De notre correspondant à Oran Mohamed Ouanezar à l'image des autres contrées de renommée dans l'histoire de l'humanité, Oran a été victime de sa situation géostratégique et de ses richesses intarissables. Tous les colonisateurs qui se sont succédé dans la région ont eu, pratiquement, les mêmes réflexes et les mêmes actions. Depuis l'an 900 avant J.-C., toutes les civilisations qui ont convoité Oran ont entrepris de réaliser des fortifications, des statues, des murailles, des donjons et autres témoignant de leur puissance ou tout simplement de leur passage. Chaque colonisateur néglige, voire détruit, tout ce qui ne correspond pas à sa culture, à sa civilisation et à ses convictions religieuses ainsi que tout ce qui ne reflète pas son autorité et défie sa puissance. C'est ainsi que des bâtisses ont été réalisées sur des ruines et des vestiges alors que d'autres ont été carrément abandonnées à leur sort. De ce fait, Oran s'est retrouvée amputée d'une bonne partie de sa mémoire et de ses plus beaux joyaux historiques et architecturaux. C'est le cas des vestiges et des traces du passage des Mérinides qui ont complètement disparu de l'espace de la ville. Les sites carthaginois qui surplombaient les falaises de cap Blanc à Madagh ont également disparu pour des raisons liées essentiellement à leur abandon. L'exemple de l'édification du château du Bey à côté de celui de Rosalcazar est significatif du mépris et de la déconsidération témoignés par les Ottomans aux autres civilisations. S'il est vrai qu'Oran a été régulièrement décimée par des tremblements de terre, comme celui de 1790, qui a endommagé une bonne partie des ouvrages historiques, les colonisateurs n'avaient pas, eux non plus, cru bon de réhabiliter ces monuments pour des raisons subjectives, bien évidemment. Les Espagnols sont assurément ceux qui ont édifié le plus grand nombre d'ouvrages à Oran du fait d'une présence récurrente depuis la chute de Grenade en 1492. On retrouve, actuellement, plusieurs ouvrages dans un état lamentable du fait d'un délaissement criminel de plusieurs siècles. C'est le cas des édifices comme Santa Cruz, Saint André, Santa Barbara, San Fernando, Rozalcazar, San Felipe, San Gregorio, Santiago, Torre Gorda, San José, Naciemento, Santa Tereza, etc. Concernant les objets d'art et préhistoriques que possédait la ville, il faut souligner la razzia organisée qui a visé les anciens musées et autres lieux saints d'Oran. C'est le cas des objets troglodytes retrouvés dans une grotte dans la région de Misserghin entre 1880 et 1890, dont une hache de guerre en pierre polie, une pointe de flèche taillée, des objets de poterie avec des traits ornés de cordons en saillie, des parures en coquille… Tous ces objets, et bien d'autres encore, ont disparu de nos musées. Signalons la découverte dans cette même grotte de deux crânes dolichocéphales et de peintures rupestres représentant des rhinocéros et des antilopes. Les vestiges datent de l'époque néolithique. Que reste-t-il également des fouilles entreprises à Mers El Kébir et qui ont mis au jour des trésors considérables dont des pièces d'or d'origine castillane datant de 1250 ? Que reste-t-il des ports de cabotage Portus Divini d'Oran et de Mers El Kébir qui figuraient sur toutes les cartes maritimes de l'époque, ou encore le fameux Portus Magnus de Béthioua ?. Des édifices carthaginois, construits trois siècles avant l'ère chrétienne, ont tout simplement disparu de la carte de la région. Cela sans compter les fameuses toiles d'Etienne Dinet et autres sculptures subtilisées par des administrateurs de musée et des officiers militaires du temps de la colonisation française. L'exemple le plus frappant fut, sans doute, celui du rapatriement à Nîmes, en France, en 1965, de la statue de la Vierge, par la marine française. Autant de vols, de destructions et de méfaits qui s'ajoutent au compte de la France coloniale, déjà lourd de tortures, assassinats, viols et massacres commis durant un siècle et demi d'occupation.