Finalement, Cassandres, cartomanciens et autres lecteurs dans le marc de café maure politique en auront eu pour leur frais. Il n'y aura pas de vice-président de la République, le mandat présidentiel ne sera pas porté à sept ans et le Premier ministre sera toujours responsable devant le Parlement. C'est l'esprit et la lettre de la révision constitutionnelle partielle adoptée hier par le Conseil des ministres avant avis du Conseil constitutionnel. Les modifications proposées, qui seront soumises à l'adoption par le Parlement, réuni en congrès le 12 novembre prochain selon toute vraisemblance, portent également sur trois points qui relèvent de l'ordre des symboles. Il s'agit d'inscrire dans le marbre constitutionnel la «protection» des symboles de la Révolution du premier novembre 1954, de promouvoir l'écriture et l'enseignement de l'histoire immémoriale du peuple algérien et, d'autre part, d'assurer, autrement que par la seule force du volontarisme politique, la promotion des droits politiques des femmes. Enfin, de préciser le profil de poste du premier d'entre les ministres, de clarifier ses rapports au chef de l'Etat, de définir sa feuille de route politique et sa responsabilité subséquente devant la représentation politique nationale. C'est désormais clair, l'actuel chef du gouvernement deviendra un Premier ministre qui n'aura plus à présenter un programme politique, le sien, mais plutôt un programme d'action inspiré du programme politique du chef de l'Etat qui le nomme et le destitue. Ce qui ne l'empêcherait pas pour autant de présenter devant la représentation nationale ce programme d'action, qui sera la concrétisation de la feuille de route politique fixée par le chef de l'Etat. Le chef du gouvernement deviendra donc un Premier ministre, super coordonnateur de l'action gouvernementale. Par ailleurs, première bonne nouvelle : les symboles de la glorieuse Révolution d'émancipation de novembre 1954, valeurs immuables, seront désormais ceux de l'Etat républicain en construction. Nul ne pourra plus les instrumentaliser ou les manipuler à quelque fin que ce soit. A ce noble propos, «Qassaman», l'hymne national, qui fait partie du bien commun, au même titre que le drapeau, sera sacralisé dans son intégralité. C'est-à-dire, et cela met fin à de sempiternelles et vaines polémiques de boutiquiers, l'hymne national sera consacré dans son intégralité, c'est-à-dire avec le couplet relatif à l'ancienne puissance coloniale. On se souvient que cette strophe de l'hymne cher à Moufdi Zakaria aurait pu passer dans les catacombes de l'histoire du fait de lobbyistes qui s'émouvaient de son caractère guerrier et martial, jugé par trop sévère, c'est un euphémisme, à l'endroit de l'ancienne puissance coloniale. Pas plus que la France qui n'a pas changé le moindre mot de la très belliqueuse Marseillaise, l'Algérie n'aura donc pas à modifier son hymne national pour le sacrifier sur l'autel de quelque réalisme politique… De «Qassaman», le pas est vite franchi vers l'histoire avec un grand H et son écriture. Si l'Etat n'a pas pour vocation de devenir lui-même historien, il n'a pas non plus pour mission constitutionnelle de se substituer à ceux qui, les premiers, ont pour métier d'écrire l'histoire. Seulement, la Constitution algérienne amendée fera de l'Etat un acteur vigilant, en ce sens qu'il veillera à la promotion de l'écriture de l'histoire et, surtout, à son enseignement à des générations d'Algériens, en mal de repères, et qui ont perdu ce lien sacré avec la mémoire multiséculaire du peuple. Enfin, et en attendant une future réforme constitutionnelle plus conséquente qui fera basculer l'Algérie dans la modernité démocratique, la Constitution amendée prochainement consacrera par le fait constitutionnel les droits politiques de la minorité visible, politiquement minorisée, celle des femmes. Désormais, la présence des femmes au sein des instances élues sera plus importante et les partis politiques seront sans doute sommés de leur réserver des quotas, à défaut de parvenir à une chimérique parité politique. Cerise sur le gâteau constitutionnel, le mandat présidentiel ne sera pas amené à sept ans mais sera renouvelable, selon le principe démocratique absolu que la souveraineté du peuple, la seule qui compte, ne saurait être plafonnée et limitée par l'arithmétique. Le mandat présidentiel sera donc d'une durée de cinq ans, et sera illimité, si le peuple devait en décider ainsi. N. K.