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Notre frère Pierre Chaulet ou «Le choix de l'Algérie»
Publié dans La Tribune le 08 - 10 - 2012

Pierre Chaulet vient de nous quitter ce vendredi 5 octobre, date symbolique qui a marqué l'histoire tourmentée de notre pays, et ceci après une pénible maladie contre laquelle il se sera battu avec un courage et une lucidité admirables. Il savait dès le début de la maladie le mal qui le rongeait et se plaisait à dire à ses proches avec une pointe d'humour contrôlée qu'il était né avec la célébration du centenaire de la colonisation (1930) et qu'il allait nous quitter alors que nous célébrons l'année du cinquantenaire de l'indépendance du pays. Deux autres dates symboles qui résument aussi parfaitement sa vie. Celle d'«un monde fini qui commence», selon la belle
formule de Paul Valéry. Le processus de déclin du monde colonial commence en effet au moment même où le mouvement national moderne -dans lequel Pierre s'engagera dès le déclenchement de la Révolution- émerge. Ce mouvement libérateur engagé par les forces nationales et patriotiques annonce ainsi dans les faits le début de la fin du système colonial.Pierre fut pour notre génération un homme à part. Et cela pour plusieurs raisons.D'abord son engagement pour la patrie, pour l'Algérie indépendante fut total et sans réserve. Il avait très tôt pris conscience des injustices du système colonial, de la violence et de l'humiliation subies par le peuple algérien. Il fut de ceux parmi les Européens d'origine qui ont brisé les barrières imposées par un régime «d'apartheid larvé» -la formule lui appartient-, barrières qui le séparaient de ses frères algériens. Lorsque le chahid Mohammed Laïchaoui (qui a dactylographié à Ighil
Imoula l'appel historique du 1er Novembre 1954) l'informe que l'insurrection qui était déclenchée était une «chose sérieuse», il s'engagea avec raison et sans faille aux côtés de ceux qui appellent à la Libération et à l'Indépendance du pays. Il savait où était son camp et, comme il le répétait souvent, il n'y avait pas place, pour lui, pour une troisième voie. «Il y avait ceux qui étaient pour l'indépendance nationale et les autres (ultras partisans de l'Algérie française, libéraux partisans d'une Algérie avec souveraineté française…)». Les mémoires écrites à deux voix avec Claudine son épouse, sa compagne avec laquelle il partagera tous les combats, retracent avec modestie et l'intelligence qu'on lui connaît sa contribution à la lutte de libération. La lutte et le combat pour une Algérie libre et indépendante trouveront en Pierre et Claudine des porte-paroles, des représentants qui donnaient une légitimité politique et morale indiscutable à la Révolution algérienne. Il mit son expérience, ses ressources intellectuelles et toutes ses qualités d'homme au service du pays. Il côtoya les dirigeants les plus prestigieux de la Révolution, dont Abane Ramdane et Ben M'hidi. Il fut le compagnon et l'ami de Fanon, l'animateur précieux et infatigable d'El Moudjahid et de l'agence Algérie Presse, dont on sait l'influence qu'ils eurent sur la mobilisation nationale et internationale pour le triomphe de la Révolution. Ce souffle révolutionnaire qui était le sien il y a plus de 50 ans est resté intact jusqu'à la fin. Il consacra ses derniers mois, quand ses forces physiques le lui permettaient, à communiquer ce souffle et l'idéal de cette Algérie révolutionnaire dont il fut l'acteur et le témoin. En effet, même affaibli par la maladie, Pierre tenait à mobiliser et à éclairer avec une générosité remarquable les générations nées ici de ce combat libérateur et des sacrifices consentis pour l'indépendance nationale. Il présenta son livre et se prêta, en juin, à l'exercice de conférences-débats au siège du consulat d'Algérie à Montpellier, à Ganges. Il témoignera par le moyen des médias aussi (voir l'interview accordée à Kaina-tv (www.kaina-tv.org/new-site/tag/pierre-chaulet/). Il tenait à dire et à éclairer avec toute sa raison et sa force morale du bien-fondé de la lutte, de sa justesse et ceci contre les thèses «négationnistes» ou «révisionnistes» qui ont cours aujourd'hui. Pierre était en cure de traitement lorsque le livre écrit avec Claudine est sorti à Alger. Nous pouvons témoigner de sa joie et de son immense fierté d'avoir accompli son devoir de mémoire lorsque nous lui avions apporté d'Alger des exemplaires du livre. Fier parce qu'il pensait qu'il avait contribué utilement à écrire un chapitre de l'Histoire sociale de la révolution algérienne, qu'il avait aussi contribué à une réflexion collective sur ce que représentent la citoyenneté algérienne et la nationalité algérienne aujourd'hui. Quelle joie aussi à la suite de la lecture de la lettre envoyée par le président de la République, lettre qui faisait