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L'Union européenne redoute les démons des nationalismes
Faisant face à une crise financière sans précédent
Publié dans La Tribune le 18 - 06 - 2012

L'avènement de l'Europe n'a pas obéit à une vision politique commune de tous ses membres fondateurs. Si l'intégration européenne était une nécessité stratégique pour ses pères fondateurs, elle est la synthèse volontariste et arbitraire de réflexions politiques et économiques sinon antagoniques, du moins divergentes. Jacques Delors estimait que la monnaie unique est une étape vers une Europe fédérale que, d'après Jean Pisani-Ferry, «il désigne, par prudence,d'une formule alambiquée : fédération d'Etats-Nations». Si la finalité, pour Delors, est institutionnelle, au contraire, pour les Allemands, l'essentiel n'est pas dans les institutions, mais dans les «liens unissant les peuples qui partagent la même monnaie» ou, selon l'expression du président de la Bundesbank d'alors, Hans Tietmeyer, reprenant une formule de Nicolas Oresme : «la monnaie n'appartient pas au prince, mais à la communauté». Le lancement de l'Euro est, en effet, l'acte de naissance de l'espace économique commun de l'Union européenne, car le démantèlement des barrières douanières
n'était qu'une formalité, par rapport à la monnaie unique qui impose, en théorie, une marche forcée vers l'homogénéisation des économies européennes, à travers l'homogénéisation des prix à la production et à la consommation. Cette divergence prénatale de la monnaie unique s'est manifestée par la demande française d'un gouvernement économique. Jean Pisani-Ferry considère que
les Français exprimeraient surtout, en fait, à travers ce vocable qu'ils ont du mal à expliciter, le fait qu'ils ne conçoivent pas une monnaie sans Etat. Les Allemands voient le gouvernement économique comme une tentative de prise de contrôle de la Banque centrale européenne et, donc, s'en méfient. Les Français, eux, sont pris entre des sentiments contradictoires : d'un côté, ils veulent d'un gouvernement économique, mais d'un autre, ils ne veulent pas de transfert de pouvoir vers la Commission européenne. Cette attitude est le propre de l'Etat jacobin. En fait, les Allemands seraient davantage pour une union politique que les Français. Pour Jean Pisani-Ferry, «[lors des négociations de Maastricht,] François Mitterrand assassine, sans états d'âme, l'union politique en faisant alliance avec les Britanniques, contre les projets des fédéralistes». Tout cela aboutit à une monnaie commune, assortie de solidarités minimales et à la clause de no bail-out, qui veut que «ni l'Union, ni les autres Etats membres ne peuvent répondre des engagements d'un Etat européen». On constate une contradiction politique chez les leaders français, qui affichent leur engagement en faveur d'une Europe intégrée économiquement, tout en entretenant un nationalisme chauvin contre tout projet fédéral. Peut-on dire que l'économie n'a pas été déterminante dans le processus d'intégration européenne ? La réponse est d'autant plus compliquée qu'il s'agit de la chercher dans les craintes des lobbies économiques français d'une domination économique allemande sur toute l'Europe. Ce facteur subjectif a été déterminant , aussi bien dans l'attitude française frileuse à l'idée d'une Union politique, que celle de l'Angleterre, qui a refusé carrément d'intégrer la zone euro. Si le protectionnisme british préserve conjoncturellement l'économie britannique, les autres pays de la zone euro subissent de plein fouet les effets de la crise qui secoue les maillons faible de l'union monétaire.

La monnaie unique, talon d'Achille de l'Europe
La Grèce, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, l'Irlande et Chypre risquent d'entraîner l'Europe vers une crise financière et économique généralisée, qui se transformera en crise sociale et politique, dont les conséquences sont imprévisibles sur le devenir de l'Europe et de ses partenaires méditerranéens, américains et asiatiques. La crise de la dette publique n'est que le symptôme qui doit conduire à rechercher les causes premières, qui sont multiples et variables d'un pays à l'autre : une très forte dette publique, liée à des problèmes structurels importants (difficulté à lever l'impôt et à maitriser les dépenses), une flambée de l'immobilier en Espagne, qui a conduit les agents privés à contracter des montants risqués de dettes privées, l'absence d'appréciation par les banques des risques encourus, tant dans l'octroi des prêts que dans leur refinancement, les trop modestes efforts (depuis la crise des subprimes) de régulation du secteur bancaire et financier, la faiblesse de la croissance, qui touche l'ensemble des anciens pays industrialisés, depuis la crise économique dite de la grande récession de 2008, l'effet cumulatif provoqué par les anticipations d'une décélération continue des perspectives de croissance. La monnaie unique est comme les langues d'Esope, c'est la meilleure et la pire des choses. Autant elle favorise l'intégration économique et crée les conditions d'une intégration des politiques économiques et, partant, le rapprochement des institutions nationales pour aboutir, à terme, à des institutions communautaires, autant elle provoque une réaction en chaîne en cas de crise et un effet dominos sur toutes les économies, qui n'ont de national que le symbolique emblème. «Alors que le mouvement de dérégulation financière a produit des innovations, tant au niveau des institutions qu'à celui des comportements et que ceux-ci ne sont pas encore complètement décantés, de nombreux débats naissent dans l'urgence –sinon dans la précipitation– pour déterminer qui doit prendre en charge les risques (risques privés transférés vers les Etats) et qui doit payer et/ou faire les efforts pour surmonter la crise. «Enfin, la crise fournit l'opportunité à certains opérateurs de tirer profit du décalage entre la rapidité d'exécution des marchés et la lenteur relative des décisions publiques (et, a fortiori, lorsqu'elles sont inter-étatiques) en spéculant sur les dettes souveraines européennes», estiment les experts.

