Cela fait un an qu'Alassane Ouattara est au pouvoir en Côte d'Ivoire, mais l'amélioration de la situation sécuritaire et la stabilité politique tant promises à coups de discours répétés ne sont pas véritablement là. Dans la capitale, Abidjan ou ailleurs, les Ivoiriens sont inquiets. Des meurtres et des agressions ciblés sont signalés par-ci par-là, notamment dans les endroits où les milices ne sont toujours pas désarmées et où les armes légères circulent sans le moindre contrôle. Arrivé au pouvoir après trois mois d'affrontements armés qui ont fait plus de 3 000 morts en trois mois (décembre 2010-février 2011), Alassane Ouattara s'était engagé à être le président de tous les Ivoiriens, y compris celui des pro-Gbagbo, l'ancien président rival aujourd'hui aux mains des juges de la Cour pénale, internationale, de La Haye pour «crimes de guerres» et «crimes contre l'Humanité». M. Ouattara avait ouvert, dès son installation, la «porte du pardon» aux militants pro-Gbagbo et prié ses propres partisans de cesser tout affrontement armé. La Côte d'Ivoire est une et indivisible, selon lui. Il n'y avait plus de place pour la haine et la vengeance mais pour le travail et le développement économique et social de ce pays de l'Afrique de l'Ouest. Des réformes d'envergure avaient été engagées, dont le désarmement de toutes les milices et la lutte contre la circulation des armes, tous types confondus. Cela n'est malheureusement pas encore le cas. Des tensions sont perceptibles partout et les actes de représailles envers les opposants d'Alassane Ouattara sont devenus monnaie courante. L'arrestation de Laurent Gbagbo et son transfert vers une juridiction internationale, avec la complicité sournoise de certaines puissances occidentales, était un avant-goût de ce qu'allait être la riposte d'Alassane Ouattara au lendemain de son accession au trône. Aujourd'hui, les événements sont encore là pour prouver cette volonté de se venger de son ancien rival et de tous ceux qui lui ont fermé la route pendant des années pour l'empêcher de réaliser son rêve, c'est-à-dire devenir le président de la République de Côte d'Ivoire. A la veille de la comparution de Laurent Gbagbo, pour une première audience devant les juges de la CPI, la tension est montée d'un cran en Côte d'Ivoire. Des attaques armées dans la capitale ivoirienne, non encore revendiquées, ont visé des éléments des forces de sécurité et des dépôts d'armes et de munitions. D'autres violences ont été signalées dans d'autres villes ivoiriennes, œuvres des milices pro-Ouattara qui ont ciblé des camps de déplacés dans l'ouest du pays. Les proches de M. Ouattara veulent faire endosser la responsabilité des attaques d'Abidjan aux milices proches de l'ancien président, qu'ils accusent de chercher à se venger. La presse pro-gouvernementale est là pour relayer la thèse officielle pour justifier la multiplication des arrestations visant les militants de l'opposition dans une tentative de les faire taire et les écarter de la vie politique du pays, en prévision des futures échéances électorales. Parallèlement à la propagande officielle, le parti de l'ex-président subit de plein fouet les actes de représailles des proches de l'actuel chef de l'Etat qui a pourtant le devoir de protéger la liberté de tout un chacun dans ce pays de l'Afrique de l'Ouest où l'instabilité politique empêche les pays de la sous-région de poursuivre le processus de développement économique, démocratique et social. Dernière démonstration de force donc des pro-Ouattara, l'attaque qui a pris pour cible le siège du Front populaire ivoirien (FPI) de l'ex-président Laurent Gbagbo, le 18 août. Cette attaque qui n'est pas la première du genre contre le FPI a été suivie, le week-end dernier, par une autre qui a visé, cette fois-ci, les locaux du groupe de presse du journal Le temps, connu pour être proche du FPI. Les locaux du groupe de presse ont été saccagés et incendiés par des inconnus « lourdement armés », selon des informations concordantes. Mais tous les soupçons convergent vers les proches d'Alassane Ouattara. Quel groupe d'homme lourdement armé et qui aura besoin d'emporter le matériel informatique contenant des données précieuses, a intérêt à s'attaquer à un groupe de journaux qui constituent une voix pour l'opposition et pour dénoncer les éventuels dépassements de l'actuel dirigeant et de son clan ? Quelles motivations à s'attaquer à une parti vaincu par la force des urnes et des armes lors de la dernière élection présidentielle et qui relève difficilement la tête aujourd'hui si ce n'est la soif de vengeance ? Mais tout cela semble n'être que le début d'une nouvelle crise entre le clan de l'actuel président et les pro-Gbagbo qui alertent quotidiennement contre les actes de vengeance dont ils sont victimes. L. M.