, qui parlent et agissent souvent en son nom, se chargeraient de le faire entrer dans leur cirque. Pour le bien commun, et ce serait même une œuvre d'utilité publique, le chef de l'Etat, lui-même fils du FLN originel, devrait agir pour restituer le parti à ses militants en le libérant de tous les rentiers du «redressement». Le président de la République se souviendrait à cet effet que le nettoyage des Ecuries d'Augias fut le cinquième des douze travaux d'Hercule. Ces écuries étaient tellement sales qu'on ne pouvait plus y entrer. Elles n'avaient plus été lavées depuis trente ans. Héraclès les avaient nettoyées en une seule journée, en y détournant les eaux des fleuves Alphée et Pénée. Hercule fut donc dans l'histoire de l'humanité, le premier vrai «redresseur». N. K.