François Hollande et plusieurs autres dirigeants de la zone euro devraient défendre l'idée d'"euro-obligations" lors du sommet informel de la zone euro qui se tient, demain, à Bruxelles et accentuer ainsi la pression sur la chancelière allemande Angela Merkel, qui y reste opposée. Des hauts responsables européens et américains ont déclaré ce week-end que le nouveau président français avait soulevé la question des euro-obligations, une forme de mutualisation de la dette des Etats de la zone euro, lors du sommet du G8 à Camp David en promettant de l'évoquer à nouveau demain à Bruxelles. François Hollande devrait recevoir l'appui du Premier ministre italien, Mario Monti, du président du Conseil espagnol, Mariano Rajoy, et de la Commission européenne, soutien de longue date des euro-obligations au sujet desquelles elle a produit l'an dernier une étude de faisabilité restée lettre morte. L'accentuation récente de la crise de la zone euro a changé la donne et les euro-obligations sont désormais présentées par plusieurs économistes et responsables politiques comme l'un des instruments susceptibles de restaurer la confiance des investisseurs. "Le débat sur les euro-obligations est de nouveau au centre du débat et François Hollande aura le soutien d'autres dirigeants s'il rouvre ce débat", a déclaré un responsable de l'Union européenne. "Ce n'est pas quelque chose qui va se produire du jour au lendemain, un tas de choses doivent d'abord être faites, mais l'envie est bien présente." Nouvelle donne Le sommet de demain doit être consacré à la croissance et à l'investissement et le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a dit vouloir que les dirigeants de l'Union se mettent d'accord sur des mesures précises destinées à stimuler la croissance et l'emploi. Parmi les propositions attendues figurent celle d'un renforcement des capitaux de la Banque européenne d'investissement et celle de "Project bonds", des obligations émises par l'UE afin de financer des grands travaux d'infrastructure. L'objectif du sommet est surtout de jeter les bases du sommet suivant, prévu les 28 et 29 juin, lors duquel des propositions devront être finalisées. La victoire de François Hollande à l'élection présidentielle française s'est non seulement traduite par un glissement du débat autour de la crise de la dette au profit de la croissance, mais également par le retour en grâce d'idées que la chancelière allemande était parvenue à mettre de côté au cours des deux dernières années, comme celle d'une mutualisation de la dette. Angela Merkel a dit par le passé qu'elle n'était pas contre l'idée des euro-obligations en soi tout en disant qu'on ne pourrait en discuter que lorsque les conditions seraient réunies, en particulier une accentuation de l'intégration économique européenne et de la coordination entre Etats, en matière budgétaire notamment. Dans un cas comme dans l'autre, le chemin à parcourir est encore long. Accélération Lorsqu'elle a publié en novembre dernier une étude consacrée à ce qu'elle a appelé des "obligations de stabilité", la Commission européenne a estimé qu'on ne pourrait pas éternellement écarter cette idée, expliquant que la sévérité de la crise de la dette souveraine, qui s'est accentuée depuis, justifiait des mesures plus rapides. "Alors que l'émission commune a généralement été considérée comme une possibilité à long terme, le débat plus récent a porté sur les avantages potentiels à court terme en vue d'atténuer les tensions sur le marché de la dette souveraine", indiquait l'étude. "Dans ce contexte, l'introduction d'obligations de stabilité ne s'effectuerait pas à l'issue d'un processus de convergence économique et budgétaire, mais s'effectuerait parallèlement à un renforcement de la convergence et favoriserait la création et la mise en œuvre du cadre nécessaire pour une telle convergence." Mario Monti, économiste de formation et ancien commissaire européen, a déjà soutenu cette vision des euro-obligations et il devrait réaffirmer ce soutien demain. "Quel que soit le calendrier envisagé initialement en matière de marche vers les euro-obligations, il est désormais raccourci en raison de l'accentuation de la crise de la dette souveraine", a déclaré un deuxième responsable de la zone euro. "Il faut qu'il y ait une discussion sur l'emploi et la croissance, mais il faut aussi qu'il y ait une discussion sur les étapes concrètes à franchir pour aller vers les euro-obligations." La sortie de la Grèce, une équation à multiples inconnues La sortie de la Grèce de la zone euro, qui n'était encore qu'une menace imprécise et lointaine il y a quelques mois, est désormais de plus en plus ouvertement envisagée, sur fond d'incertitudes immenses sur les conséquences économiques, politiques et sociales d'un tel événement. Les uns, craignant de devoir indéfiniment maintenir Athènes sous perfusion financière, se veulent rassurants et soulignent que la zone euro est mieux préparée que jamais à affronter une sortie de la Grèce. Les autres estiment que malgré la taille réduite de l'économie hellénique, c'est l'existence même de la zone euro, voire de l'Union européenne, qui est menacée à terme. Beaucoup de choses ont changé depuis le début de la crise grecque. Pour commencer, la zone euro a renforcé son "pare-feu" en dotant le Mécanisme européen de stabilité (MES) d'une capacité de prêt devant rapidement atteindre 500 milliards d'euros. Coût limité pour les partenaires d'Athènes L'exposition des banques européennes à la dette grecque a été considérablement réduite. Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a ainsi rappelé que les établissements français avaient déjà provisionné environ 75% de leur exposition à la dette d'Etat grecque. Les entreprises des autres secteurs aussi se sont préparées, à l'image du voyagiste suisse Kuoni qui envisage une renégociation de ses contrats en Grèce dans l'éventualité d'un retour à la drachme. Pour les partenaires d'Athènes, le coût resterait finalement limité: 86 milliards d'euros pour les contribuables allemands selon une étude de la banque Deka, 50 milliards pour la France, soit un risque "tout à fait absorbable" selon l'ex-ministre des Finances François Baroin. La zone euro est devenue plus résistante Au total, avance Barclays, ce coût n'excéderait pas 1 à 2,5% du PIB de la zone euro, soit 230 milliards d'euros maximum. UBS est sur la même ligne: 225 milliards, soit tout de même quatre fois plus que si Athènes restait dans le giron de l'Union monétaire. Tout cela fait dire au ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, que "la zone euro dans son ensemble est devenue plus résistante". Sans compter qu'une telle situation pourrait créer un effet d'aubaine pour des Européens en mesure de profiter de séjours, de terrains ou de biens immobiliers soudainement devenus très bon marché en Grèce. L'optimisme mesuré des uns s'oppose pourtant au pessimisme, voire au catastrophisme des autres. La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, juge ainsi qu'une sortie de l'euro serait "extrêmement coûteuse, et pas seulement pour la Grèce". Les Grecs verraient leur épargne fondre, leur dette publique et privée exploser, l'inflation s'installer, et les fonctionnaires risqueraient de ne plus recevoir salaires et pensions. Les entreprises étrangères refuseraient d'investir dans le pays, d'autant que se poserait le problème juridique du respect des contrats. La contagion, le plus grand risque Dans ces conditions, selon beaucoup d'analystes, la zone euro serait obligée de continuer longtemps à maintenir sous perfusion financière un pays affaibli par la structure de son économie et saigné par la fuite des capitaux. Le plus grand risque toutefois, aux yeux des économistes, serait celui d'une contagion aux autres pays fragiles de la zone euro, sous la pression de marchés inquiets. "La pression sur l'Espagne, le Portugal, l'Italie voire l'Irlande serait immense", juge le président de l'organisation bancaire mondiale IIF, Charles Dallara. Panique bancaire L'agence de notation Fitch a déjà averti qu'une sortie de la Grèce pourrait entraîner un abaissement de la note de tous les autres pays de l'Union monétaire. Cela affaiblirait la monnaie unique face au dollar et pourrait aussi aggraver les risques de récession dans la zone euro. Et à très court terme, le risque d'alimenter "une possible panique bancaire en Europe (...) coûterait beaucoup plus cher aux contribuables" que la sortie de la Grèce, selon UBS. Dans la foulée, des troubles sociaux ne sont pas à exclure dans les pays les plus touchés par la crise, faisant le lit des partis extrémistes. "Les événements en Grèce ont déjà montré que les élites n'ont plus prise sur les choses" en Europe, souligne Richard Whitman, du centre de réflexion Chatham House, à Londres. Aussi des effets positifs Pour Jan Techau, du centre de réflexion Carnegie Europe, la sortie de la Grèce serait en tout cas "extrêmement dommageable pour le processus d'intégration européenne" et risquerait de "saper l'idée de solidarité" entre Européens. Mais des effets positifs ne sont pas à exclure, comme un renforcement de la cohésion des autres membres de la zone euro dont la vie est aujourd'hui "littéralement empoisonnée" par la crise grecque, selon Bruno Cavalier, d'Oddo Securities. En tout état de cause, "c'est une autre Europe qui se dessine, quelle que soit l'hypothèse qu'on privilégie", selon Jean-Dominique Giuliani. Et une sorte d'effet papillon pourrait se faire sentir bien au-delà des frontières européennes. "Nous vivons dans un système financier global interdépendant, où les chocs dans n'importe quelle économie, grande ou petite, peuvent se répercuter rapidement dans le monde entier", note Charles Dallara. La situation est "hautement imprévisible. Personne ne sait ce qui va se passer" si la Grèce quitte l'euro, "c'est pourquoi tout le monde essaie si fort de l'éviter", résume Jan Techau. Le PIB espagnol devrait se contracter de 0,3% au 2e trimestre L'économie espagnole devrait se contracter d'environ 0,3% au deuxième trimestre, a annoncé, hier, le ministre espagnol de l'Economie Luis de Guindos. "Nous observons que le deuxième trimestre aura un comportement relativement similaire à celui du premier trimestre", au cours duquel l'activité s'est contractée de 0,3%, a indiqué Luis de Guindos lors d'une conférence à Madrid. Le ministre a aussi déclaré que les 17 régions autonomes et l'administration centrale avaient pris un engagement ferme pour atteindre leur objectif de réduction de déficit cette année. Le gouvernement a admis, vendredi, que son déficit pour 2011 était supérieur à ce qui avait été annoncé précédemment en raison d'ajustements dans les comptes de trois régions. "Pour la première fois depuis plusieurs années, il y a un engagement des régions autonomes et de l'administration centrale pour corriger leur déficit public", a dit Luis de Guindos. Le ministre du Budget Cristobal Montoro a également indiqué, hier, que les 17 régions autonomes d'Espagne considéraient toutes que la réduction des déficits était une priorité alors que le pays a besoin de convaincre les investisseurs sur sa capacité à maîtriser ses finances publiques. "Il n'y a pas d'autre voie pour l'Espagne que celle de réduire ses déficits", a-t-il dit lors d'une conférence à Madrid. "Les régions comprennent que la réduction des déficits est une priorité et la réunion de la semaine dernière a montré qu'elles s'y étaient tous engagées", a ajouté Cristobal Montoro.