Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali
Même s'il soutient que son évaluation financière est difficile à déterminer, le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE) n'en estime pas moins l'impact de l'informel sur l'économie nationale : Entre 30% et 70% selon les secteurs d'activités qui embrassent aujourd'hui aussi bien les textiles que les chaussures, les pièces de rechange pour automobiles, les médicaments ou encore les équipements informatiques. Soit des milliards de dinars qui échappent au Trésor public parce que des opérateurs privés «oublient» de s'acquitter de la fiscalité ou de déclarer des salaires et payer les charges y afférentes. C'est, en tout cas, ce qu'il a déclaré cette semaine sur les ondes de la Radio nationale en appelant à relancer de toute urgence la production nationale pour diminuer les importations effrénées de diverses marchandises, y compris celles qui sont de qualité douteuse et provenant de pays plus ou moins douteux. Il y a quelque temps pourtant, le FCE évaluait à la part du secteur informel à environ 600 milliards de dinars ces trois dernières années (soit 17% de l'ensemble des revenus primaires nets des ménages algériens) alors que les pouvoirs publics avançaient un «petit» 155 milliards de dinars comme étant le montant des transactions opérées sur le marché informel. D'autres estimations ont été livrées ces cinq dernières années par de nombreuses autres sources proches du dossier : 55 milliards de dinars annuellement générés par 450 marchés informels animés par plus de 90 000 intervenants sur le territoire national, selon la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (Caci) ; 200 milliards de dinars d'après l'Ugcaa qui précise que 80% des transactions commerciales se font sans facturation et que près de 900 000 sur les 1,2 million commerçants inscrits au Centre nationaldu registre de commerce ne payent pas leurs cotisations. De son côté, la Banque d'Algérie a récemment indiqué par la voix d'un de ses conseillérs que le marché parallèle de la devise étrangère (environ 2,5 milliards d'euros) avait été sérieusement boosté par la demande d'Algériens désireux acquérir des biens immobiliers et autres actifs dans des pays étrangers mais sans se soumettre à la règlementation des changes qui prévoit une autorisation du Conseil de la monnaie et du crédit. Ce qui induit une importante fuite de capitaux que souligne également l'accroissement des billets sur les marchés au détriment du chèque dont l'usage permettrait une traçabilité des transactions économiques. Malgré tout, tous ces chiffres ne sont qu'estimations plus ou moins pertinentes, plus ou moins approximatives de la réalité, mais il est évident que les répercussions réelles de la sphère informelle sur l'économie nationale restent, pour une grande part, encore méconnues tant le phénomène échappe à toute traçabilité. Pour en évaluer le poids, il faut recourir à des méthodes laborieuses et pointues (méthodes d'évaluation directe, modèles macro-économiques, méthodes fondées sur la consommation d'électricité,...) et souvent, constatent les économistes, les résultats sont contestés. Ce qui est certain, en revanche, est que l'informel - qui, par la force des choses, s'est durablement imposé dans la société - se nourrit de l'incapacité de la production nationale à répondre aux besoins des consommateurs et de l'inaptitude de l'Etat à faire barrage aux barons de l'importation et à structurer le marché local y compris, comme le préconise le président du FCE, Réda Hamiani, en mettant en place une stratégie d'attraction des opérateurs de l'informel afin qu'il rejoignent la légalité.