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Djamila Bouhired et Adonis
Publié dans La Tribune le 01 - 11 - 2008

C'est Djamila Bouhired qui a remis à Adonis la distinction de la Bibliothèque nationale. C'est ce symbole du combat libérateur, cette femme des montagnes de Jijel, cette descendante des Koutama, bâtisseurs du Caire et d'El Azhar, qui a honoré, au-delà de l'ami, le penseur libre, le poète rebelle, le barde et l'aède des grands espaces, du Constant et du variable. Quand une femme de la dimension de Djamila l'Algérienne honore un homme de la stature d'Adonis, c'est Novembre de la liberté qui consacre la libre pensée. Pourtant, l'hystérie qui s'était emparée des détracteurs d'Adonis était injustifiée, d'autant plus que le philosophe poète ne s'est pas attaqué à l'islam mais à sa lecture réductrice, aux exégètes des temps modernes qui «sacralisent» le passé, fossilisent la pensée et interdisent toute nouvelle approche de l'islam à la lumière des mutations et des besoins d'aujourd'hui.
Adonis s'en est pris, et à raison, à ceux qui instrumentalisent la foi des peuples pour mieux les endormir et les aliéner afin que leur «pouvoir» ne soit jamais remis en cause. Si Adonis plaide la laïcité tout comme d'autres voix, aussi bien en Algérie que dans beaucoup d'autres pays musulmans, c'est justement pour que cessent la supercherie et l'amalgame entre toute forme de pouvoir et la foi, pour que l'Homme se libère de toute tutelle et pour que la liberté cesse d'être un vain mot.
Adonis est un fervent défenseur des opprimés, un éternel insurgé contre toutes les formes d'oppression. C'est aussi au nom de l'islam que l'oppression s'exerce dans beaucoup de pays musulmans, c'est au nom de l'islam que les femmes sont opprimées et privées de l'exercice plein de leur citoyenneté. C'est enfin au nom de l'islam que les libertés individuelles et collectives sont brimées et muselées et que le terrorisme a provoqué une tragédie nationale.
C'est dans ce contexte qu'il faut situer les propos d'Adonis dont la finalité tend à préserver la religion de toute forme de manipulation parce que tout texte, religieux ou profane, est ouvert à toutes les lectures, à toutes les interprétations.
En tant que penseur, Adonis a proposé un débat de fond sur les sociétés musulmanes dans un contexte complexe qui ne peut s'accommoder d'approches sentimentales, encore moins chimériques.
La réaction paranoïaque provoquée par les propos d'Adonis n'est pas nouvelle. Elle a toujours été l'unique réponse faite d'anathèmes et de prêches lapidaires à chaque fois qu'un intellectuel met les sociétés musulmanes face à un miroir qui leur renvoie leur vraie image sans complaisance.
Adonis, cette mythologie évocatrice de la mort et de la renaissance, reflète pourtant la réalité des sociétés dont parle le poète syrien. A moins que l'inertie semble être plus confortable que la dynamique douloureuse d'une mutation profonde et d'un séisme salvateur.
A. G.


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