Le commerce informel, toléré depuis la fin des années 1980 par les gouvernements successifs, a fini par irriter les populations elles-mêmes. Au début, les jeunes «trabendistes» offraient, en petites quantités, des produits exotiques (Cigarettes étrangères, cosmétiques, jeans et chaussures de sport) ramenés d'Europe dans des bagages de passagers. L'indifférence des pouvoirs publics encouragea la constitution d'une énorme contrebande qui approvisionne les petits camelots en articles de toutes sortes (Tabacs ; prêt-à-porter ; détergents ; denrées alimentaires, conditionnés ; fournitures scolaires ; appareils électroniques ; téléphones portables) l'éventail des produits proposés s'est progressivement élargi à toutes les sphères du commerce. Squattant placettes et jardins publics, trottoirs et aires mitoyennes aux cités d'habitation, des milliers de jeunes oisifs, appâtés par le gain facile, s'engouffrent dans la brèche. Le silence des autorités les incita, ensuite, à ériger des baraques de fortune un peu partout. Ces boutiques de bric-à-brac poussent comme des champignons, en investissant même les halls des immeubles d'habitation. Les bandes de cambrioleurs exploitent ces réseaux parallèles pour se débarrasser de leurs butins. Les contrefacteurs et les importateurs véreux se mettent également de la partie pour y écouler, au grand jour, leurs marchandises suspectes. Malgré leurs multiples protestations, les commerçants légaux, organisés au sein de l'Ugcaa, n'ont pas réussi à changer en quoi que ce soit cette regrettable situation. Au fil du temps, l'extension permanente de ces marchés clandestins exerce une terrible pression dans les cités et les quartiers populaires : trafics de drogue, débauche, vols, agressions, tapage nocturne et atteintes à la pudeur. Grâce à l'argent sale, les gros bonnets de ce marché noir se sont entretemps lancés dans la politique et le sport en pervertissant toutes les bonnes valeurs de la société. Exaspérés par l'immobilisme de l'Etat, les citoyens sortent aujourd'hui de leur réserve et investissent partout la rue pour réclamer la fermeture de ces espaces clandestins qui échappent à tout contrôle. Les résidants des grandes cités interpellent directement les pouvoirs publics en organisant des marches et des sit-in de protestation. Il a fallu attendre la nomination du nouveau gouvernement pour voir un début de prise en charge de cet épineux problème. Il est vrai que l'éradication du commerce informel constitue une priorité pour l'instauration d'un véritable Etat de droit. Le cabinet d'Abdelmalek Sellal a visiblement pris conscience de cette vérité. Mais il ne suffit pas de mener une campagne pour venir à bout d'un phénomène ravageur qui perdure depuis au moins 20 ans. Il faut persévérer des années durant pour l'effacer complètement du paysage. Dans ce domaine précis, il y aurait à faire même pour les futurs successeurs de Sellal.