Photo : S. Zoheïr De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi «Les infections nosocomiales ne sont pas une fatalité, mais sont inévitables. C'est une réalité que personne ne peut nier. Malheureusement, le malade en paye un lourd tribu», nous confie un spécialiste en hygiène hospitalière et de tempérer : «Il suffit de connaître la courroie de transmission de ces infections pour pouvoir minimiser les dégâts». Toutefois, la détection du germe appelle à bon nombre de mesures en cas de déclenchement du processus et la prévention demeure le cheval de bataille des services sanitaires. «Au moins deux axes sont prépondérants pour prévenir la moindre infection», nous apprennent des sources du CHU de Constantine. Il s'agit en premier lieu d'informer, de sensibiliser et, surtout, de former le personnel soignant (médecins et paramédicaux). Dans ce contexte, les responsables de l'hôpital de Constantine estiment avoir «formé un personnel en mesure d'identifier et de signaler la présence de la moindre infection». Pour ce faire, des pratiques simples s'imposent, comme l'hygiène des mains, ce qui pourrait contribuer grandement à écarter, dans un premier temps, la transmission manu-portée. Depuis un certain temps, il a été procédé à une réorganisation des pratiques médicales au CHU de Constantine se traduisant par la mise en place de containers à aiguilles ou encore la responsabilisation du personnel médical. Le tri des déchets infectieux joue également son rôle. Ajoutez à cela l'usage unique du matériel, ce qui évitera des infections. Cela dit, il faudra avoir recours au maximum à la stérilisation continue d'un seul outil de soin, car cela s'avère un moyen efficace en vue de faire baisser le taux d'infection causée par des instruments médicaux. D'ailleurs, c'est pourquoi aujourd'hui il est souvent question d'«infection liée aux actes de soin». Des procédures invasives (sonde urinaire, intervention chirurgicale, antibiothérapie de longue durée) et un autre mécanisme utilisé en réanimation (ventilation) constituent, aux côtés des hypotrophiques prématurés, dont le poids est inférieur à 2 500 grammes, et le service des brûlés, la source principale du «la nosocomiale». A cet effet, tout un arsenal est mis en place dans le cadre de l'investigation. Celle-ci se fait sur appel. «C'est à la demande du personnel formé pour chaque service de l'hôpital que nous procédons à la recherche d'une présence de germes. Le laboratoire de microbiologie détient un rôle important dans ce processus et participe de façon directe à la signalisation de ‘'germes'' récurrents .C'est de la microbio- vigilance», estime-t-on. Dès lors, la première mesure à prendre est l'isolement des malades atteints de cette infection afin d'éviter sa propagation et la détermination de la période de son déclenchement et de des facteurs déclenchants. Une fois le germe identifié, on arrive à préciser le mode de transmission (air, eau, mains, alimentation, surfaces). Cependant, l'existence de plusieurs services nous amène à chercher le point commun entre les différents sites d'infection. Par ailleurs, des audits définissent l'outil de mesure qui permet de jauger «l'observance des bonnes pratiques». Deux types d'audit se font régulièrement au CHU de Constantine. «Soit de pratiques soit de moyens. En s'articulant sur des questionnaires conformément anonymes du corps des praticiens, on pourra déterminer la cause d'une éventuelle épidémie», rapporte une source hospitalière sûre qui témoigne que «ce ne sont pas des tonnes d'antibiotiques qui vont éliminer les infections nosocomiales, mais c'est le comportement de l'individu qui apporte une touche réductrice au nombre de microbes errant dans les différents services de l'hôpital…» Il frôlait les 19% en 2006 : le taux de prévalence doit être réduit… Le CHU de Constantine mène depuis quelques années une lutte pluridisciplinaire contre les infections nosocomiales. Il compte réorganiser ses services dans un futur proche en vue de mettre au point un nouveau programme d'attaque contre les sites infectieux cités plus haut. Le comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) et l'unité d'hygiène de l'hôpital, menés par des médecins chefs sont au