Six jours après le président François Hollande, le Sénat français a adopté une résolution reconnaissant les massacres d'Algériens le 17 Octobre 1961. Examiné au cours de sa séance de mardi après-midi, le projet de résolution a été adopté par 174 voix contre 168. Le texte soutenu par les sénateurs communistes a été appuyé par leurs collègues socialistes et écologistes. La droite de l'UMP et du centre s'y est opposé. Le texte adopté indique que : «Considérant les travaux historiques et scientifiques qui établissent la réalité des violences et meurtres commis à l'encontre de ressortissants algériens à Paris et dans ses environs lors de la manifestation du 17 Octobre 1961», le Sénat français «souhaite que la France reconnaisse ces faits», comme il «souhaite la réalisation d'un lieu du souvenir à la mémoire des victimes du 17 Octobre 1961».La résolution adoptée mardi est une proposition déposée le 30 janvier 2012 par l'ex-sénatrice communiste Borvo Cohen-Seat. Assumée par son groupe de sénateurs, c'est au premier secrétaire du parti communiste, Pierre Laurent qu'est revenu l'honneur d'introduire le débat sur le projet de résolution lors d'une séance publique parfois houleuse à l'initiative de sénateurs de droite. Il a, en premier lieu, salué la déclaration faite par Hollande le 17 octobre dernier qu'il a qualifié d'«acte important, tant attendu, auquel un vote solennel de notre assemblée donnera toute sa portée». Mais, le sénateur a tout de suite ajouté : «C'est un premier pas, qui doit être suivi par d'autres : la reconnaissance des faits sanglants du 17 octobre doit conduire à l'établissement définitif de la vérité et la reconnaissance des crimes coloniaux. La déclaration du président de la République doit aussi mener à l'ouverture des archives, celles de toutes les guerres coloniales et de leur cortège de répressions et de massacres. Cela supposerait aussi un reversement aux archives nationales des archives de la préfecture de police de Paris mais aussi de celles des ministères et de la présidence de la République».Pour l'intervenant, le 17 Octobre «n'est pas un événement isolé». «Les massacres du 17 octobre ont été couverts, encouragés par les plus hautes instances de l'époque. On peut parler d'un crime d'Etat, indissociable du colonialisme, comme les massacres de Sétif en 1945, ceux de Madagascar en 1947, la «disparition» de Maurice Audin, la guerre d'Indochine, la Guerre d'Algérie, Charonne», a-t-il expliqué. Sans se laisser déconcentrer par des interpellations et des chahuts de sénateurs de droite, l'orateur s'en est pris vivement au préfet Maurice Papon, maître d'œuvre de la répression du 17 octobre, avant de s'attaquer à la droite qui «persiste» dans «la dénégation» des faits. Pour Laurent, «le temps est venu d'en finir avec ces infamies, en reconnaissant le crime, en faisant la clarté sur les responsabilités, en ouvrant les archives. Nous apaiserons ainsi, a-t-il conclu, les esprits pour redéfinir, enfin, des relations saines avec le peuple algérien, pour renouer avec une coopération avantageuse entre nos deux pays». Au cours du débat, le sénateur Claude Domeizel président du groupe d'amitié France-Algérie, a tenu à exprimer son sentiment, pour recadrer le débat qui commençait à déraper avec des diversions de ses collègues de la droite, afin de saluer «la position courageuse du président François Hollande, digne d'une nation mature, qui assume son passé, glorieux ou moins glorieux», avant d'ajouter : «Je mets en garde le Sénat : qu'il évite les polémiques qui trouvent leur origine hors de notre hémicycle. Souvenons-nous des dérapages parlementaires de 2004, qui ont compromis la signature du traité d'amitié entre nos deux pays voulu par Jacques Chirac. Je souhaite que les historiens puissent, désormais, travailler dans la sérénité». Malgré les interventions des élus de droite, comme Roger Karoutchi et Philippe Bas, ramenant à la lutte FLN/MNA, aux harkis, au terrorisme du FLN, etc.…, la majorité des sénateurs a adopté la résolution proposée. Elle a été immédiatement signée par le président de la Haute chambre, M. Jean-Pierre Bel.