Photo : Riad De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati
À bord des petits fourgons desservant la Nouvelle-ville à partir du centre-ville, les fortes lumières du quartier et le grand nombre de personnes qui y circulent attirent l'attention des passants. Ce quartier de la Nouvelle-ville de Tizi Ouzou s'appelle «Les 600» et il connaît des soirées ramadanesques très mouvementées. Grâce à la disponibilité et la débrouillardise des membres du comité de ce quartier, situé à côté du fleuriste de la Nouvelle-ville. D'ailleurs, c'est la mobilisation de ce quartier qui empêche pour l'instant l'occupation de certaines poches foncières par certains «mafieux» qui les convoitent depuis quelques années déjà. Selon l'un d'eux, certaines poches ont été attribuées et la pression sur les membres de ce comité reste énorme, surtout qu'ils s'opposent même à ceux qui ont bénéficié de ces attributions.Ici, un grand trottoir est squatté par un cafetier qui y a placé plusieurs tables et chaises pour les clients toujours aussi nombreux en ces soirées ramadanesques. Cette pratique, même illégale, est tolérée durant le mois de ramadhan pour la forte affluence que connaissent les cafés maures mais aussi parce que cela ne cause pas beaucoup de désagréments aux passants qui ont fini par s'y faire. Donc, des dizaines de tables sur les trottoirs et elles sont toutes occupées avant 21 heures. Et sur chaque table, on trouve soit une boîte de dominos, soit un jeu de cartes. Il faut dire que la fraîcheur de l'extérieur attire plus les clients que les boissons et autres gâteaux proposés, et même les jeux de cartes et de dominos.
Des dizaines de tables sur les trottoirs À côté, il y a un petit terrain de quartier baptisé au nom du défunt Kamel Aouis qui fait partie de la génération ayant fait les beaux jours de la JSK dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Utilisé habituellement pour des matchs de football ou même d'autres sports, le petit stade sert en ces soirées ramadanesques pour de nombreuses autres activités. La veille, une soirée DJ avec une animation d'un comédien très connu et apprécié sur la scène locale, Saïd Kellas a permis à des centaines de femmes et enfants de passer une agréable soirée. «Pour éviter les embêtements, seules les femmes ont accès au terrain et les hommes sont invités gentiment à rester à l'extérieur et même quand ils viennent en couple», affirme un jeune membre du comité de quartier, très impliqué dans l'organisation des soirées.
DJ, animation et observation astronomique Sid Ali Zemirli, le directeur de l'Office des établissements de jeunes (Odej) de la wilaya de Tizi Ouzou, qui occupait une table, fera part de la décision de son institution de mettre à la disposition, du quartier des «600», un télescope pour une soirée consacrée à l'observation astronomique. C'est prévu pour le lendemain soir et «tout le monde aura droit de jeter un coup d'œil dans l'espace, pas seulement les enfants», précise-t-il. En notre présence, le jeune membre du comité reçoit la visite d'un citoyen venu prendre l'autorisation d'occuper le terrain Kamel Aouis pour un tournoi de pétanque. Le jeune homme acquiesce sans hésiter.
Les femmes ne pressent pas le pas Entre-temps, cette rue qui relie le fleuriste à la cité Mohamed-Boudiaf connait une fréquentation de plus en plus accrue. Des familles, des jeunes femmes et des jeunes font des promenades. Les gens prennent tout leur temps, même si les tables de la cafétéria occupent les trottoirs des deux côtés de la rue. Autre temps, autres mœurs, les femmes passent sans gêne et sans presser le pas. L'une des belles façons trouvées par la gent féminine de donner un coup de pied aux fesses d'une société encore archaïque et des barbus toujours aussi allergiques à la beauté féminine.En marchant dans ces lieux vers la cité Mohamed-Boudiaf (les 2 000 logements), la lumière baisse d'intensité. Ce qui démontre que la forte lumière des 600 logements n'émane pas des autorités locales mais des habitants eux-mêmes et des commerçants. Mais une fois à l'intérieur de la cité Boudiaf, l'éclairage «reprend des forces» à la faveur de la présence en masse de familles sorties s'aérer un peu et fuir la chaleur suffocante qui règne dans les appartements. Une balade féminine en groupe ou en duo, des attroupements de femmes qui papotent ou des familles qui font la queue devant un marchand de glaces. C'est un quartier animé où les femmes sont majoritaires. Pour une fois. Cela n'empêche cependant pas la présence de quelques jeunes venus se rincer les yeux devant tant de belles femmes qui déambulent.
Il n'y a pas de place pour les barbus C'est la sortie des mosquées et celle de la Nouvelle-ville a commencé à «déverser» ses fidèles à la fin de la prière des tarawih. Ceux qui passent par le lieu d'attroupement des femmes pressent le pas. Eux qui considèrent la femme comme une «fitna» ne peuvent faire autrement que de baisser la tête et quitter vite les lieux. Il faut dire que le lieu en question n'est pas du tout compatible avec les kamis et les longues barbes. Les mini-jupes et les pantalons serrés sont beaucoup plus nombreux que leurs accoutrements. Il n'y a pas de place pour les barbus, à l'exception de deux vendeurs de fruits secs (cacahuètes, noix de cajou, amandes…) et de gâteaux et autres boissons fraîches.À quelques mètres de là, un café maure dont l'accès était, l'année dernière, du côté de la rue Beggaz, a trouvé une astuce pour gagner les clients de l'autre côté de la rue, à l'intérieur de la cité. Il a tout simplement réalisé un accès d'où il propose toutes sortes de boissons fraîches et surtout de la crème glacée et du sorbet, des produits très prisés durant la saison estivale. Et il ne va pas le regretter, vu l'affluence que son commerce enregistre en ces soirées de Ramadhan. Des soirées étouffantes vu la chaleur mais aussi l'humidité qui vient du grand barrage de Taksebt, changeant complètement le climat de la région. Donc, il n'est pas question pour les femmes du quartier de rester à la maison.
Leur choix est fait À deux endroits différents, des femmes âgées se retrouvent et discutent de tout et de rien. Assises sur le bord d'un trottoir ou sur des petites chaises apportées de la maison, elles s'offrent leur «halaka» comme au bon vieux temps. Quand elles se retrouvaient dans leurs villages respectifs. Des scènes qui ne peuvent être belles sans la présence de toutes ces femmes, jeunes et âgées, que des énergumènes veulent bien cloîtrer entre quatre murs. Ils peuvent toujours rêver, les femmes et leurs familles de la Nouvelle-ville de Tizi Ouzou ont déjà fait leur choix. Et il est visible chaque soir dans le quartier et dans différents quartiers de la ville.