Le commerce informel, qui a extraordinairement foisonné durant la décennie 1990, prend de l'ampleur au point de constituer, selon les experts, un obstacle à l'investissement productif et à la croissance économique hors hydrocarbures. Le marché noir figure, pour ainsi dire, dans l'inventaire des dégâts collatéraux de la crise multidimensionnelle qu'a vécue l'Algérie durant cette période dramatique. Si la crise sécuritaire et l'instabilité politique ont trouvé un remède relativement efficace dans la loi de la Concorde civile et la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, le dérèglement de la sphère économique attend toujours une réponse efficiente. Ce dossier se pose aujourd'hui en urgence pour permettre au pays de consolider les avancées réalisées dans plusieurs domaines. Lutter contre les réseaux de l'informel est une question extrêmement sensible. Cette grosse filière clandestine, qui représente, selon les chiffres officiels, 20 à 30% du marché national, est hiérarchisée en plusieurs strates communicantes à travers des relais bien huilés au fil du temps. Cela va du petit vendeur à la sauvette aux gros bonnets qui importent frauduleusement des containers de produits. Il y a aussi le contrebandier qui troque des bidons d'essence bon marché à la frontière contre des cartouches de cigarettes contrefaites ou des liqueurs frelatées. On trouve également le contrefacteur qui maquille les produits de pacotille pour les revendre sous le label de grandes marques. Pour refiler leur camelote au consommateur, tous ces crocodiles exploitent l'oisiveté des jeunes chômeurs qui improvisent des étals sur les trottoirs et les aires du marché. Les opérateurs légaux crient à l'arnaque. « Plus de la moitié du chiffre d'affaires des activités commerciales échappe ainsi au Trésor public», ne cesse de marteler l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), qui estime le nombre de personne versées dans le marché noir à près de 1,5 million. Pour toutes ces raisons, la lutte contre le secteur informel ne peut se limiter à une simple question de répression des fraudes. C'est beaucoup plus compliqué que cela. Dans sa nouvelle approche pour résorber le commerce anarchique et informel, l'Etat compte agir à la base. Il s'agit, en clair, d'insérer socialement le maillon le plus faible de la chaîne. Il faut «caser» le jeune chômeur qui fait prospérer le bazar. Dans une instruction interministérielle, les pouvoirs publics comptent régulariser progressivement tous les revendeurs ambulants en leur délivrant une autorisation administrative valable deux ans avec une exonération d'impôts. Cela permettrait, dans un premier temps, d'établir un bilan exhaustif sur la réalité du phénomène. Entre-temps, cette «demi-reconnaissance» aiderait les concernés à monter doucement leur petite affaire dans la perspective de se conformer ultérieurement à la loi. Il va sans dire que ces jeunes doivent réellement bénéficier, et en priorité, des avantages que l'Etat avait précédemment mis en œuvre à leur profit comme les 100 locaux par commune, les petits kiosques ainsi que les différents mécanismes d'aide à l'insertion professionnelle des jeunes. Un suivi rigoureux devrait être accordé à cette question pour soustraire ces jeunes en difficulté aux griffes des gros trabendistes et des contrebandiers. Il s'agit d'un grand chantier où tous les partenaires doivent jouer pleinement leur rôle. Car sans situation stable, ces petits revendeurs continueront toujours, à leurs risques et périls, à servir de relais aux gros barons de l'informel. K. A.