De notre envoyé spécial à Ghardaïa Samir Azzoug «Nous sommes à la croisée des chemins. C'est un moment crucial qui va déterminer notre avenir», décrète M. Ouachine Ahmed, éleveur de bétail, exploitant agricole et président de l'Association des producteurs de lait de la wilaya de Ghardaïa. Rencontré sur les lieux de son exploitation, une vingtaine de jours après les inondations, il nous invite à faire le tour du propriétaire. Quatre frères se partagent 6 hectares de terres (1,5 ha par personne). A vue d'œil, la crue a causé beaucoup de dégâts à l'exploitation. Les oliviers qui produisaient 1 quintal par arbre, les palmiers et d'autres produits agricoles ont été endommagés. «Ces dates ne peuvent pas être vendues à la consommation. Elles serviront tout au plus à l'alimentation du bétail», déplore M. Ouachine. Mais le gros des pertes est enregistré au niveau de l'étable. «Avant la catastrophe, on possédait une quarantaine de vaches, dont 28 laitières, des montbéliardes, des frisonnes et des pies noires qui produisaient quotidiennement 400 litres de lait. Et la perte de cheptel, composé de 113 têtes, entre chèvres et brebis, dont la récolte journalière avoisinait les 100 litres. En tout, la collecte totale opérée à notre niveau représentait 500 litres de lait/j». Située dans une zone inondable, l'exploitation a subi de plein fouet la furie de l'oued Mzab. «La hauteur de l'eau à atteint 1m60 à certains endroits et plus de 2m à l'intérieur de l'étable. Si les bovins ont la capacité de nager comme les chevaux, on déplore tout de même la perte d'une vache et de plusieurs autres bêtes, dont deux veaux nés il y a seulement quelques jours. Dans l'impossibilité d'accéder au site, les animaux ayant survécu ont dû rester dans l'eau pendant trois jours», poursuit-il. Cette situation a fait que même les animaux qui ont résisté à l'humidité et au froid, ne produisent plus de lait. «Parce qu'elles n'ont pas été traites pendant ces trois jours, toutes les vaches laitières ont contracté une mammite [maladie affectant les mamelles, ndlr], donc vouées à l'abattage. C'est une perte importante. Achetée entre 18 et 20 millions de centimes, la génisse sera vendue à moins de 10 millions», déplore l'éleveur. En plus de ces préjudices, il faut ajouter les dégâts occasionnés aux matériels. Des réfrigérateurs aux instruments de collecte en passant par le groupe électrogène, tout a été endommagé par la crue. Le cas de M. Ouachine n'est qu'un exemple parmi les 3 093 agriculteurs et éleveurs sinistrés recensés par le ministère de l'Agriculture et du Développement rural suite aux inondations de Ghardaïa. Après une enquête sur le terrain, réalisée par 16 brigades de la direction des services agricoles de la wilaya, plus de 58 000 arbres fruitiers, plus de 19 000 palmiers dattiers, 15 000 têtes de bétail et 15 bâtiments avicoles ont été recensés comme pertes parmi d'autres dégâts matériels. Des dommages estimés à 850 millions de DA. En réponse, le ministère de l'Agriculture a pris une série de mesures à court, moyen et long terme et dégagé une enveloppe de 500 millions de dinars pour la réactivation de l'activité agricole et d'élevage dans les neuf communes déclarées sinistrées. Mais M. Ouachine s'impatiente. «Nous avons besoin d'un premier secours qui consiste en une aide financière, ne serait-ce que pour rétribuer les travailleurs et réparer le matériel endommagé», déclare-t-il. S'agissant de la souscription d'une assurance, l'éleveur explique que du fait que la zone est déclarée inondable, «on a souscrit une assurance agricole, mais le contrat ne prévoit pas la prise en charge du bétail et de l'étable. Il n'existe pas d'assurance pour les veaux», poursuit-il. Pour l'heure, et comme mesure d'urgence, l'agriculteur et éleveur demande une aide financière rapide de l'Etat et dans l'avenir, bénéficier d'une autre parcelle de terrain en remplacement de son exploitation qui se trouve dans une zone inondable.