chevet du «baromètre infectieux».Le taux de prévalence réalisé en février 2006 (tous services confondus) a donné lieu à un pourcentage de 18,18%, nous fera savoir le professeur Abdou, qui est aussi directeur des activités pédagogiques et médicales (DAPM). Les services qui totalisaient le plus grand pourcentage sont la réanimation, la chirurgie, la nurserie et le centre des brûlés. Un autre test de paramètre de prévalence devrait s'effectuer en début 2009, atteste notre interlocuteur. La détection du taux d'infection et du type de germes prédominants, une mesure associée à la surveillance systématique d'un probable pic, éviterait aux différents services une «catastrophe infectieuse». Emboîtant le pas à notre premier interlocuteur, M. Abdou estime pour sa part que ce genre d'infections est dû essentiellement à une «action instrumentale». C'est-à-dire l'appareillage. Pour se mettre en conformité, le CHU Ben Badis a engagé depuis quelque temps une batterie de mesures. A commencer par une opération de toilettage non seulement pour un «rafraîchissement», mais aussi pour mettre en conformité les services en adaptant des structures répondant aux normes. La solution hydro alcoolique côtoie le savon liquide, à titre d'exemple, pour une asepsie maximale des mains. Pour le professeur, rien ne doit être négligé en matière de désinfection. L'hygiène occupe un rôle chez les femmes de ménage, lesquelles doivent suivre les consignes du lavement du parterre à la lettre. «Le volet formation constitue la pierre angulaire de la lutte contre les infections nosocomiales», soutient le directeur, ajoutant qu'«une formation de référents en hygiène pour chaque service a été élaborée depuis janvier 2008. Des agents paramédicaux ont été formés à cet effet en suivant un cycle de trois mois.» Toujours dans le sillage de l'hygiène, on apprend que la blanchisserie de l'hôpital devrait être rénovée. Par ailleurs, le même médecin nous révèle la complexité dans la prise en charge du CHU de Constantine dans le cadre de lutte contre ces infections, étant donné son architecture pavillonnaire. «Avec une seule unité monobloc, cela suppose que l'on circonscrirait mieux les éventuelles épidémies.» Il n'empêche que notre objectif reste fixé sur la réduction du taux de prévalence que l'on doit diminuer progressivement. Avec 5% de moins, on serait gagnant. Il est impératif que l'on change de comportement si l'on veut arriver à des seuils d'infection peu élevés. La sensibilisation et la formation restent les meilleurs moyens de lutte. A vrai dire, seul le prochain taux de prévalence des micro-organismes nous renseignera davantage sur les avancées ou non du CHU dans la lutte contre les infections nosocomiales. Une manifestation microbienne qui semble être prise peu en différé dans notre pays. En fait, c'est la pratique médicale qui a «imposé» la présence des germes. Point de médecine sans soins, sans matériel, sans appareillage, donc… point d'éradication des infections nosocomiales. «Celui qui ne fait pas d'infection ne fait pas d'acte médical…» Ainsi vivront les nosocomiales… Faut-il les dominer par la prévention ou bien encore suffit-il de connaître leur chemin de transmission pour les rendre évitables ? Le service épidémiologie : le seul formateur en Algérie Il livrera sa troisième promotion d'ici l'année prochaine. Le service épidémiologie du CHU de Constantine est le seul en Algérie à former des médecins spécialistes en hygiène hospitalière. Il joue le rôle de formateur à l'échelle nationale. Dans cette optique, une convention a été paraphée il y a quelques années entre le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et celui de la Santé. La fin du cursus de deux années est couronnée par un certificat d'études spécialisées en épidémiologie /hygiène CES, approuvé par les deux départements cités, et délivré par la faculté de médecine de Constantine. Notons que la promotion renferme en son sein pas plus d'une trentaine de futurs spécialistes qui devraient préalablement répondre à des critères pour pouvoir espérer cette formation. Adrar, El Kala, Béchar, Oran, Tamanrasset et Illizi, tous les médecins épidémiologistes affectés dans ces régions ont été formés au CHU de Constantine.