Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad
L'été 2012 entrera dans la sombre histoire récente de la région de Kabylie par l'ampleur et la particularité des incendies criminels qui ont ravagé des milliers d'hectares de couvert végétal et emporté du coup des milliers d'arbres fruitiers, millénaires, ressources de la vie économique locale et raison de vivre de dizaines de milliers de familles autochtones. Durant cette semaine seulement, du 5 au 12 août dernier, environ 1 570 hectares de couvert végétal sont transformés en cendre dans 89 incendies recensés dans la wilaya de Tizi-Ouzou, selon la Conservation régionale des forêts. Les forets viennent en tête avec 923 hectares détruits, les maquis avec 179 hectares et les broussailles avec 336 hectares. Pour les espèces arboricoles, l'olivier et le figuier surtout, on a enregistré, pendant ce même laps de temps, 134 hectares partis en fumée. La même source indiquait plus globalement que la wilaya de Tizi-Ouzou a enregistré, du 1er juin au 31 août, quelque 368 foyers d'incendie qui ont emporté 6 726 hectares de couvert végétal dont 687 hectares d'arbres fruitiers (445 hectares pour les oliveraies). Pour les bilans financiers, et lors d'une session organisée la semaine dernière, les élus de l'APW de Tizi-Ouzou ont estimé à 78 milliards de centimes les dégâts faits par le feu à Tizi-Ouzou alors que des élus de partis dits d'opposition et même le wali n'ont pas daigné se présenter à l'assemblée pour débattre de la question qui a tenu en haleine toute la région de Kabylie pendant tout l'été. Durant tout l'été, il faudra souligner que la population locale a été presque seule à affronter les incendies qui ont menacé sa récolte saisonnière et ses vergers et, dans des dizaines de cas, les habitations avec des moyens matériels et humains jugés rudimentaires des services concernés et l'absence de prévention du côté des autorités. Dans certaines localités les plus touchées, les victimes sont sorties dans la rue manifester leur colère comme c'est le cas dans la commune d'Aït Yahia Moussa, à l'extrême sud deTizi-Ouzou, qui a connu en quatre ans des incendies criminels d'une rare violence et soupçonnés être déclenchés volontairement, touchant essentiellement les cultures ancestrales, locales telle la récolte des oliviers. Dans cette zone déshéritée, abandonnée économiquement par les pouvoirs publics depuis des décennies, des propriétaires d'oliveraies se sont attaqué à la caserne locale de l'armée, l'accusant d'être derrière les incendies répétitifs qui rétrécissent d'année en année leurs vergers, seule source de revenus. La population est d'autant plus touchée qu'elle se sent la cible d'un plan de destruction de ses ressources déjà mises à mal en 2008 par des pyromanes d'une vile espèce sans compter l'insécurité générée par les actes de terrorisme et l'absence de politique d'investissement. Un topo qu'on peut coller facilement à toute la région de Kabylie. L'olivier et le figuier ne sont pas les seules victimes de ces feux ravageurs. Des centaines d'agriculteurs ont vu leurs ruches d'abeilles carbonisées par les flammes après avoir survécu aux intempéries de février dernier. Des centaines d'autres arbres fruitiers, des milliers de bottes de foin et des élevages bovins et ovins ont été irrémédiablement consumés par les incendies, alors que les indemnisations promises par les responsables ne viennent pas et passent pour être une manière vicieuse de calmer la grogne des victimes. Cela dit, on estime à 4 825 hectares de couvert végétal consumés par le feu d'origine principalement humaine depuis le début de l'été dans la wilaya de Tizi-Ouzou dont plus de 40 000 arbres fruitiers (on en compte environ 36 000 oliviers). De l'avis même de responsables de secteurs concernés, l'année 2012 aura été exceptionnelle en matière d'incendies estimés à environ 5 fois plus que les années précédentes. Une véritable catastrophe environnementale et économique ! Qui pourrait imaginer et reconnaîstre la Kabylie sans l'olivier ?