Après avoir donné du temps au temps, le chef de l'Etat accélère le tempo de la révision constitutionnelle. Comme très attendu, le projet de modification partielle de la Constitution de 1996, conformément à la loi fondamentale, a suivi son cours normal. Après le Conseil des ministres, et après avis favorable du Conseil constitutionnel, le texte sera présenté, le mercredi 12 novembre, aux députés et sénateurs réunis en congrès, sur convocation du président de la République. Et sauf surprise, très improbable, la mouture portant amendement de la Constitution sera adoptée sans barguigner par une majorité parlementaire très confortable. S'appuyant sur l'Alliance présidentielle formée par le FLN, le RND et les islamistes du MSP, qui totalise à elle seule 249 sièges sur 389, le président Abdelaziz Bouteflika pourra compter également sur le vote favorable du Parti des travailleurs de Mme Louisa Hanoune qui dispose de 26 représentants à l'Assemblée nationale (APN). Au Conseil de la nation, les choses paraissent aussi aisées. Sur les 96 sénateurs élus constituant les deux tiers du Sénat, le RND du chef du gouvernement Ahmed Ouyahia dispose de la majorité tandis que le tiers restant des «conseillers de la nation», c'est-à-dire 48 sénateurs, est désigné par le président de la République. Qu'il s'agisse donc de la Chambre basse ou de la Chambre haute, la loi de l'arithmétique sera largement favorable, le vote étant naturellement acquis sur le seul décompte des voix de l'Alliance présidentielle qui, théoriquement, constitue la majorité parlementaire du chef de l'Etat. Sans compter, d'autre part, les voix additionnelles d'un Parti des travailleurs réaliste à souhait, convaincu en la circonstance sur le fond de la réforme et pas du tout d'accord sur la forme. Mais qu'importe le flacon et importe peu la couleur du chat, comme disait le Chinois Deng Tsiao Ping, communiste converti au pragmatisme économique. Si la partie qui se jouera mercredi se déroulera dans les règles de l'art, la question substantifique qui mérite déjà d'être posée a trait à la nature des futures réformes. Surtout, au temps qui leur sera nécessairement imparti. Secret de Polichinelle, on sait que le président de la République compte faire du prochain quinquennat un temps privilégié de la réforme de fond, celle qui mettrait l'Etat, l'économie et le territoire au rendez-vous de la démocratie et du développement durable. Le chef de l'Etat est, certes, maître du calendrier et horloger en son domaine. Mais, justement, le temps lui fait le plus défaut. Au pays, aussi. Et, ne l'oublions pas, il y a en plus la temporalité propre à un quinquennat qui, c'est déjà connu ailleurs, accélère le rythme de la réflexion et de l'action. Ensuite, et c'est là que les choses seront beaucoup moins simples et les défis, colossaux, la crise financière mondiale, qui risque d'obérer les finances du pays et d'amoindrir ses capacités de décision et ses marges de décision, sera un formidable accélérateur du temps. Or, faut-il le souligner, le temps presse. Et le chef de l'Etat, qui a l'habitude d'éprouver le temps et les gens, n'a plus d'autre choix que celui d'appuyer sur l'accélérateur en menant de front plusieurs grands chantiers de réformes de fond. Qu'elles concernent, par exemple, l'architecture institutionnelle, avec une redéfinition de la doctrine de sécurité nationale et des missions régaliennes de l'Etat, ou qu'elles concerneraient un nouvel aménagement du territoire fondé sur le développement durable et une meilleure répartition des ressources de la collectivité nationale, ces réformes rappellent à l'esprit le titre d'un célèbre péplum intitulé les Travaux d'Hercule. Le président de la République qui, naturellement, n'ignore rien du gigantisme du chantier, sait qu'il n'est plus urgent d'attendre. N. K.