Le cas de la France
Le retour de la gauche en France risque de ne pas être d'un grand secours pour l'économie française, dont les dirigeants politiques ont
tergiversé, après avoir accordé, sous Sarkozy, aux riches et aux entreprises privées des avantages colossaux. Depuis bientôt une année, la France a mis en place deux plans de rigueur. Le premier portait sur un train d'économie de 11 milliards d'euros, en 2011 et 2012, le second, présenté par François Fillon le 7 novembre 2011, prévoit notamment le passage, en 2017 au lieu de 2018, de la date de départ à la retraite, la suppression du dispositif Scellier, une majoration des impôts sur les sociétés, la création d'un taux intermédiaire de 7% pour la TVA. Le différentiel entre le taux d'intérêt des obligations d'Etat français et leur équivalent allemand atteint 147 points de base en novembre 2011, alors qu'un an avant, il n'était que de 45 points. Les banques françaises détiennent, selon la BRI, 106 milliards d'euros de dette italienne, deux fois plus que les banques allemandes, et surtout le déficit de la France reste élevé, en comparaison de celui de l'Allemagne : 5,2%. Pour Alain Trannoy, du cercle des économistes, «les plans français sont peu lisibles et peu susceptibles de relancer la croissance, qui est pourtant une variable-clé pour sortir de l'endettement.» Début février 2012, le déficit commercial (en 2011) atteint un record historique pour la France, à 69,6 milliards d'euros. Cette situation inédite a contraint S&P, en janvier 2012, à dégrader les 3A de la France à 2A+, avec implication négative, estimant que l'Hexagone avait encore une chance sur trois d'être dégradé avant la fin de l'année. Un mois plus tard, sa consœur Moody's dégrade la perspective de la note souveraine française à long terme qui pourrait, avant 2013, perdre, une nouvelle fois, la meilleure note possible. Les difficultés de la France ravivent le débat sur la politique de la Banque centrale européenne autour de la question de savoir si la BCE doit monétiser la dette publique ou non. Les milieux financiers français semblent en faveur de mesures de rachat de dettes par la BCE. Toutefois, les résultats de 2011 semblent assez encourageant pour la conjoncture économique du pays. Le déficit public atteint 5,2 % pour l'année 2011, mieux que ce qui était attendu. C'est le cas, aussi, pour la croissance, qui évita de peu la récession fin 2011, portant à 1,7% la croissance annuelle (+0,2 au quatrième trimestre) et confortant les prévisions pour 2012. Mais ces maigres performances de l'économie française ne prémunissent pas le pays contre une récession, en raison de sa forte dépendance des économies des maillons faibles de l'Europe et dont les difficultés s'aggravent de jour en jour. C'est à ce titre que le politique tente d'agir vite, pour éviter ce scénario et préserver l'essentiel, c'est-à-dire, à défaut d'une croissance soutenue, éloigner le spectre d'une récession. Désormais, Hollande dispose d'une majorité absolue pour mettre en œuvre son «plan de sortie de crise» l'Assemblée française sera convoquée en session extraordinaire début juillet, pour lancer les premières réformes. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, n'a pas dissimulé, dimanche soir, la difficulté de la tâche. Il faudra à la fois relever le défi du rétablissement des comptes publics, retrouver la croissance et amorcer un recul du chômage. La quadrature du cercle, en période de crise et sans aucune marge de manœuvre budgétaire, comme devrait le confirmer un audit des finances publiques, dont la publication par la Cour des comptes a été repoussée à début juillet. «L'œuvre qui est devant nous est immense. Rien ne sera facile. Rien ne nous sera donné», a déclaré le chef du gouvernement. Pour François Hollande, la toute première priorité est européenne. Les élections en Grèce, avec la victoire des conservateurs de la Nouvelle démocratie, ouvrent la voie à un gouvernement de coalition pro-euro dans le pays, qui est au centre de la crise. Le gouvernement socialiste français pense qu'il faut «accompagner les Grecs vers la croissance». «Il faut de la discipline, mais il faut aussi de l'espoir», a dit le ministre des Finances, Pierre Moscovici. Le Président français, héraut de la croissance en Europe, a fait parvenir à ses partenaires une série de propositions «à effet immédiat» pour stimuler
l'activité, d'un montant total de 120 milliards d'euros. Elles devraient être évoquées au Sommet du G20, où plusieurs des autres puissances économiques, à commencer par les Etats-Unis, s'inquiètent de l'aggravation de la crise en Europe. Il devra, ensuite, défendre ces positions, lors d'un mini-sommet européen, vendredi prochain, à Rome avec les chefs de gouvernement italien Mario Monti, espagnol Mariano Rajoy et allemand Angela Merkel. Le couple franco-allemand traverse une période de vives tensions, marquée par de profonds désaccords sur la façon de sortir de la crise. La chancelière, attaquée en France pour sa défense à tous crins des politiques d'austérité, avait déploré, la semaine dernière, la «médiocrité» de certains, visant implicitement Paris.
A. G.
Sources Wikipédia


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