Il y a deux années, les ministères de l'Education et de la Culture ont signé une convention en faveur du retour du livre dans les programmes scolaires. L'accord qui devait entrer en vigueur à la rentrée scolaire 2011-2012, stipulait l'obligation faite aux écoliers de lire au moins quatre ouvrages durant l'année scolaire. Cette décision qui entendait promouvoir et développer le livre et la lecture, prévoyait également d'autres actions entrant dans le même objectif, comme la création de quelques centaines de bibliothèques, l'institution du prix du meilleur lecteur parmi les élèves, ainsi que la création de clubs de lecture et de dictée au sein des établissements scolaires. En somme, une série de mesures appelées à corriger une lacune monumentale, parmi d'autres, qui a longtemps sévi dans le système éducatif algérien qui se trouvait dans un état lamentable et qu'il fallait à tout prix relancer.Une année plus tard, le livre reste en marge du programme scolaire, la mise en œuvre de cette convention tardant à être concrétisée sur le terrain, hormis le lancement des projets de bibliothèques. Entre-temps, le livre reste l'apanage quasi-exclusif du secteur de la culture, à travers notamment certaines activités consacrées au livre et à la lecture. D'ailleurs, les projets de bibliothèques sont lancés par le secteur de Khalida Toumi. A Tizi Ouzou, le festival culturel local «Lire en fête» était, en septembre, à sa 3e édition et avait péché par la programmation d'une foultitude d'ateliers qui avaient noyé le livre et la lecture dans des activités artistiques qui n'étaient pas toujours du goût des parents. Le contenu de la convention signée entre les deux départements ministériels n'est pas encore visible dans les salles de cours des établissements scolaires.Des enseignants interrogés avouent ne pas comprendre les raisons du retard dans la mise en œuvre de cette convention, alors que certains parents n'étaient même pas au courant de l'existence même de ce texte signé par les départements de l'Education, sous Benbouzid, et de la Culture. «Il est probable que la mise à la disposition des élèves d'un nombre important de livres ne soit pas aussi simple que l'on croyait», dit un enseignant dans une école primaire du centre-ville de Tizi Ouzou, voulant comme preuve la difficulté trouvée par le secteur de l'éducation dans la distribution dans les temps des livres scolaires. Selon un directeur d'établissement, les livres scolaires devaient être remis aux élèves dans les trois premiers jours de la rentrée, mais certains établissements ont eu leurs quotas plus d'une semaine plus tard. Une enseignante dans un CEM n'est pas du même avis, et croit dur comme fer que les pouvoirs publics n'ont pas une grande volonté de ressusciter l'amour du livre et de la lecture dans la société. Pour elle, tant que le livre est pris en charge, plus par le secteur de la culture que celui de l'éducation, il ne sera jamais considéré comme un outil de savoir au service de la société. «Tant que le livre est géré par ceux qui gèrent la danse et le chant, il n'atteindra pas la société entière. Il ne profitera pas à tous les enfants», martèle cette enseignante qui «revendique» aussi le statut de parent de deux enfants scolarisés, estimant, en outre, que le secteur de la culture doit intervenir en appui aux activités principales que doit mener celui de l'éducation.Pour un autre enseignant qui voulait appuyer les propos de sa collègue, «le livre et la lecture sont une question trop sérieuse pour les confier à des animateurs culturels qui n'ont pas les facultés nécessaires pour mener à bien une telle mission. Faire aimer le livre pour relancer la lecture est du domaine de gens qualifiés qui se trouvent exclusivement dans le secteur de l'éducation». Les deux interlocuteurs s'entendent sur un autre volet, celui du prix des livres intéressant ainsi que la qualité de certains ouvrages, qu'il faut faire disparaitre selon eux. Au lieu d'agir dans le sens d'une baisse conséquente des prix, notamment à travers la suppression de certains taxes et impôts, les pouvoirs publics se sont évertués à rendre disponibles des ouvrages à petits, très petits prix, mais avec une qualité douteuse, des erreurs (fautes ?) monumentales y ont été décelées et dénoncées par des professionnels, des libraires, des bibliothécaires et des enseignants. La gestion de la politique livresque est déjà difficile pour le secteur de l'éducation qui a les compétences nécessaires pour la mener de façon adroite, donc il ne faut pas s'attendre à des résultats probants si on la confie à des animateurs culturels, aussi engagés soient-ils, concluent nos deux interlocuteurs.