Les obstacles qui se dressent devant les potentiels investisseurs en Kabylie ne manquent pas. Dans une région marquée par un sous-développement socioéconomique énorme, les contraintes de monter une entreprise sont à chaque forum local des entrepreneurs montrées du doigt sans que les autorités concernées ne viennent apporter les réponses attendues de la part des porteurs de projets. Si les oreilles des institutions accompagnatrices de projets d'investissement étaient restées presque sourdes face aux demandes des investisseurs durant plusieurs décennies dans la région de Kabylie, les rapports entre l'Administration et les organismes fonciers et banquiers et les leaders d'entreprises sont devenus quasiment impossibles depuis l'éclatement des événements dits «Printemps noir» de Kabylie, en 2001. En plus de la dégradation du niveau de sécurité des investissements en raison d'une activité terroriste toujours contraignante, les investisseurs sont soumis à la pression permanente des pouvoirs publics via les agences foncières et les banques poussant une bonne partie des intéressés vers la porte de sortie, soit par le recours à la délocalisation ou carrément à l'abandon pur et simple de projets capables de donner un nouveau souffle pour le développement local et baisser ainsi les effets chaotiques du chômage qui a atteint des seuils insupportables ces dernières années dans les hameaux peuplés de Kabylie et, cela, malgré des potentialités locales, inestimables notamment la qualité de la main-d'œuvre diplômée et qualifiée, suffisamment apte à relever les défis du développement. Globalement, la dernière enquête de l'Office national des Statistiques (ONS) confirme qu'à l'échelle de toute l'Algérie, la bureaucratie, l'accès au foncier et au financement sont les principales raisons du ralentissement des projets des entreprises. Le dossier de banque et toute la paperasse liée aux étapes du crédit banquier sont signalés par les entreprises consultées comme un obstacle majeur pour mettre sur pied un projet d'investissement. Le nombre de documents exigés et la lenteur du vis-à-vis dans l'octroi du crédit dissuade ainsi les plus tenaces des entrepreneurs. Ainsi, l'engouement pour l'investissement en Kabylie, souligné par des études récentes, se trouve handicapé. L'enquête de l'ONS dit que 43,9% des chefs d'entreprises trouvent «complexe» le dossier administratif de création d'entreprise alors que les emprunts bancaires ne représentent que 3,3% des sources de financement, d'où la prédominance de l'autofinancement des projets d'investissement. Petite mais significative conclusion : Les banques, en Algérie, ne participent presque pas du tout à l'effort de financement des projets d'investissement dans le pays et sont peu soucieuses des préoccupations économiques et sociales de la population dans le besoin de créer de la richesse et de l'emploi. Une autre étude de la Banque africaine pour le Développement (BAD) qui date de juillet dernier souligne aussi le financement comme l'un des plus importants facteurs négatifs pour l'investissement en plus de la corruption. À Tizi-Ouzou, le tissu des PME et PMI est dans un état lamentable. Le constat a été fait à maintes reprises par les concernés et lors de rencontres organisées par la chambre de Commerce et d'industrie du Djurdjura (Ccid). C'est connu de tous : Les zones d'activité et industrielles de la wilaya n'attirent pas les éventuels investisseurs alors que, selon des chiffres récents, 53 000 opérateurs sont inscrits au niveau du Centre national du Registre de Commerce engendrant des recettes fiscales comme la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) de l'ordre de 650 millions de dinars rien que pour l'année 2010. Avec une moyenne de 6,5 entreprises pour 1000 habitants, la Wilaya de Tizi-Ouzou est loin derrière la moyenne nationale qui est de 11,5. Des chefs d'entreprises créées dans le cadre de l'Ansej, la Cnac et l'Angem et organisés au sein du forum des promoteurs de jeunes entrepreneurs de la Wilaya de Tizi-Ouzou avaient donné par le passé leur point de vue sur la situation de l'investissement dans la région de Kabylie. «Le constat est amer, des milliers de petites entreprises sont plus que jamais menacées du spectre de la faillite si l'Etat ne prend aucune mesure d'encadrement et d'accompagnement au profit des promoteurs». «le marché est sous l'emprise d'une bureaucratie et d'une corruption qui étendent leurs tentacules sur tous les secteurs de la vie économique du pays (…). Les marchés publics sont loin d'être à la portée des micro-entreprises, un marché de sous-traitance escamoté par des spéculateurs, une absence d'étude sérieuse du marché du travail, une défaillance notable des études techniques et économiques, une absence d'accompagnement, information et orientation à quoi s'ajoutent un harcèlement de la part des banques, une énorme difficulté à respecter leurs tableaux d'échéanciers en raison du manque d'activité et la masse pesante de charges, le manque de liquidités pour financer le cycle d'exploitation, l'inadéquation des flux monétaires entrant et sortant, le traitement lent des dossiers par les banques lors de la réalisation et lors de la certification des chèques et leurs conséquences via un deuxième tableau d'échéancier (intérêts intercalaires à la charge du promoteur) et le retard dans le traitement des situations par les services concernés qui se répercute sur les pénalités à payer par les promoteurs déjà en situation financière désastreuse». Les membres du forum avaient appelé, dans leur écrit adressé aux autorités, à l'arrêt du harcèlement par les banques, la valorisation des études technico-économiques en prenant en compte le facteur de saturation et le fonds de roulement ainsi que la suppression des droits de dépôt des comptes sociaux pour les personnes morales, la création d'un fonds de solidarité avec les micro-entreprises, la réglementation de l'intégration des micro-entreprises dans la sous-traitance, la prorogation de la durée d'exonération d'impôts, l'accès au rééchelonnement de la dette sans variation du taux d'intérêt et la reconsidération des modalités d'octroi des locaux. Cela dit, ce n'est pas l'engouement pour l'investissement en Kabylie qui fait défaut ; malgré tous les obstacles banquiers et administratifs et le rythme continu des faits terroristes (attentats, kidnappings etc.), la Wilaya de Tizi Ouzou occupe la tête des déclarations d'investissement en Algérie au premier semestre 2012 avec 453 projets selon des données actuelles de la direction générale de l'Agence nationale de Développement et de l'Investissement (Andi). Ici, on connait assez bien la source du problème.