Azazga, Iâezzougen (sourds*) pour les autochtones ou encore «Ilmaten» qui signifie marécages, plus ancienne toponymie, selon certaines sources locales, située à 37 km à l'Est de la ville de Tizi Ouzou est actuellement un chef-lieu de daïra de près de 40 000 habitants qui culmine par endroits à environ 600 à 1 000 mètres d'altitude. C'est le cœur de la commune mixte du Haut-Sébaou créée en 1882 par l'administration coloniale, cinquante-deux ans après l'invasion française de l'Algérie. C'est l'une des plus grandes agglomérations de la région de Kabylie. La commune d'Azazga se compose d'une vingtaine de villages et hameaux, on pourrait citer Azazga-ville, Cheurfa N'Bahloul, Tinqicht, Tizi Bouchène, Ighil Bouzzal, Aït Bouada, Fliki, Ibelkisen, Ath Ali, Rabdha, Boubroune, Tinesouine, Tirsatine, Ouarkik, Hendou, Tachrouft Atmane, Taddert, Imlel, Tala Ouqouchah, Tazaghart et Agouni Guizan. Elle est traversée par la RN 12, d'Est en Ouest, et la RN 71, du Nord au Sud. Elle est limitée au Nord par la commune d'Aghrib, au Nord-Ouest par celle de Fréha, au Sud-Ouest par celle de Mekla, au Sud par celle de Souamaâ, au Sud-Est par celle d'Ifigha et à l'Est par celle de Yakourène. Située aussi en amont du fleuve Sébaou dont la vallée constitue une richesse agricole indéniable et à lisière du mont de Tamgout et des forêts de Yakourène et de celle encore plus riche et plus dense de l'Akfadou, Azazga a de tout temps été une aire géographique et humaine chuchotée des habitants et convoitée des processions de colons français du début du 19e siècle. Les premiers colons, des agriculteurs en distincte majorité, installés à Azazga seraient venus en 1881 de l'Ardèche, actuel département français de la région Rhône-Alpes. En 1902, un administrateur-adjoint de la commune mixte du Haut-Sébaou écrivait dans un rapport : «Nul point, en effet, ne présentait de conditions plus favorables, tant du point de vue de l'avenir des colons qui y était assuré par l'excellence des terres, qu'à celui de l'occupation politique du pays (…)». Pour dire toute la place qu'occupait Azazga dans la perspective et la stratégie de l'occupation coloniale de la région de Kabylie. La suite le prouvera sur tous les plans mais cependant aux dépens de visées colonialistes ! Azazga a en effet joué un rôle capital dans la mise en place des maquis de l'ALN dans toute la région de Kabylie et donnera des leçons de bravoure et d'intelligence qui laisseront des traces dans les archives de l'armée française et sont considérées comme décisives dans l'acheminement de l'Algérie vers l'indépendance. L'opération «Force K» par rapport à Kabylie que certains désigne sous le vocable de «Opération Oiseau bleu» serait le pire revers du renseignement français du 20e siècle à tel point que même des historiens de renommée mondiale spécialistes de l'Algérie sous le joug colonial et des militaires de hauts rangs auraient sciemment fait l'impasse dans leurs écrits et mémoires sur une opération promise à embrouiller les rangs de l'ALN et à éteindre le feu de la révolte mais qui a tourné au final en faveur des combattants anticoloniaux. Une pure humiliation pour les services secrets de la France civilisée face aux «indigènes». Elaborée entre 1955 et 1956 par les services spéciaux français, deux ans après le déclenchement de la guerre de Libération nationale, l'opération visait à puiser dans les rangs de l'ALN des centaines de soldats et les retourner contre leurs compagnons de guerre dans le cadre d'un «contre-maquis» en Kabylie, fer de lance de la lutte armée et pourvoyeuse en ressources en tous genres, selon des rescapés et des proches des familles da la partie algérienne et quelques historiens. Ainsi, plusieurs militants de la cause d'indépendance de l'Algérie originaires d'Azazga font leur entrée par la grande porte de l'Histoire par la propagande politique, le contre-espionnage par des coups de maître réduisant à néant les desseins de Soustelle et Lacoste, chefs suprêmes de la guerre contre le maquis Kabyle. C'est l'inspecteur de la DST Ousmeur, sur l'ordre de sa hiérarchie qui entrera en contact avec Tahar Achiche, un de ses proches originaire de la tribu d'Aït Idjeur, près d'Azazga qui accepta la tâche avant d'en faire part à Ahmed Zaïdat, commerçant à Azazga-ville, qui à son tour en informe Mohamed Yazourène, un baroudeur ami de Mohamed Saïd, responsable à la Wilaya III (Kabylie) au début de la guerre. Krim Belkacem donne son accord et Omar Toumi est chargé du recrutement à Iflissen (Kabylie maritime) et Saïd Mehlal à Azazga. Les forces coloniales jouent gros et sont battues à plate couture devant les chefs du FLN et combattants de l'ALN. Résultat des courses : échec total du plan français, approvisionnement en hommes entraînés à la guerre, en armes et munitions et en fonds des troupes de l'ALN. La France se vengera deux ans plus tard avec l'opération «la bleuite». Les noms de Benkaci Mohand dit capitaine Roger, Belkacem Si L'Hanafi dit Si L'Habachi, Mouaici Chérif dit M'Chaâchaâ et Moussa Bachir dit Si L'Bachir d'Azazga sont par ailleurs des noms gravés en lettres d'or dans le livre des luttes de la Kabylie contre le colonialisme français. En 1963, la région a aussi combattu pour le rétablissement de l'ordre civil contre l'armée des frontières de Boumediene et Ben Bella comme elle a donné des militants et des artistes de la cause de l'identité amazighe et de la démocratie pendant les années de braise. En 2001, six jeunes sont tombés à Azazga sous les balles de la répression de la gendarmerie durant le printemps noir de Kabylie. L. S. - (*) En kabyle, Iâezzougen (Azazga) signifie «les sourds», nom qui aurait été donné aux habitants du village par les Français. On dit qu'en effet, un jour, les habitants ont refusé d'entendre des troupes françaises passant à proximité et qui leur demandaient de localiser des rebelles des alentours ; de là serait issu le nom de la commune, selon un article paru dans la revue dans Pieds-Noirs d'Hier et d'Aujourd‘hui- N°194 - Mars. Cette version de la toponymie d'Azazga est aussi confortée par la mémoire locale.