Lors de notre virée à l'hôpital Mustapha, tous les services étaient en grève. Contrairement à la période antérieure à la grève, l'enseignement n'était pas dispensé aux résidents. Seul le service des urgences fonctionnait normalement. Aux personnes venues se soigner ou rendre visite à un malade, il leur a été clairement expliqué que le travail était à l'arrêt et que seul le service minimum était assuré. Il faut dire que, de tout temps, les grèves sont généralement assez bien suivies dans cette structure hospitalière. Regroupées face à la direction générale de l'hôpital, les blouses blanches discutaient de l'événement du jour. Les commentaires allaient bon train sur le taux de suivi du débrayage. La tendance était à l'optimisme. «La grève est bien suivie à Alger et ailleurs», pouvait-on entendre. «Normalement, nous n'avions même pas à recourir à la grève, tellement nos revendications sont légitimes. Mais, devant l'indifférence de nos responsables, cet arrêt de travail s'imposait de lui-même. La grève d'aujourd'hui est celle de la dignité», lancera le Dr Ouared, président de la section syndicale des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSSP). Pour sa part, le Dr Belhadj, secrétaire général du Syndicat des maîtres assistants de l'hôpital Mustapha, exprimera ses regrets au sujet du fait que, comparativement à ses voisins du Maghreb, l'Algérie, qui a vu la naissance de la première faculté de médecine (en 1876, ndlr), doit être logée à une meilleure enseigne. Pour lui, seule la chefferie du gouvernement (et non le ministère de la Santé) est à même de régler définitivement cette lancinante question des salaires. «Ce qui est paradoxal, c'est que l'on veut à tout prix retenir les meilleures compétences du pays, sans, en contrepartie, les inciter à justement rester dans leur pays. Si jamais les actuelles revendications ne sont pas satisfaites, il ne faut pas s'étonner que les meilleurs aillent exercer leurs talents sous d'autres cieux. Nous ne faisons pas de politique. Nos revendications sont purement d'ordre socioprofessionnel», nous dira notre interlocuteur. A l'hôpital de Bab El Oued, l'adhésion pour la grève semble, de prime abord, moindre. Au service des urgences pédiatriques, et même si l'activité a diminué d'un cran par rapport à ce qui est habituel, il n'en demeure pas moins que les médecins exerçaient comme si de rien n'était. «Vous savez en pédiatrie, on ne peut pas refuser d'examiner un enfant qui a une forte fièvre. Cette dernière peut s'avérer préjudiciable», argumente le Pr Laraba, chef de service pédiatrie au CHU de Bab El Oued. Au sujet des revendications salariales, notre interlocuteur assurera qu'elles sont on ne peut plus légitimes. «Comparativement à nos voisins, ce n'est guère exagéré de dire que nous gagnons des miettes. Outre ce facteur, il y a l'aspect lié à la formation continue. Partout dans le monde, la recherche avance à un rythme très rapide. Nous devons sans cesse nous perfectionner. Mais, pour cela, il y a un fort prix à payer. L'abonnement à certaines revues spécialisées coûte 7 millions de centimes/an au minimum», martèlera notre interlocuteur, non sans avouer qu'il n'était pas très optimiste quant à l'issue finale de la grève. B. L.