La venue en Algérie, la première du genre, du plus grand poète arabe encore en vie, Adonis, est un événement. Hier soir à la Bibliothèque nationale (BN) à Alger, le romancier Amine Zaoui, directeur de l'institution, n'a pas eu tous les mots pour saluer la présence de ce penseur et polémiste syrien et a estimé que cela permet de remettre l'Algérie sur « les devants de la scène culturelle et intellectuelle arabe ». « Adonis, ce poète différent, celui qui n'est pas d'accord même avec lui-même. Ce faiseur de grands adversaires, d'ennemis. Ceux-là, après l'avoir provoqué le soir, cherchent à se réconcilier avec lui le jour. Il est comme les prophètes qui subissent toutes les épreuves et en sortent toujours grandis », a témoigné Amine Zaoui. « Ne le croyez pas, il a parlé avec son cœur pas avec son esprit », a réagi avec philosophie, Adonis, 78 ans, suscitant les applaudissements de la salle. Une salle remplie. Adonis, qui vient de publier au Liban, où il vit, un recueil de poèmes, Un Papetier vend des livres d'astres, a présenté une conférence sur l'idée du refus : « Vers une résistance radicale et globale » dans le monde arabe. Disant respecter le fait religieux comme « une conviction individuelle », il a plaidé pour une laïcité qui ouvre la voie à l'émancipation et à la démocratisation des sociétés arabes. Des sociétés, qui, d'après lui, sont otages de systèmes oppressifs nés des mouvements anti-coloniaux et qui tirent leur sève de la religion. « Je suis contre tout Etat bâti sur la religion. J'entends dire la religion en tant que système qui arrache à l'individu son identité », a-t-il expliqué. Il s'est attaqué aux intellectuels arabes qui, selon lui, ont joué le jeu des régimes en place en remettant en cause le lien solide entre Etat et religion. A la fin de la conférence, la Bibliothèque nationale a remis à Adonis une distinction ; son amie de longue date, Djamila Bouhired, s'est fait un plaisir de la lui offrir au milieu de youyous.