Synthèse de Sihem Ammour Le 3ème colloque dédié à la vie et à l'œuvre du poète et dramaturge Kateb Yacine intitulé «Une vie et une œuvre nommée Nedjma» a débuté, hier, à Tizi Ouzou. Organisée conjointement par le ministère de la Culture en collaboration avec la maison de la culture Mouloud-Mammeri et le théâtre régional Kateb Yacine de Tizi Ouzou, la manifestation réunira, durant trois jours : universitaires, journalistes et acteurs autour du thème «La configuration de l'amour de la patrie dans l'œuvre de Nedjma». L'ouverture du colloque a été marquée par une exposition d'articles, de manuscrits et d'objets personnels de Kateb Yacine ainsi que par l'organisation d'un concours d'écriture à l'intention des étudiants de la Faculté des lettres et des langues de l'Université Mouloud-Mammeri. De même, cinq conférences, données par des spécialistes en littérature et des linguistes, aborderont l'œuvre du grand écrivain algérien en rapport avec l'histoire, l'altérité ou encore la question amazighe. Seront également présentes dans le cadre de cette rencontre des troupes de théâtre de Tizi Ouzou et de Sétif ainsi que d'anciens comédiens de la troupe du dramaturge qui donneront des représentations théâtrales et feront des lectures de textes.Né en 1929 à Constantine, Kateb Yacine, dramaturge, poète et romancier de talent, se distingue par la puissance de ses œuvres écrites et forgées dans la douleur et les conflits intérieurs d'un «homme enfanté par la mort et l'oppression», comme aime à le définir un de ses anciens collaborateurs cité par l'APS. C'est à la prison de Sétif où il s'est retrouvé après les manifestations du 8 Mai 1945, que le jeune Kateb Yacine a découvert l'oppression, la mort, le vrai visage de la colonisation et, surtout, son peuple. Suite à cette expérience traumatisante pour un adolescent de 16 ans, Kateb entame l'écriture de son premier recueil de poésie : Soliloques en 1946 où il écrivit, en préface : «J'ai commencé à comprendre les gens qui étaient avec moi, les gens du peuple [...]. Devant la mort, on se comprend, on se parle plus et mieux.» A peine ses blessures carcérales refermées que Yacine se retrouve pris au piège d'un amour impossible pour sa cousine, Nedjma, comme il aime à l'appeler, une passion qui le marquera jusqu'à sa mort. Durant son séjour à Annaba, le jeune Yacine se radicalise politiquement et écrit des poèmes oscillant entre «l'amour et la Révolution», avant de partir pour Paris où il donne, en 1947, une conférence sur l'Emir Abdelkader intitulée : «Abdelkader et l'indépendance algérienne». Déchiré entre sa cousine mariée et sa fascination pour les militants, Kateb Yacine transcende cette contradiction par la plume et publie le célèbre Nedjma. Une nouvelle forme d'expression s'impose, cependant, aux yeux de Kateb, la littérature ne suffisant plus pour véhiculer ses idées et toucher les masses populaires qu'il admire tant. Par ses expressions corporelles et en lui faisant prendre conscience que sa littérature ne s'adressait pas à elle et donc pas aux Algériens, sa mère, qui avait perdu la raison après son incarcération, poussait inconsciemment Kateb vers le théâtre. Sa fascination pour les révolutions pousse le jeune dramaturge à publier ses premières pièces dans le recueil le Cercle des représailles comprenant quatre pièces différentes dont le Cadavre encerclé mis en scène par le Français Jean-Marie Serreau, en 1954. Kateb Yacine abandonnait la littérature française au profit d'un théâtre populaire pour parvenir à partager ses idéaux avec son peuple, un souhait qu'il a concrétisé sur les scènes et les places publiques dix-huit ans durant. Après avoir réalisé son rêve de dramaturge de la révolution universelle avec la Guerre de deux mille ans, une pièce sans cesse modifiée, Kateb écrit son œuvre ultime par l'ampleur de sa symbolique, le Bourgeois sans culotte ou le spectre du parc Manceau, à l'occasion du bicentenaire de la Révolution française de 1789. Kateb Yacine décède le 28 octobre 1989 à Grenoble où il se soignait et sera enterré le 1er novembre au carré des martyrs du cimetière El Alia à Alger. La troisième édition du colloque dédié à ce grand homme de la culture algérienne se clôturera, mercredi prochain, avec le dépôt d'une gerbe de fleurs sur la tombe du poète disparu.