écho à la dédicace «toute politique» accompagnant le livre qu'il lui avait adressé : le chef de l'Etat rappelant le passé glorieux de moudjahid de Pierre le qualifie «non d'un Algérien à part entière, parmi le meilleur des Algériens». La fierté d'être Algérien, d'appartenir à son peuple et à cette terre qui l'a vu naître comme d'autres Algériens dont les origines étaient Turques, andalouses, romaines, arabes… était là toujours présente… Elle expliquait aussi tous ses engagements pour la construction du pays. La deuxième raison est donc celle de ses engagements aux côtés des forces nationales qui ont à cœur l'édification de l'Etat algérien. Pierre appréciait les changements opérés dans le pays sur une échelle de l'histoire du pays qui dépasse les contingences politiques du moment. Il savait distinguer le mouvement profond de notre société et son engagement patriotique était là aussi sans faille. Il arrivait à redonner espoir dans l'avenir de l'Algérie. Il rappelait ainsi, dans ses dernières conférences publiques, qu'en dépit des déchirements de l'été 62, la rentrée des classes s'était faite dans les écoles, que les terres coloniales avaient été récupérées, que des comités de l'autogestion agricole et industrielle avaient conservé et entretenu l'outil de travail, qu'El moudjahid-Le peuple» paraissait… Que si les enfants étaient pieds nus, que si la pauvreté était immense, que si des maladies comme la tuberculose (les programmes de lutte contre la tuberculose furent l'une de principales préoccupations par la suite) sévissaient, 50 ans après le pays a changé. Nous le citons : «Scolarisation massive, plus de 30 000 médecins, contre 200 en 1962, grâce à une réforme des études médicales» (auxquelles il a activement contribué), des centaines de milliers d'étudiants, d'autres réformes et chantiers considérables ouverts et qui sont à l'origine de la transformation du pays ces 50 dernières années (réforme de l'enseignement des années 1970, réforme agraire, bases industrielles qui ont été jetées)…» A ses yeux, c'est cela qui était important. L'Etat national se construit et cela représentait pour lui une réalité historique inestimable. Le message que nous avons tous retenu en l'écoutant est que par ces temps de bouleversements et de crise politique et morale, de menaces qui pèsent sur le monde (il suivait l'actualité internationale) c'est cette réalité qu'il faut défendre, que si les tâches ne sont certes pas accomplies, il ne faut pas désespérer de l'avenir si l'on mesure les changements à une échelle de temps plus longue. Pierre aura été modeste jusqu'au bout : soulignons seulement sa contribution avec la rigueur intellectuelle et la droiture qu'on lui connait à la formation de générations de médecins ou à la défense du système de santé publique du pays au cours de ces 50 dernières années. Une autre raison enfin de notre admiration pour l'homme généreux dont la fidélité à ses idéaux de jeunesse était sans cesse renouvelée. Les derniers messages de Pierre, ses propos échangés à l'occasion de visites à l'hôpital ou chez Anne et Pierre, son gendre, sont chargés d'espoir et d'un esprit de combat pour que les générations futures poursuivent les objectifs portés par la Révolution de Novembre 1954 ou les principes adoptés lors du Congrès de la Soummam (dont les textes ont été cachés dans les langes de Luc et acheminés par Claudine). Pierre avait la conviction que la «révolution démocratique et sociale» pour laquelle il s'était engagé toute sa vie est dans le fond inéluctable et sa certitude est que l'Histoire inspirée des principes de Novembre reprendra son cours. Notre grand frère Pierre avait exprimé la volonté de revoir le pays où il voulait fermer les yeux. Toutes les autorités (celles du consulat ici à Montpellier mais aussi les plus hautes autorités du pays) s'étaient mobilisées il y a une semaine pour son transfert à Alger. Il fut annulé, son état s'étant subitement aggravé. Nous pensons à ses proches, sa vieille tante Colette Reveill-Tamiato (dont il conservait précieusement la photo sur lui), ses frères et sœurs (Yves, Jean François, Marguerite et Christiane), ses enfants (Eve, Anne et Luc) et petits enfants (le petit Yahia, Victoire, Céleste, Alice), Ghania et Pierre et à tous ceux qui ont été toujours présents et qui l'ont entouré de leur immense affection et qui l'on aidé à vivre. Nous avons aussi une pensée mêlée de reconnaissance et d'émotion pour Claudine - «l'autre voix»- dont on mesure la douleur après la disparition de celui dont elle a, dès les premières rencontres, épousé la cause, partagé la vie et poursuivi les combats pour «la conquête de la citoyenneté» algérienne.
O. B.
Montpellier, le 5 Octobre 2012
*Economiste (Ciheam-IAM, Montpellier)


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